Cinéma / PATIENTS de Grand Corps Malade et Mehdi Idir.

Le quotidien dans un centre se soins pour tétraplégiques et son vécu , raconté par le slameur Grand Corps Malade qui en a fait l’expérience à la suite d’un accident de sport .Adapté librement de son livre, le film , porté par un regard juste sans pathos et un humour distancié , distille une belle leçon de vie et de courage…

l'Affiche du Film.
l’Affiche du Film.

Après le récent et remarquable Et les Mistrals gagnants d’Anne- Dauphine Julliand ( voir critique sur notre site ) sur de jeunes enfants atteints de maladies handicapantes et potentiellement mortelles, voici que nous arrive , Patients ( Cliquez pour voir la bande-Annonce- Gaumont Cinéma  )de Grand Corps Malade et Mehdi Idir , porté par une même vécu ( pour Anne -Dauphine Julliand,  l’expérience  de la maladie incurable qui a emporté sa fille de 2 ans , et ici , celle de Grand Corps Malade perdant suite à un accident l’usage de ses bras et ses jambes et se retrouvant dans un centre de soins pour tétraplégiques ) , un passionnant double – regard sur le handicap . D’une certaine manière les deux films se complètent et se répondent par la volonté de celui-ci ( et c’est la force des deux films qui en deviennent bouleversants ), refusant tout apitoiement et se mettant à hauteur de leurs sujets .A la fois  dans la façon d’affronter et transcender la maladie et ( ou ) le handicap, et faire de cette expérience douloureuse restituée, une ode à la vie . Affronter , ici , comme pour Ben ( Pablo Pauly ) et ses camarades du centre de soins pour tétraplégiques, la douloureuse rééducation qui pourra peut-être  lui permettre de retrouver une certaine mobilité . Patience , courage et moments de découragement , problèmes d’intimité et de dépendance physique aux aide-soignants , rien ce qu’il représente réellement , comme force mentale , pour y faire face ..

Ben ( Pablo Pauky ) en plein effort de réeducationavec le Kiné ( Yannick Rénier )
Ben ( Pablo Pauly ) en plein effort de rééducation avec le Kiné ( Yannick Rénier )

Les mots -clés inscrits sur l’affiche du film «  espérer, attendre , résister , aimer , se vanner » en traduisent magnifiquement , le ressenti et le vécu afin de « trouver l’énergie pour réapprendre à vivre » . celle nécessaire , aux efforts incroyables qu’il leur faudra faire pour retrouver les gestes basiques du quotidien «  se laver , s’habiller , marcher … » qu’ils ne peuvent plus reproduire, et dont ils vont devoir affronter le méticuleux travail – accompagnés par les aide-soignants – qui va leur permettre d’espérer retrouver une certaine mobilité :  « Patients est l’histoire d’une renaissance , d’un voyage chaotique fait de victoires et de défaites , de larmes et d’éclats de rires , mais surtout de rencontres : on ne guérit pas seul .. .» , expliquent les auteurs dans le dossier de presse . Et c’est cette « solidarité » d’un quotidien, racontée avec une belle et saine distanciation , qui fait le prix du film. C’est dans cette «  approche » d’un vécu de l’intérieur qu’il distille ses plus belles et émouvantes séquences. Celles qui décrivent le vécu d’une forme d’enferment et d’un désespoir dont il n’est pas facile de se libérer, comme par exemple celui de Steeve ( Franck Falise ) dont le regard en dit long et qui se saoule à la vodka pour essayer de se suicider !. Ou celles, laissant percevoir le fatalisme émouvant de Toussaint ( Moussa Mansaly ) qui sait que son état ne pourra plus s’améliorer , et devra apprendre à vivre avec… Que dire aussi de ce vieux personnage qui se tient toute la journée dans son fauteuil roulant sur le perron de sortie du centre , le regard fixé vers l’horizon et dont le mutisme en dit long sur la souffrance intérieure. Il est bouleversant …

Ben ( Pablo Pauly ) avec l'infirmière prévenante ( Anne Benoit )
Ben ( Pablo Pauly ) avec l’infirmière prévenante ( Anne Benoit )

La gravité , et puis , cette solidarité dont les auteurs traduisent magnifiquement la force du « lien » qui la définit comme « moteur » essentiel pour transcender le quotidien et les angoisses du vécu personnel . Celui dont les dialogues décrivent à la fois l’intimité que chacun veut préserver , en même temps que les liens qui se tissent comme dans n’importe quel groupe de jeunes «  malgré les difficultés qu’ils vivent dans ce centre de soins , ils se lient, se chambrent , s’engueulent comme s’ils étaient au pied de leur immeuble … ». C’est dans cette approche créant via l’humour et les vannes , une ouverture , une porte de sortie à l’angoisse de l’enfermement , qui fait mouche. On y transcende les peurs par la moquerie qui permet de rire des handicaps des autres et de soi-même , comme pour faire miroir, à l’image du regard extérieur porté sur celui-ci . A cet égard , le personnage de Farid ( Soufiane Guerrab) est à coté de celui de Ben , un des personnages passionnants, et clé du film . En effet , ayant été en situation d’handicap depuis l’âge de quatre ans et devant vivre avec ses conséquences qui expliquent ses visites régulières depuis au centre, il leur ouvre un autre regard sur la perception et l’approche de leur handicap . Celle qui va leur permettre de relativiser et d’une certaine manière d’accepter cette dure phase de transition par laquelle ils doivent en passer «  il est le seul a ne pas être dans cette phase de transition où tu découvre le monde du handicap , il leur  apporte la lumière » . Celle qui va leur permettre de se battre , de sortir du cauchemar consistant à passer des mois accepter d’être immobilisé sur un lit à contempler le plafond de sa chambre , puis consentir à faire les efforts insurmontables (?) pour pouvoir arriver à bouger un doigt , une jambe …

Ben ( Pablo Pauly ) et Farid ( Soufiane Guerrab ) dans les couloirs du centre
Ben ( Pablo Pauly ) et Farid ( Soufiane Guerrab ) dans les couloirs du centre

Le travail des aide-soignants qui était un des points important du livre de Grand Corps Malade,  leur rendant hommage, est également un des éléments importants du film , traité avec le même point de vue à la fois distancié et en même temps respectueux de leur dévouement et de leur travail . Là aussi le récit en privilégie la diversité du regard en retenant des personnages s’investissant avec leur « tics » , dans leur travail. De l’infirmière maladroite à force de vouloir tellement bien faire, à celle prévenante et aux petits soins jusqu’à tenir le téléphone collé aux oreilles de Ben pendant les longues conversations avec ses potes de l’extérieur .Et jusqu’à l’inénarrable infirmier qui ( agace un peu Ben !…) ne cesse de commenter ses faits et gestes «  je lui ouvre les volets de sa jolie chambre, ça sera quoi au petit déjeuner ? , je lui beurre les biscottes , comment va Ben aujourd’hui ? , il veut regarder la télé ?, je lui allume la télé .. » .Et enfin ce kiné attentif et compréhensif qui saura pousser Ben à faire les efforts et progresser pour  se sortir de son état de «  paraplégique incomplet » et retrouver une certaine mobilité . Vous dire encore que tous les comédiens sont épatants ( Prix d’interprétation collectif mérité , au Festival de Sarlat ) et participent à la réussite du film …

De gauche à Droite : Frank Falisse, Soufiane Guerrab,, Pablo Pauky , Moussa Mansaly
De gauche à Droite : Frank Falise, Soufiane Guerrab, Pablo Pauly , Moussa Mansaly

Le regard des co-réalisateurs s’y révèle absent de tout apitoiement, tout en n’éludant rien sur le vécu de celui-ci ( efforts et découragement , intimité  et dépendance physique…) et lui offre cette distanciation humoristique bienvenue . Approche originale et volonté d’écriture   ( dialogues ) qui l’est tout autant dont la « patte » du slameur et son sens des mots et des phrases fait merveille .complétée par une bande musicale en adéquation . La réussite est au rendez-vous . On laissera la conclusion à Grand Corps Malade «  un jour le véritable Farid m’a dit   » quand les gens te rencontrent la première fois tu n’est qu’un handicapé , c’est ta seule identité » . Ces propos m’ont marqué. Je serais heureux qu’au moment où il croise un type en fauteuil le spectateur se dise qu’il y a d’abord un être humain, qui a vécu un drame et s’est battu ».

(Etienne Ballérini)

PATIENTS de Grand Corps Malade et Mehdi Idir – 2017- Durée : 1 h 50 –
Avec : Pablo Pauly, Soufiane Guerrab,Moussa Mansaly,Mailia Hazoune, Frank Falisse, Yannik Renier,Jason Divengelle, Eabbah Nait Oufella, Alban Ivanov,Anne benoit, Samie El Bidadi et Dominique Blanc.

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