Musique / Sur une jambe … Emile Parisien

En général, un saxophoniste qui joue reste assez droit dans sa posture, certains baladent leur instrument de gauche à droite ou de bas en haut. Parmi ces musiciens les plus en vue, il y a Emile Parisien, on pourrait dire de lui qu’il a la  bougeotte, sautant d’une jambe sur l’autre, gesticulant dans des positions pas banales, à se demander comment il ne tombe pas. Avec son grand complice l’accordéoniste Vincent Peirani, il était de passage à Cannes au Théâtre Alexandre III invité par la Direction de la Culture pour un hommage à Sydney Bechet,mais pas que !p1050997

En voyant sur scène Emile Parisien jouant du soprano, pas très grand avec ses petites lunettes et sa paire de tennis, gesticulant jusquà l’impossible en compagnie de l’accordéoniste Vincent Peirani haut de 2 mètres, jouant pieds nus, on croirait voir une séance pour un film burlesque…

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mais là, s’arrête l’anecdote car vous avez devant vous des musiciens qui ont un grand sens d’un jazz d’improvisation d’une belle facture. Penchons nous sur Emile Parisien, il suffit de regarder sa progression spectaculaire dans le monde du jazz depuis sa sortie du célèbre collège de Marciac avant de créer son quartet en 2004 et d’enchaîner ses compositions qui lui permettront d’obtenir des récompenses de ses pairs( Victoires du Jazz, Prix Django Reinhardt, etc…). Avec des titres comme Au revoir, Porc Epic et Clown Tueur de la Fête Foraine, on peut comprendre que ses sources d’inspiration aillent de John Coltrane à Hector Berlioz et de Wayne Shorter à Richard Wagner et quand on dirige ce dernier enregistrement (Sfumato) où l’on retrouve le pianiste Joachim Kuhn et le clarinettiste Michel Portal, on peut dire qu’on n’est pas un simple joueur de saxophone…N’est ce pas Emile Parisien ?

Emile Parisien : On pourrait traduire Sfumato par nuance, en fait, Sfumato est une technique de peinture de l’époque de Léonard de Vinci qui veut dire en effet des choses nuancées.

Jean Pierre Lamouroux : Michel Portal et Joaquim Kuhn font il justement partie de ces nuances, c’est cela que vous voulez faire ressortir, la différence de génération c’est aussi çà?

E Parisien : Non, ce n’est pas une question de nuance générationnelle, c’est une question de nuance musicale et plus d’un état intérieur en fait. En effet, l’idée était de faire quelque chose en famille, des gens que j’ai rencontré où le rapport humain est très important. En fait, nous nous somment tous rencontrés avant, j’ai eu cette occasion et tout est parti d’une résidence au Festival de Jazz à Marciac.

JP L : j’ai lu un article sur l’ambiance de cette séance d’enregistrement où Michel Portal vous disait…Emile est ce que ça va ce que je fais ?

E Parisien : Il demande, voilà, il a joué le jeu… moi je ne suis pas toujours aussi respectueux,mais je suis impressionné par mes pairs, je les écoutais quand j’étais gamin… je suis toujours très admiratif et lors de ce travail en commun ils sont restés très simples en même temps, ils ont été très disponibles et très dévoués à faire une musique que j’abordais dans un état d’esprit et puis, ils ont voulu que les choses se passent bien et ils ont mis du cœur et ils me demandaient si j’étais content, moi je leurs demandais aussi s’ils aimaient. Il n’y a rien d’imposé, c’est vraiment une réunion familiale comme quand on fait une bonne bouffe…est ce que tu veux un peu de çà…oui…çà, j’aime pas…on en prend pas, voilà !

JP L : Qu’est ce qui vous passionne dans la musique de Portal, l’un des grands compositeurs français ?

E Parisien : Moi, ce que j’aime, chez Michel Portal, c’est un tout terrain, il a fait de la musique classique, il a joué avec Gainsbourg de la chanson, il joue du jazz, du free jazz

de la musique très libre dans les années 70. Il peut jouer de la musique très populaire, des valses comme j’ai pu le faire avec Vincent. En fait, il réunit tous les styles et il a réussi à mêler tous çà, oui, je suis très admiratif.

JP L : Vous évoquiez votre respect pour vos pairs,parmi eux il y a Sydney Bechet, vous lui rendez hommage comme pour ce concert à Cannes en interprétant quelques titres de l’album Belle Époque et vous le faites avec votre grand ami Vincent Peirani est ce un plus?

E Parisien : C’est avant tout une rencontre humaine si on m’avait prévenu que je passerais 4 ans de ma vie à jouer avec un accordéoniste je ne l’aurais jamais cru… j’aime l’accordéon, mais à ce stade je ne l’avais jamais imaginé et que je passerais autant de temps en sa compagnie, bref , j’ai eu la chance de rencontrer ce personnage tout à fait extraordinaire, c’est un orchestre à lui tout seul, çà devient un orgue ou un orchestre symphonique, il se sert de ses dix doigts pour faire un petit truc différent …. c’est çà qui fait que çà a pu marcher… en fait, juste un duo comme çà, c’est qu’il a plein de facettes, de palettes à proposer et donc, c’est riche comme discours.

JP L : Votre notoriété devient plus importante, cela vous donne t-il des obligations d’aller encore plus loin, d’être plus inventif ?

E Parisien : Ce n’est pas la notoriété qui fait qu’il faut être inventif,non, pas forcement, ça se fait comme çà, naturellement, nous sommes avant tout des passionnés de musique, du coup, on s’amuse, on se passionne à chercher des choses, à renouveler tous les répertoires, à faire des rencontres… tout çà, ce sont des choses assez naturelles, on ne va pas créer quelque chose par rapport à la notoriété, ce qui est important pour moi, c’est d’être sincère et spontané, ne pas calculer les choses, on a la chance pour le moment que les gens nous soutiennent et donc, on en profite et c’est encourageant.

JP L : Quelles sont vos périodes de composition et dans la vie de tous les jours, qu’aimez vous, le cinéma, la lecture ou tout autre chose ?

E Parisien : On ne peut pas prévoir, parfois, c’est un peu cliché, çà peut être une idée sous une douche ou dans un train, ou marcher dans la rue ou cuisiner, quelque fois, on a besoin de se mettre sur sa table et chercher des choses en écrivant avec son papier et son crayon mais ce n’est jamais calculé, on ne sait pas quand ça vient.

JP L : Dans la vie de tous les jours, gesticulez vous autant ?

E Parisien : Je suis comme çà depuis que je suis gamin, dans la vie de tous les jours je suis plus réservé, j’essaie plutôt d’être discret. Sur scène, quelque chose se dégage pour moi, la musique que nous faisons, elle s’exprime par notre esprit et par notre corps, moi, j’ai besoin de çà, que mon corps accompagne des pensées musicales, j’ai beaucoup de mal à me regarder, je sais qu’il y a des gens que ça peut agacer, en fait je suis transporté par la musique.

JP L : Marciac, ça vous marque toujours ?

E Parisien : Marciac, fait partie de ma vie et çà ne changera jamais, je suis toujours très heureux d’y aller, c’est comme aller dans la famille, c’est inscrit dans mon être, j’ai toujours l’image de Winton Marsalis, maintenant je le croise, il est toujours bienveillant, très gentil, on se raconte ce qu’on fait, ça l’ intéresse comme un parrain avec son petit neveu.

JP L : En dehors de la musique, que faites vous ?

E Parisien : J’aime bien aller dans un musée, plutôt voir de l’art moderne ,on n’a pas toujours assez de temps pour faire cela mais par exemple j’ai eu la chance en allant jouer a New York de me rendre au Moma.

Sur une ou deux jambes l’originaire de Cahors continuent sa tournée

en quartet ou avec Vincent Peirani et il va lui devoir un certain respect depuis sa décoration Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres.

Jean Pierre Lamouroux

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