La semaine dernière s’est achevée, au TNN, avec un moment important du cycle « Shake Nice » : une des premières pièces – la dixième exactement – de Shakespeare, une mise en scène qui fait place nette au travail -voix et corps- de l’acteur, un jeune metteur en scène que nous ferions bien d’inscrire sur nos tablettes : Richard II mis en scène par Guillaume Séverac-Schmitz.

Après une formation au conservatoire du Xème arrondissement sous la direction de Jean-Louis Bihoreau, Guillaume Séverac-Schmitz intègre en 2004 le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (CNSAD) où il suit les cours d’Andreyz Seweryn, Dominique Valadié, Nada Strancar et Cécile Garcia-Fogel. Au sein de l’école, il jouera sous la direction de Jean-Paul Wenzel, Mario Gonzalez, Christophe Rauck et Wajdi Mouawad.
Dans une interview à Julie Cadilhac il dit : « Je n’ai pas vraiment décidé de devenir metteur en scène. … je dirais que c’est un parcours personnel, c’est un peu la vie qui m’a donné envie, quelque part… je dirais que ce qui m’intéresse ce sont les aventures de groupe, c’est de gérer une compagnie, de rassembler des personnes, de travailler en groupe, de travailler ensemble, de choisir des personnes pour partager une aventure. »
Richard II est une fresque historique en écrite en 1595 inspirée par le règne (1377-1399) d Richard II d’Angleterre. Trois pièces relatant la vie des successeurs de Richard II la suivent : Henry IV (première partie), Henry IV (deuxième partie), et Henry V.
Des accusations mutuelles de trahison amènent Bolingbroke, fils aîné de Jean de Gand et cousin du roi, et Mowbray, duc de Norfolk à un duel judiciaire. Le roi Richard, qui préside cette cérémonie, l’interrompt brutalement et, après consultation de son conseil, condamne les deux adversaires à l’exil, Bolingbroke à dix années, Mowbray au bannissement à vie.
L’année suivante, quand Jean de Gand meurt, Richard II s’empare de tous les biens du défunt pour pouvoir faire la guerre en Irlande, déshéritant ainsi totalement Bolingbroke. Ce dernier quitte la France, aborde dans le nord de l’Angleterre, rassemble des troupes et marche vers le sud, rejoint en chemin par d’autres nobles, qui craignent d’être à leur tour dépossédés de leurs biens par décision du roi.

Bolingbroke capture et fait exécuter de rares opposants, restés fidèles au roi, qu’il rencontre. Quand Richard débarque enfin au Pays de Galles, sans troupes, trahi par ses derniers partisans et abusé par les stratagèmes des amis de Bolingbroke, il est rapidement capturé. Bolingbroke ne réclame au début que la restitution de ses titres et terres, ce qui lui est accordé. Mais l’impopularité du roi et son absence de soutien permettent à Bolingbroke d’usurper la couronne d’Angleterre, pour laquelle il n’avait pourtant aucun droit. Richard est déposé et Bolingbroke couronné roi sous le nom de Henry IV. Après que quelques comtes eurent tenté de le restaurer en janvier 1400, Richard meurt mystérieusement au château de Pomfret.
La représentation commence par une image très forte, un meurtre. Qui tue, qui est tué, peu importe. Cette scène est un archétype, une constante shakespearienne, résolvant frontalement la question : comment représenter le crime sur la scène. Cette image est à l’œuvre à venir ce que l’ouverture l’est à l’opéra.
Une table, sept tabourets, deux ventilateurs, une machine à pétales, un drap, une petite machine à fumée et c’est tout. Et des acteurs. Dans un espace scénique assez dépouillé, avec un code vestimentaire précis pour les hommes du pouvoir, le travail de Guillaume Séverac-Schmitz peut s’essentialiser, par la direction d’acteur, par le dessein actoriel sur ce qui fait que Shakespeare a été, est, est sera notre contemporain : le phénomène de la prise du pouvoir. Quel est son désir, comment l’obtenir, comment – ou comment ne pas – le garder.
La légitimité ne vient plus d’en-haut lors des règnes suivants de Richard II (Henry IV, Henry V). Elle se gagne désormais auprès des sujets du royaume grâce à des talents de comédien. Lorsque Shakespeare montre des souverains qui doivent sans cesse séduire leurs sujets, ne rend-t-il pas compte d’une faille dans un absolutisme du pouvoir plus fantasmé que réel ? Richard ne conçoit pas de courtiser, lui qui est entouré de courtisans prêts à chanter ses louanges : le populisme.

Au moment même où j’écris ces lignes, entre Etats-Unis, Angleterre, France, Europe, Russie, nous sommes dans une pièce de Shakespeare.
La mise en scène rend palpable ce qu’est cette pièce, qu’elle questionne les notions de pouvoir, de soutien ou d’abandon de ses pairs et s’avère une passionnante autopsie de la chute d’un roi.
Une écoute un peu inattentive de cette mise en scène peut accréditer la thèse selon laquelle à coté de la langue de Shakespeare il y ait des anachronismes, voire des expressions argotiques : c’est oublier que l’auteur pouvait être outrancier quand il décidait de l’être. « Molière et Shakespeare parlaient comme vous et moi et s’ils disaient « connard » à l’époque, il faut qu’on dise « connard ».Quand Shakespeare écrit « Hello guy » c’est: « Salut mec ! » » (Guillaume Séverac-Schmitz)
Cette mise en scène puissante et profonde, ces acteurs qui vont au bout de leur vérité, sont en phase avec cette Angleterre qui est, qui sera « la langue et le nombre de Shakespeare » ( Borges, A un saxon, Poèmes, traduction Ibarra)
Jacques Barbarin
Richard II traduction, adaptation & dramaturgie Clément Camar-Mercier
mise en scène Guillaume Séverac-Schmitz
Avec Jean Alibert, François de Brauer, Olivia Corsini, Baptiste Dezerces, Pierre-Stefan Montagnier, Thibault Perrenoud, Nicolas Pirson
conception Guillaume Séverac-Schmitz, Collectif Eudaimonia
scénographie Emmanuel Clolus, lumière Pascale Bongiovanni, costumes Emmanuelle Thomas, son Yann France, Guillaume Séverac-Schmitz
Autres dates :
– Les 5 et 6 avril 2017 à La Halle aux grains, Scène Nationale de Blois
– Les 20 et 21 avril 2017 à La tuilerie, théâtre de Bédarieux, en partenariat avec Le Sillon, Clermont l’Herault
– Le 28 avril 2017 au Théâtre de Châtillon