Les enfants confrontées aux maladies handicapantes et potentiellement mortelles . La jeune cinéaste documentariste nous invite à suivre leur vécu quotidien et leur ressenti dans ce documentaire poignant qui vous donne le frisson, parce qu’il dit au delà de leur souffrance comment ils la transcendent par leur jeux et une joie de vivre contagieuse . Un film à ne manquer sous aucun prétexte …

La cinéaste sait de quoi elle parle et elle dit pourquoi elle a voulu faire ce film sur les maladies handicapantes, et le situer « à hauteur d’enfant , sur la vie tout simplement » . Elle dont le cours de sa vie a été changé , lorsqu’elle a découvert que sa fille « Thaïs , était atteinte d’une maladie incurable au nom barbare, une leucodistrophie métachromatique . Du Haut de ses deux ans , Thaïs a ouvert mon cœur en l’invitant à apprécier chaque instant de l’existence . En réalisant qu’une belle vie ne se mesure pas au nombre d’années » , explique-telle . De cette expérience douloureuse le la maladie qui a emporté sa fille , elle en a écrit un livre bouleversant « deux petits pas sur le sable mouillé » . Dès lors , au fil des rencontres et des échanges avec d’autres parents concernés et le constat fait de » la force de l’insouciance des enfants à vivre et affronter la maladie » , l’a convaincue de la nécessité de faire connaître au grand public leur combat pour la vie. Et l’idée d’un film Les Mistrals gagnants ( voir la bande- annonce ) , s’est imposée qui permettrait de le faire partager « au travers des mots et des regards d’enfants. Les enfants , ces cœurs battants,vaillants , vivants » , dit-elle .
Prolonger en quelque sorte au travers d’autres exemples d’enfants et en leur donnant la parole, celui de sa fille qui « avait appris à gérer » la maladie, et à « aimer la vie » .
Ils sont cinq au centre de son film , ils se nomment : Ambre , Camille , Imad , Charles et Tugdual . Et on peut vous le dire d’emblée le temps de la projection passé avec eux va sans doute – à moins que vous ayez un cœur de pierre – changer aussi un peu votre regard sur la la maladie et la vie …

Le tour de force du film est en effet de restituer dans son authenticité ce quotidien et ce vécu dont ces enfants nous font les confidents de leur ressenti, et surtout cette incroyable capacité à « vivre avec » leur maladie , affronter la douleur tout en confiant leurs craintes ,et en même temps dans l’instant suivant , dégager cette vitalité qui prend le dessus pour y faire face et se laisser aller à la dérision et aux jeux qui permettent de la mettre entre parenthèses. A cet égard les cinq portraits se complètent par les caractères et approches différentes qui se révèlent , en même temps qu’ils se rejoignent dans cet élan vital qui fait que chaque seconde est aussi précieuse qu’un diamant et qu’il ne sert à rien de se lamenter , mais qu’il faut la goûter sans retenue . Comme l’illustre la belle scène de la course dans les couloirs du centre de soins palliatifs de Nantes . Et pouvoir se retrouver et passer du temps à jouer , se défier , et communier en éclats de rires suscités par les échanges complices de blagues et autres plaisanteries et facéties , entre Charles et Imad » toujours amis , tous les deux! » . Anne– Dauphine Julliand a choisi la complicité et la juste distance respectueuse avec ces enfants vis à vis de leur maladie , refusant de verser dans ce qui pourrait paraître du voyeurisme mal placé . Et la grande surprise du film , c’est justement que ces enfants qui la vivent avec au quotidien ont voulu que le film traduise leurs « moments difficiles » , explique la cinéaste « ils nous ont tous invités à y aller , à ne pas les édulcorer . Tous voulaient que nous les filmions à l’hôpital car cela faisait partie de leur vie » , explique la cinéaste …
Le petit Charles
Et c’est dans cette approche là que le film fait contrepoint et enrichi par la gravité , les magnifiques séquences illustrant leur combat et pointant leur humour et leur insouciance , ou même, une certaine forme de d’acceptation de la « possible fatalité » comme l’évoque la petite Ambre vis à vis de la dégradation de sa « maladie cardiaque sévère » . Comme ses camardes, elle est à la fois bouleversante de lucidité , dans sa capacité à « faire comme si de rien n’était » . Allant à l’école , faisant de la marche , du sport ( ce qui lui est pourtant interdit… ) et du théâtre . Comme le souligne le commentaire off« qui se douterait de son état!… » , un état , qui pourtant nécessite des soins très durs à supporter !. Ou qui , comme Camille « fou de foot », comme son grand frère et qui préfère continuer à vouloir le pratiquer, cherchant à repousser sa maladie « un neuroblastome » handicapant , qui semble s’atténuer puis revient de plus belle , et le diminue depuis son plus jeune âge . Le voilà inquiet appréhendant cette séance de contrôle à cause des douleurs qui persistent . Et encore l’exemple de Tugdual dont les séquelles liées à l’opération de la grosse tumeur proche de son aorte , l’oblige à être l’objet d’un suivi très attentif et confie son appréhension sur les « séquelles aux yeux » , qui en sont la conséquence. Mais préfère se projeter sur la fête de l’anniversaire de ses 8 ans avec ses copains , ou nous inviter à le suivre dans son jardin et montrer ses plantes qu’il entretien avec passion , se réjouissant de la beauté et des couleurs des fleurs que ses yeux peuvent( encore? ) admirer . Et, Imad , le petit Algérien atteint d’insuffisance rénale sévère , soumis à dialyse , et dont l’espoir de greffe pourtant « risqué », n’atténue pas ses facéties et son humour ravageur …

Et puis encore, Charles sur lequel on revient , subissant cette terrible maladie de la peau ( une épidémolyse bulleuse ) qui lui fait parfois souffrir le martyre pendants les soins et recouvert de pansements protecteurs, après des bains douloureux . Il tient tête avec détermination et courage . C’est lui qui a insisté pour que soit montré ce quotidien – de l’hôpital et des soins- qui fait partie de sa vie et de son intimité , dans laquelle Anne- Dauphine Jullian , craignait de s’immiscer et de le gêner en le filmant lors de ses bains douloureux . Car dit-il « il font partie de ma vie » faisant comprendre à la réalisatrice et à l’équipe « qu’il ne fallait pas que nous ayons peur…de filmer cette scène qui n’est pas facile » . Ce faisant, Charles et ses camarades en suscitant la libération du regard extérieur de la cinéaste et de l’équipe , a contribué, dit cette dernière « à impacter nos vies et révéler quelque chose de nous … ce fut une expérience collective avec beaucoup de partage » .Et le miracle du film est là qui nous oblige , comme la cinéaste et son équipe à avoir un autre regard sur le handicap . C’est une belle leçon de vie , que nous donnent ces enfants . Les voir oublier leurs maladies et envahir les espaces , se projeter dans les jeux , les rêves ou l’avenir , et nous entraîner avec eux pour nous faire partager leurs passions lors des sorties , comme celles , sur le site Naval ou lors de la visite chez les pompiers . « c’est touchant de voir à quelle vitesse les enfants nous ont intégrés dans leurs univers (…) qui nous ont permis chaque jour de nous assoir un peu plus prés d’eux », souligne la cinéaste . Avec en toile de fond le travail et le dévouement des personnels des services hospitaliers, des équipes de ressources de soins palliatifs et celles d’hospitalisation à domicile, des associations de soutien aux enfants malades et à leurs familles , et le coup de pouce du producteur Français , Edouard De Vesinne , d’ Incognita Fims qui a permis au film d’exister …
Un Film aussi beau et bouleversant que la chanson de Renaud « mistral gagnant » qui l’accompagne ,et lui a donné son titre : « A m’assoir sur un banc cinq minutes avec toi/… et entendre ton rire s’envoler si haut / Que s’envolent les cris des oiseaux / Te raconter enfin qu’il faut aimer la vie / Et l’aimer même si le temps est assassin/ Et emporte avec lui le rire des enfants / Et les mistrals gagnants …
(Etienne Ballérini)
ET LES MISTRALS GAGNANTS de Anne -Dauphine Julliand – 2017- Durée : 1 h 19 .
Avec les enfants : Ambre , Tugdual, Imad, Charles ,et Camille ….