Le second long métrage du cinéaste indépendant Afro-Américain explore sur une vingtaine d’années, les épreuves et la destinée d’un garçon noir , né dans un quartier pauvre de Miami, pour trouver sa place dans le monde . Tout en petites touches sensibles et justes , c’est un récit bouleversant servi une pléiade de comédiens qui ne le sont pas moins, qui fait mouche . Sacré meilleur film dramatique aux récents Golden Globes . Ne le manquez pas …

Le cinéaste qui avait signé un premier long métrage Médicine for melancoly en 2009 qui avait été remarqué par la critique internationale , a dû attendre Huit ans pour trouver les fonds pour Moonlight ( Voir la Bande Annonce ), récit initiatique qui lui tenait à cœur. Disons le tout de suite , avant d’en développer les éléments , il y a dans cette seconde œuvre du cinéaste une sincérité et une approche des individus et d’un contexte pourtant souvent traité au cinéma, qui emporte l’adhésion . A cet égard la surprise vient justement (comme cela a été le cas récemment pour Manchester By The sea , de Kenneth Lonergan) , de s’inscrire dans un genre, s’y plonger pour le transcender et le hisser au- delà des stéréotype et y faire sourdre l’authenticité originelle d’une regard, et du vécu de l’intérieur d’une violence sociale bien réelle . Lui permettant par là même, d’emprunter des chemins de traverse et d’évoquer l’espoir ( la magnifique scène finale ) d ‘une possibilité de se sortir des mailles du déterminisme social . En ce sens se détachant de la « fatalité » de l’engrenage des films du genre, l’originalité du sien , la traduit par son traitement où rien n’est écarté ni édulcoré, servie par une mise en scène qui n’écarte jamais la complexité des relations et des sentiments , et dont les envolées poétique et oniriques, font mouche…

Adapté d’un texte « In Moonlight black boys look blue », présenté au Borscht Film Festival de Miami par Tarell Alvin McCartney s’inscrivant dans les portraits « identitaires non stéréotypés de la ville » souhaités , est à l’origine du film . le cinéaste a été en effet frappé à la lecture de celui-ci frappé à la lecture de celui-ci par , le vécu de la jeunesse du héros et sa transcription très personnelle du récit qui fait aussitôt écho à son propre vécu. déclenchant son désir de le prolonger , comme il le souligne : » Tarell a magnifiquement évoqué le calvaire des jeunes noirs qui grandissent dans les cités de Miami. J’y ai vu l’occasion de m’inspirer de mes propres souvenirs d’enfance en les relatant par le prisme du magnifique regard de Tarell. Son Histoire correspond assez bien à la mienne. C’était donc une rencontre idéale ». Construit en trois parties décrivant le récit initiatique d’un jeune garçon noir Chiron, dont trois comédiens ( Alex R.Hibbert , Ashton Sanders et Trevante Rhodes ) décrivant les étapes du parcours , d’une enfance et adolescence puis d’une vie adulte , mouvementée. Dont la destinée va être façonnée par le vécu personnel et la confrontation avec les règles d’une communauté où son caractère de solitaire et son physique qui lui vaut le surnom de « little » , ne lui permettant pas de « jouer les durs » dans la rue , va l’exposer aux regards et à la violence de celle-ci . Des rapports conflictuels au cœur d’un tissu social, éducation , repères familiaux, pauvreté, absence de perspectives ( travail…) , trafics de drogue et violence , liens sociaux, vies sentimentales et identité sexuelle en question . C’est dans contexte que Chiron , le héros ,va devoir trouver son propre chemin de vie . » Un Jour tu devras choisir qui tu as envie d’être , personne ne pourra le décider à ta place« , lui dit a dit son mentor…

D’emblée Barry Jenkins en pose le données avec ce jeune garçon dont le père absent et une mère ( Naomie Harris ) « accro » à la drogue qui ne s’occupe pas de lui , et dont le caractère et le comportement introverti , l’expose d’emblée aux brimades de ses camarades qui le défient sur sa capacité à se montrer « en mec viril » à la hauteur des rapports de forces. Refusant la violence et aidé par le dealer ( Mahershala Ali ) qui deviendra son « mentor » et père de substitution . Pourtant, il sera contraint de l’affronter cette violence et son engrenage à laquelle , le rejet ( homophobe) entre autres s’ ajoute . Mais le parcours ( passage par la prison , l’adolescence et ses tentations , puis la métamorphose de l’âge adulte ) dont on vous laissera découvrir les multiples étapes et séquences qui l’illustrent , sont l’objet de très belles et émouvantes scènes . Elles inscrivent au cœur de son douloureux parcours cette quête d’humanité nécessaire pour faire face à l’engrenage de la violence . Et aussi , la tentation de se laisser entraîner dans tout ce qu’elle représente ( argent et rapports de forces) comme attirance et « poudre » ( c’est le cas de le dire !) aux yeux , qui pourrait finir par vous rattraper avec l’utilisation des armes qui vont avec , pour vous protéger des concurrents des trafics . C’est cette réflexion du choix du « combat » à mener afin de rester maître du déroulement de sa vie , sans cesse présente en toile de fond , qui fait le prix du film ….

A ce titre, les séquences qui s’en font l’écho , des rapports avec celui qui deviendra son mentor , mais aussi celles ( superbes ) du conflit ( haine/ rejet /amour ) avec sa mère qui sera l’objet de l’une des plus belles et bouleversante séquence du film , lorsqu’il lui rend visite au centre de désintoxication . Puis son parcours d’adulte qu’il va construire dans le « déni » de la violence subie jadis et dont il pourra mesurer ( grâce à une aide inattendue… ) la voie sans issue à laquelle elle peut mener . « pour moi il était important de montrer d’entrée de jeu que l’appartenance communautaire est centrale dans le vie de Chiron. Sa communauté sait des choses sur son compte avant qu’il n’en soit lui-même conscient . Les gens veulent le ranger dans une catégorie avant qu’il n’en comprenne la portée , ça nous arrive à tous que l’on soit homme , femme , noir , blanc , hétéros ou homos . Il y a des moments où notre communauté nous renvoie l’image qu’elle a de nous . La manière dont nous réagissons donne une véritable âpreté à notre combat et influe sur le déroulement de notre vie » , dit le cinéaste .
Barry Jenkins traite avec une délicatesse de mise en scène toute en suggestions et en plans courts qui se suffisent à eux-mêmes ( à l’image du plan final ) pour dire l’essentiel . Et les comédiens pour la plupart inconnus de nous , sont exceptionnels dans ce qu’ils transmettent des états d’âme des personnages et de leurs blessures intimes . Sa direction d’acteurs n’y est sans doute pour quelque chose de la même manière que le choix de récit et de montage, attentifs , à la surcharge ( des mots et du rythme ) qui pourrait en édulcorer la force .

C’est un film à la fois passionnant par la manière et l’originalité ( le thème de l’homophobie , qui y est rarement évoqué ) dont il aborde le sujet sur les ghettos noirs et le prolonge en l’universalisant à toutes les communautés , comme l’illustrent ses propos ci-dessus. Ce second film vient confirmer son talent dont la distribution assez confidentielle ( ce qui est trop souvent le cas de nombreux films indépendant et à petits budget ), de son premier avait privé de nombreux spectateurs . Une raison supplémentaire pour être du rendez-vous de celui-ci dans les salles . Et de faire entendre votre choix de la diversité face à une distribution et programmation souvent timorée , qui fait trop souvent la part belle aux grosses productions . Sur les écrans des grandes villes de notre pays, de nombreux films à petits budgets ne trouvent pas (plus) place, vampirisés par les « gros » qui occupent souvent plusieurs écrans et salles . Et les spectateurs les réclament souvent sans succès , espérant qu’on veuille bien … les écouter !.
(Etienne Ballérini)
MOONLIGHT de Barry Jenkins .-2017- Durée : 1h 51 .
Avec : Alex Hibbert , Ashton Sanders, Trevante Rhodes , Noamie Harris , André Holland , Mahershala Ali , Janelle Monnaé ….
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