Sept ans après A Single man, son premier long métrage derrière la caméra, le styliste Tom Ford revient au cinéma avec Nocturnal Animals. Un film qui confirme ses débuts prometteurs et permet à Amy Adams d’accomplir l’une de ses meilleures prestations.

A single man, le premier film derrière la caméra du styliste Tom Ford, avait été remarqué à Venise en 2009. Colin Firth, l’un des interprètes principaux, avait d’ailleurs remporté la Coupe Volpi du meilleur acteur. Une récompense qui fut suivie d’autres et d’une nomination aux Golden Globes puis aux Oscars. En dépit d’un accueil favorable, le créateur de mode n’est revenu au cinéma que sept années après, toujours à la Mostra de Venise 2016, avec Nocturnal Animals qui a obtenu le Lion d’Argent du jury. L’affiche et le titre du film, puis le générique du début ne manquent pas d’intriguer voire d’inquiéter. Les premières images montrent en effet des pom-pom girls obèses, nues, dansant au ralenti, comme dans une version hard d’un show « New Burlesque ». Pourtant, c’est de l’art et non du cochon. Après le choc, le chic. Il ne s’agit que d’une performance à l’occasion d’un vernissage dans une galerie branchée de Los Angeles. Si les invités de la soirée sont enthousiastes, la propriétaire, Susan Morrow (Amy Adams) ne partage pas leur avis, car, une nouvelle fois, Hutton, son époux, a brillé par son absence. Quand Susan reçoit un manuscrit de son ancien mari, Edward Sheffield (Jake Gyllenhaal), intitulé « Nocturnal animals », elle commence à le lire. « L’animal nocturne » c’était son surnom car la nuit elle ne peut trouver le sommeil. C’est aussi une expression qui peut s’appliquer à Hutton lequel, prétextant un nouveau voyage d’affaires, est reparti. Susan comprend qu’il n’est pas seul lors de cette nouvelle escapade nocturne et qu’il la trompe. Elle poursuit sa lecture qui la plonge dans une histoire d’une extrême violence où le personnage principal, Tony Hastings (Jake Gyllenhaal), sa femme et sa fille, sont les victimes d’un groupe de rednecks texans… d’autres animaux nocturnes.

Ce récit provoque chez la lectrice des réactions qui apparaissent excessives à l’écran, c’est la le seul point négatif du film. Par contrecoup Susan est amenée à repenser à sa relation passée avec Edward, de leur rencontre à leur rupture qu’elle a elle-même provoquée, une période qui apparaît sous la forme de flashbacks. La jeune femme est conduite à se poser des questions sur la vacuité de son existence et à remettre en cause ses choix de vie, sentimentaux, mais aussi professionnels, avec un travail dans un milieu artistique superficiel. N’est-elle pas devenue cette femme que sa mère, conservatrice, homophobe et raciste, attendait d’elle ?

Nocturnal Animals navigue sans turbulences entre le présent et le passé de son personnage principal et la fiction d’une intrigue policière qui évoque Les Chiens de paille de Sam Peckinpah. Il va et vient, avec fluidité, entre drame sentimental, film noir et thriller psychologique. Comme le reflète le contraste entre l’intérieur froid, presque sinistre, de la demeure de Susan à Los Angeles et les extérieurs désertiques, sous un soleil de plomb, du Texas, le film est construit sur des oppositions dont Susan est le cœur. Elle s’oppose ainsi à Hutton, puis à Edward, l’apparence d’une vie professionnelle comblée contraste avec sa vie privée, et les souvenirs amoureux du passé avec sa solitude du présent. Quelles seront les décisions de Susan Morrow ? La fin sombre et sobre apporte sa réponse. Doué pour la mise en scène, Tom Ford l’est aussi dans la direction d’acteur. Il offre à la talentueuse Amy Adams l’un de ses plus meilleures interprétations, après Premier Contact de Denis Villeneuve. Il en va de même pour Jake Gyllenhaal, dans un double rôle, à la fois amoureux éconduit et père de famille brisé, avide de vengeance, pathétique mais aussi inquiétant. Les « seconds couteaux », comme Michael Shannon, flic borderline, et Aaron Taylor-Johnson, dégénéré psychopathe, tirent également leur épingle du jeu. Nocturnal Animals est un deuxième essai réussi.
Nocturnal Animals de Tom Ford. Drame – 2016 – 1h57. Avec : Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson, Isla Fisher
A voir :
La bande annonce du film (Universal Pictures France – Vostf)
Philippe Descottes