Le jazz français se porte bien avec notamment la forte présence sur les scènes internationales de jeunes saxophonistes souvent présent aux côtés de grosses pointures de ce courant musical. Pour ne citer que les plus connus, Guillaume Perret, Géraldine Laurent, Emile Parisien et Baptistes Herbin.
Quand on vient d’une classe de jazz dirigée par le saxophoniste Julien Lourau, on ne peut pas s’étonner de voir éclore un musicien très peu classique et, de surcroît, s’il a tapé dans l’œil…dirons nous, l’oreille du batteur André Ceccarelli… c’est que le petit doit devenir grand. Chose faite, à tel point que c’est avec le même Dédé que l’élève surdoué Baptiste Herbin a enregistré en 2012 son premier CD Brother Stoon, confirmant la récompense un an plus tard d’une Victoire du Jazz. Le public azuréen l’a découvert en 2015 lors du festival Jazz à Domergue à Cannes avec un autre talentueux musicien de jazz, le guitariste Richard Manetti, une soiré mémorable où les deux artistes ont rivalisé dans un répertoire très hard hop, et c’est en décembre dernier avec le batteur Thierry Galliano de retour des USA d’être l’invité de la première édition Jammin’Juan au Palais des Congrès d’Antibes Juan les Pins où il a joué quelques morceaux de son dernier enregistrement Interférences.
Jean Pierre Lamouroux : Pour quelle raison avez vous donné ce titre à cet album ?
Baptiste Herbin : Interférences (1) parce qu’il y avait beaucoup de styles de musique que je voulais inclure dans l’album et puis, c’était la rencontre des générations aussi, Benjamin Henocq, je l’ai connu avec Di Stephano, j’étais tout gamin, se retrouver et rejouer avec lui, c’est du bonheur. Sylvain, c’est pareil, je l’ai connu avec Ceccarelli, c’est une interférence de génération, une interférence de sons, il y a un peu de tout, de la musique malgache, du be bop, Interférences, c’est aussi un hommage à Miles Davis avec deux batteries, il y a Benjamin et André sur un seul morceau.
JP L : Ce succès que vous avez en ce moment, vous êtes le grand monsieur du saxophone, est ce que ça donne une carte de visite plus importante ou, on se dit, il faudra progresser un peu plus, faire encore autre chose ?
Baptiste Herbin : Moi, c’est plus la deuxième option, faire autre chose et continuer. En fait, j’ai beaucoup travaillé cette année, j’ai l’impression que c’était un peu plus difficile déjà de trouver un agent, de faire évoluer sa musique, de trouver des concerts, de plus, j’ai choisi la carte de l’International et là, j’ai joué beaucoup au Brésil, je parle portugais couramment, là je reviens du Mexique, de Serbie, de Madagascar et, j’adore d’autres cultures, les Aztèque, les Mayas.
JP L:Y a t-il un moment pour composer, une situation ?
Baptiste Herbin : A chaque fois que j’ai composé, c’était en référence à un projet qui devait se faire, je pense toujours aux musiciens avec qui je vais jouer et puis, aussi, je vais sélectionner vers quelque chose qui va me passionner, ça peut être quelque chose d’actuel, ça peut être la famille, çà peut être politique, pas forcement mais social en référence à l’histoire par exemple Pasiphaé c’est la mère du Minotaure, j’avais fait une composition pour elle, c’est la mythologie grecque. Les indiens, j’avais fait un morceau qui s’appelle Cochise, un indien apache, à chaque fois, il y a des petites choses comme çà qui ont un peu bercé mon enfance, qui ont influencé indirectement la musique.
JP L : On sent que vous mettez une pression, çà commence…oui…presque doucement mais on sent après qu’il y a une forte émotion, on dirait que vous avez envie de jouer pendant des heures ?
Baptiste Herbin : Rires…oui, oui, c’est vrai, à chaque fois, c’est se dire que c’est peut-être le dernier concert, il y a l’urgence mais j’essaie de prendre le temps, de faire peut être moins long, de faire des chorus plus construit…d’être à fond dans la musique, ça ne veut pas dire qu’on va jouer dans l’urgence, il faut faire plaisir au public et à soi même, çà démontre son émotion aux gens, on se met à poil pour dire qui on est, qui je suis par la musique.
JP L : Avez vous une préférence pour jouer en trio, en quartet… ?
Baptiste Herbin : Moi, je n’ai pas de préférence, le deuxième disque que j’ai fait, c’est en quintet, on a plus de place, on joue moins mais en même temps on se retrouve aussi chef d’orchestre, çà c’est grisant, c’est très amusant, on écrit des arrangements en quartet quand je vais avec André, çà fait d’autres sensations, en trio aussi, en duo j’adore aussi la guitare, le piano, cette année, j’ai fait un disque avec Jean Marie en duo, c’est une autre histoire, ça va influencer sur la manière de jouer.
JP L : Quand on est souffleur, est ce que l’on se sent responsable ou chef d’équipe ?
Baptiste Herbin : Quand on est leader mais aussi quand on est sideman, quand on joue avec Galliano par exemple, je le regarde, je suis obligé de m’effacer un tout petit peu, plus aussi pour servir le projet, ce n’est pas le mien mais je suis là donc, ça va être une autre fonction, on ne se met pas trop en avant. Je suis là aussi pour jouer, je ne vais pas non plus m’effacer complètement mais moi, je l’ai déjà fait un peu avec Aznavour, très peu de solos, il fallait jouer très peu et là, on est obligé de servir d’une autre manière, c’était en 2014.
JP L : Il parlait du jazz Aznavour ?
Baptiste Herbin : Oui, oui, à Montréal un matin, il déjeune en face de moi au petit déjeuner, on allait après à New York, il m’a dit, moi j’ai connu Oscar Peterson, Duke Ellington, j’ai joué avec Oscar, je lui ai dit, avez vous joué avec Charlie Parker, non mais j’aime sa musique.. et je comprends le jazz.
JPL : Que faites vous en dehors de la musique, vous aimez le théâtre, les bouquins, le cinéma ?
Baptiste Herbin : Je suis en train de lire Cortès sur la conquête du Mexique, c’est passionnant, j’ai bientôt fini et, après j’ai envie de me remettre à Rabelais. Pentagruel, ça pourrait inspirer quelque chose mais je crois que c’est important de regarder des films, de lire, moi je fais une compo sur Moctezuma, l’avant dernier empereur aztèque, c’est important de lire, j’aime bien cuisiner, j’aime bien les les musées. Mon père était artiste peintre et j’écoute beaucoup de musique classique comme Ravel, Saint Sens, Debussy…d’avoir commencé le piano à mes débuts me permet de composer sur cet instrument.
JP L : Pourquoi peut on aimer le jazz ?
Baptiste Herbin : C’est une musique un peu sans frontière avec un langage commun qui est la musique des années 1945 /1950, c’est juste ma vision, je pense que c’est çà la base. Plus qu’une base, c’est le cœur et après on peut aller vers d’autre choses comme tous les jazzmen ont fait . Le free par exemple pour Ornette Coleman, Coltrane ou Archie Shepp etc…
Aux côtés des plus anciens comme Michel Portal, Lionel Belmondo, Louis Sclavis, Géraldine Laurent, Sylvain Bœuf ou Sébastien Chaumont, la nouvelle génération confirme cette passion pour le saxophone qui ne peut qu’enrichir la musique de jazz. En restant sur cette note saxophone sur la Côte d’Azur ,en ce début d’année, on attend Emile Parisien au Théâtre Alexandre III à Cannes, il sera avec son compère habituel, l’accordéoniste Vincent Peirani le 2 février. A Nice au Théâtre Francis Gag, du 3 au 5 février, c’est Pierre Bertrand qui sera à la baguette du Nice Jazz Orchestra. Un début d’année sur les chapeaux de roue dans les Alpes Maritimes avec aussi dés dimanche le Polygone Riviera à Cagnes sur mer propose du blues avec Eric Bibb et Jean Jacques Milteau. Que demandez de plus en cette période un peu froide que d’aller écouter du jazz pour se réchauffer les méninges.
Jean Pierre Lamouroux
guitare:Maxime Fougére _Bugle : Renaud Gensame _ Basse : Sylvain Romano _Batterie : Benjamin Henocq et André Ceccarelli _Piano:Pierre de Bethmann _ sax : Baptiste Herbin