Cinéma / LIVE BY NIGHT de Ben Affleck.

Le comédien-cinéaste après Gone Baby Gone ( 2007 ) adapte à nouveau le romancier de polars , Dennis Lehane et sa fresque sur la prohibition au cœur de laquelle son héros , le gangster , va être confronté non seulement aux rivalités mafieuses , mais aussi et surtout, à une Amérique  de la dépression où les violences envenimées par la prohibition , le racisme et la religion font rage. Une plongée sombre au cœur de l’Amérique et ses démons …

ll'Affiche  du Film.
l’Affiche du Film.

Le récit en forme de fresque du romancier Dennis Lehane  » ils Vivent la nuit nuit (1 ) , se situe au lendemain de la première guerre Mondiale et poursuit jusqu’au milieu des années 1930 et d’emblée comme le relève le sous-titre de l’affiche  le  Live  By Night ( Cliquer  ici pour la bande Annonce ) s’interroge sur «  le prix du rêve Américain » . Ce rêve qui a participé de la Naissance de la Nation qui s’est construite sur la violence ( guerre de Sécession , massacre des indiens , politique impérialiste…) qui n’a jamais cessé d’être présente au cœur du rêve annoncé et parfois – aussi – magnifié par son cinéma . A l’évidence Ben Affleck dont le parcours du héros solitaire , Joe Coughlin qu’il incarne , plongé au cœur de la première guerre mondiale en Europe qui l’a traumatisé , et revenu dans son pays n’y trouvant aucune possibilité de réinsertion, va verser dans la violence avec quelques acolytes. De petits en gros coups d’éclats il va se retrouver confronté aux vrais gangsters et aux Parrains de la mafia des différents clans qui se disputent le « magot » de la prohibition . Dés lors pour lui la donne change et il va lui falloir négocier et se plier a plus puissant que soi … ou devoir s’éclipser .Ce dernier qui n’est pas homme à plier , va devoir jouer les anguilles pour passer entre les mailles du filet en s’inscrivant en habile négociateur entre les différentes parties dont il sait utiliser à la fois les rivalités et les intérêts qui les opposent , et en tirer profit … pour sa petite entreprise .

scène de la  violence   de nuits de la prohibition
Une scène de la violence de nuits de la Prohibition

Un jeu dangereux qui,  s’il lui permet de se protéger en ménageant les parties par de doubles négociations , mais l’expose dès lors que l’une d’elle , le découvre . Surfer sur le danger auquel le traumatisme de la guerre l’a exposé , est vécu par Joe Coughlin comme le défi d’un vétéran qui n’a rien à perdre …et surtout ne veut plus     «  recevoir d’ordres » , après les avoir suivis et en avoir vu les conséquences avec toutes les horreurs et ces morts inutiles, sur le front en France  . Il a même sa propre vison « clean » de la Mafia , avec cette construction d’un Casino qui lui permettrait de passer petit à petit sans faire régner la terreur d’aller sur le chemin de la légalité . Mais sur le fil du rasoir des rivalités , Joe Coughlin va poursuivre sa route et s’exposer de plus en plus au long d’un parcours qui va le mener de Boston à la Floride et puis à La Havane . Affrontant le Caïd Irlandais de Boston , Albert White ( Robert Glennister ) dont il séduit la maîtresse, Emma Gould ( Sienna Miller ) , et échappera à sa vengeance. Plus tard, sorti de prison après un casse qui a mal tourné , il fait un « pacte » avec ce Parrain Italien, Pescatore , qui lui propose un poste en Floride pour concurrencer son rival Irlandais qu’il va tenter d’éliminer . De nombreuses luttes d’influences en nouveaux trafics ( Rhum…) et affaires ( les casinos ) qui se multiplient et attisent encore un peu plus les rivalités , et s’inscrivent au cœur de cette société Américaine dont la police locale n’est pas toujours au service du citoyen et de la loi , ou les communautés , et les extrémismes religieux pèsent de leurs influences sur les dignitaires . Et  la violence tous azimuts se déchaîne …

Joe ( Ben Adffleck ) et son compère ( Chris Messina )
Joe ( Ben Adffleck ) et son compère ( Chris Messina )

Et c’est sur celle-ci que que Ben Affleck construit le parcours de son héros , s’inscrivant à l’opposé d’un père Policier représentant de l’ordre , devient emblématique d’une Amérique qui , comme on l’a dit plus haut , sombre dans une fois encore à ses démons. Le portrait sombre qui en est fait est rendu passionnant à la fois par la description scrupuleuse de l’époque , mais aussi par le glissement du héros désabusé , en héros romantique, puis en gangster revanchard dont le long parcours au cœur d’une autre guerre ( prohibition ) et sa violence , finit par susciter le rejet des communautés  réunies  …
C’est sur cet aspect que le film est passionnant dans ce qu’il renvoie au travers de son personnage dont le parcours de vie se retrouve doublement englué dans des événements collectifs ( la guerre, la dépression , puis la prohibition et ses trafics …) qui l’entraînent dans une sorte de tourbillon duquel il est impossible de se défaire . Son combat à l’image de celui de Don Quichotte contre  les moulins à vent  ,  va finir par le faire se fracasser aux puissants auxquels il tient tête et ne peut accepter… les conseils et ( ou ) les ordres . Quand il affronte ( belles séquences ) les notables à la bonne conscience sous influences communautaires  qui par intérêt ( et non pas pour le bien public…) ferment les yeux sur injustices et les exactions. Les influences religieuses (pentecôtistes entr’autres …) et leur intégrisme qui pèsent de leur influences sur les choix politiques. Et que dire de ces violences racistes que l’on tolère…objet de l’une des plus fortes scènes du film lors de son face à face avec ce responsable local ( Matthew Maher , étonnant et totalement hystérique  et habité ) du Klu Klux Klan ….

Joe ( Ben Affleck ) et  sa  femme Cubaine ( Zoe  Sladana )
Joe ( Ben Affleck ) et sa femme Cubaine, Graziella  ( Zoe Saldana )

Ben Affleck,  brosse le portrait sans fards de cette violence sous-jacente qui mine le quotidien d’une Amérique dont il décrit par la minutie des détails les travers  des milieux auxquels il est confronté. Sa mise en scène est tour à tour enlevée et stylisée avec d’efficaces séquences d’action toujours justifiées et qui  ne font pas dans la surenchère . Celle -ci se fait beaucoup plus minutieuse et attentive sur les détails et les descriptions des différentes communautés dont il individualise le « tics » et le détails ( langues , comportements ) révélateurs des traditions conservées de leurs pays d’origine . Ces communautés d’immigrants qui ont participé à la construction du pays dont il décrit , comme l’avait fait Martin Scorsese dans sa fresque au souffle épique Gangs of New-York , la violence des rivalités. Au cœur de celle-ci Ben Affleck s’attache à y individualiser les personnages emportés par cette tourmente dont ils sont les protagonistes doublement acteurs, en quête , pour certains , de rédemption. Des portraits très réussis , à l’image de ceux des différents « Parrains » , et notamment celui d’Albert White . Ou celui du chef de la police de Boston tiraillé entre son devoir et son fils qui a suivi le « mauvais chemin » et qu’il traque. ou encore celui  du  fidèle compère ( Chris Messina ) de notre héros . Comme  celui du commissaire  de police incorruptible , Irvin Figgis ( Chris Cooper )  qui devra faire face à la réalité et sera miné par le destin de sa fille , Loretta ( Elle Fanning ) apprentie-actice déchue  , investie désormais dans la prédication religieuse et le combat moral et  dont le rôle dans la destinée future de Joe Coughlin sera déterminant. De la même manière que le sera , la rencontre de Graziella ( Zoe Saldana ) la jolie Cubaine ( sœur d’un trafiquant ) qui deviendra la femme de  Joe  et tentera de l’éloigner de l’engrenage de la violence dans lequel, il s’est enferré…

Elle   Fanning  en  Prédicatrice ...
Elle Fanning en Prédicatrice …

Porté par une mise en scène solide s’inscrivant dans la tradition des films du genre auxquels il rend hommage , notamment en s’attachant au réalisme de la reconstitution et à la psychologie des personnages , Ben Affleck s’éloigne des clichés et ne manque pas de pointer et fustiger les comportements et les travers entretenus ( violence , racisme , rejets communautaires , religieux ) qui n’ont jamais cessé de polluer le rêve Américain . A cet égard,  le film renvoie un certain écho  à l’Amérique d’aujourd’hui …

(Etienne Ballérini)

LIVE BY NIGHT de Ben Affleck – 2017- Durée : 2 h 08 .
Avec : Ben Affleck, Sienna Miller , Zoe Saldana , Elle Fanning , Brendan Gleeson , Chris Messina, Chris Cooper, Robert Glennister , Matthew Maher …

(1)- Live By Night ( ils vivent la nuit) de  Dennis Lehane ( éditions Payot &  Rivages  ,2014 )

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