Cinéma / HEDI, UN VENT DE LIBERTE de Mohamed Ben Attia.

De Tunisie arrive sur les écrans un premier film passionnant qui renvoie au suites du printemps Arabe , sur les pas d’un jeune homme réservé soumis aux conventions sociales et qui suite à une rencontre , va tenter de prendre son destin en mains . Primé par l’ Ours d’argent du meilleur acteur et consacré meilleur premier film , au Festival de Berlin 2016… 

l'affiche du film.
l’affiche du film.

Les premières séquences nous plongent au cœur de cette famille Tunisienne de Kairouan préparant le mariage de son fils Hedi ( Madj Mastoura, remarquabke ) , puis dans la réunion de la société commerciale dans laquelle le jeune homme travaille dont le patron à la recherche d’une nouvelle clientèle , va l’envoyer dans la ville côtière de Mahdia pour faire du porte à porte . D’emblée on découvre Hedi le visage impassible qui semble accepter les décisions qu’on lui impose et même si c’est à contre-coeur , il ne dit rien . Préférant éviter les affrontements et se plonger plutôt dans sa passion du dessin, comme refuge . Mais derrière le visage impassible de ce jeune homme qui semble n’avoir envie de rien , couve une crise existentialiste et des désirs dont il semble attendre l’inéluctable de ce qui va advenir de ses « acceptations » muettes qui peuvent déclencher , aussi , la catastrophe . Et c’est justement ces instants de tensions desquelles peut surgir l’imprévisible de la révolte , que le cinéaste nous invite à suivre ménageant un habile suspense psychologico- comique, porté par l’indolence impassible ( on pense à Buster keaton…. ) de Hedi ( Cliquer ici pour la bande -annonce), face aux situations . Semblant presque se surprendre lui- même de ses mensonges et de ses réactions ….

La préparation du mariage : Hedi ( Madj Mastura ) et sa mère ( Sabah Bouzouita )
La préparation du mariage : Hedi ( Madj Mastura ) et sa mère ( Sabah Bouzouita )

Ce sont ces instants qui font le prix d’un récit qui en fait son moteur pour nous entraîner dans les états d’âme de son héros dont la maladroite détermination se fait l’écho d’une crise identitaire emblématique renvoyant aux soubresauts et interrogations d’un pays. «  Hedi signifie « calme », « serein »… c’est le calme avant la tempête . Comme beaucoup de jeunes Tunisiens Hedi est confronté aux stigmates de la tradition… il est déchiré entre deux mondes , deux voies différentes qui peuvent chacune définir sa vie (…) alors le rapprochement entre Hedi et la situation de la Tunisie a pratiquement dicté les traits de sa personnalité et la façon dont je voulais le montrer à l’écran » , explique le cinéaste dans le dossier de presse du film. Et  cette tempête annoncée il lui fallait un double moteur contraignant pour la  mettre en marche. Celui de la distance et de l’éloignement de Kairouan pour les raisons expliquées de son travail , en fournira en quelque sorte le carburant. Hedi se rendra vite compte que ce travail qui ne l’a jamais vraiment concerné et excité -sinon du point de vue du salaire – va lui permettre n’étant plus soumis à la pression,  de se laisser aller au « farniente » et couper les ponts téléphoniques avec son patron. Hedi se rend insensiblement compte qu’il peut   se laisser porter par d’autres rêves. C’est le premier pas vers une autre forme d’aspiration de liberté qu’il concrétisait jusque là dans les « bulles » de ses dessins . Mais s’il est facile avec l’éloignement et les mensonges de rassurer le patron , il n’en va pas de même avec la vie familiale et privée…

Hedi ( Madj Mastoura ) pensif songe à l'avenir
Hedi ( Madj Mastoura ) pensif songe à l’avenir

C’est ce que va révéler cet éloignement qui,  à quelques jours de son mariage programmé , va lui faire découvrir sous la silhouette engageante de Rim ( Rym Ben Messaoud) employée  comme animatrice dans  l’hôtel où il réside momentanément, dont la liberté et l’indépendance le séduit . Elle est l’opposé de Khédija qu’il doit épouser , elle ,  soumise aux traditions. Rim  lui permet de se laisser aller à ses désirs , et surtout d’entrevoir une échappatoire à la situation familiale qui le tient dans sa toile avec une mère directive et omniprésente et un frère ainé , fils préféré parti vivre à l’étranger et veut y faire sa vie , mais qui pèse encore sur les décisions familiales. Un aller-retour de Hedi à Kairouan pour chercher à savoir quel avenir commun envisage sa fiancée Khédija . La belle séquence dans l’enfermement de la voiture qui oblige le futur couple soumis aux traditions à ne pas se voir avant le mariage, est un échec dans ce qu’elle lui révèle de la soumission de cette dernière au poids de la tradition «  elle a été programmée dès sa naissance pour le mariage et la fondation d’une famille . Jamais elle n’a envisagé une situation différente de celle qu’on lui a dictée . Ce n’est pas une femme soumise dans le sens victime d’oppression , mais elle est sous influence » , relève le cinéaste . Et Hedi mesure dès lors ce qui les sépare et compromet ses rêves ….

Hedi ( Madj Mastoura ) rencotre Rim ( Rym Ben Messaoud
Hedi ( Madj Mastoura ) rencontre Rim ( Rym Ben Messaoud

La rencontre de Rim et de sa liberté qui lui fait découvrir une autre façon de voir la vie et fait naître son désir , le bouleverse . Il semble d’ailleurs un peu perdu dans cette situation qu’il n’avait jamais osé voir se présenter à lui  et qui va le mettre à l’épreuve . Sa maladresse qui resurgit et les doutes qui s’emparent de lui ne sachant pas s’il sera à la hauteur  et pouvoir  affronter un changement si radical . C’est au cœur du dilemme de son héros que Mohammed Ben Attia met en lumière la complexité des situations et des individus qui doivent faire des choix et ne plus se laisser porter par le quotidien et les habitudes ancrées dans celui-ci . Soudain ,  entre ce dernier et la perspective qui s’ouvre d’un possible épanouissement personnel devient un déchirement  . Et c’est passionnant . Le choix  du cinéaste de faire le portrait d’un jeune citoyen « ordinaire » confronté aux soubresauts du pays et devoir se déconstruire afin de  trouver sa propre voie , est le questionnement au cœur du film qui au delà de Hedi,  se prolonge sur l’avenir de la Jeunesse Tunisienne qui doit aussi y faire face «  à travers Rim et Ahmed le frère d’Hedi , nous découvrons une jeunesse active mais déchirée qui se croit obligée de quitter son pays pour trouver du travail . A travers Khedija nous découvrons une partie passive et conventionnelle de notre jeune génération. A travers Hedi nous découvrons  une nouvelle jeunesse hésitante qui se cherche parfois  et tente d’avancer , et d’autres fois cherchant qu’on la guide et ne voulant rien changer » , dit le cinéaste .

jeux sur la plage et découverte d'une autre Vie possible ...
jeux sur la plage et découverte d’une autre vie possible …

C’est cette réalité là que le film explore avec une belle justesse de regard et de ton , inscrivant ses personnages dans le réel qui les entoure «  d‘une crise sociale religieuse et économique » dont le cinéaste fait subtilement , l’état des lieux avec cette entreprise  dans laquelle Travaille Hedi contrainte de trouver des solutions.  ou  avec ces hôtels désertés        ( comme celui où Hedi séjourne) par les touristes . La transition démocratique  n’est pas  facile.   La crise , le chômage .  Le spectre des licenciements ou même de la fermeture , y sont  évoqué ouvertement .  Partir  ou rester au pays ?. Le beau regard sur les individus et sur le constat social font la richesse humaine du film porté par de magnifiques comédiens en osmose…

(Etienne Ballérini)

HEDI, UN VENT DE LIBERTE de Mohamed Ben Attia – 2016- Durée : 1 h 33 .
Avec : Madj Mastoura , Rym Ben Messaoud, Sabah Bouzouita , Hakim Boumessaoudi ,Omnia Ben Ghali, arwa Ben Smail.….

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