Cinéma / PATERSON de Jim Jarmusch.

Après Only Lovers Left Alive (2013 ) présenté au Festival de Cannes , le cinéaste est revenu sur la Croisette avec son nouveau film Paterson , un hymne sensible à la poésie quotidienne dont est porteur et admiratif de la grande tradition , son personnage principal un chauffer de Bus . Une superbe invitation…

l'affiche du film
l’affiche du film

Habitué du festival depuis Strangers Than Paradise ( 1984 – Caméra d’0r ) et Grand prix du Jury pour  Broken Flowers (2005 ) le cinéaste habitué de la Croisette n’a cessé de construire de film en film un œuvre originale dont il a perfectionné au fil du temps les subtilités et le penchant pour les envolées poétiques parfumées parfois d’une belle dose d’humour ( souvenez-vous de Down By Law (1985) avec son délirant trio masculin : John Lurie , Roberto Benigni et Tom Waits ) . On le retrouve ici cet humour en plein cœur de son film dont le héros  Paterson ( Adam Driver ) un chauffeur de Bus trentenaire qui chaque jour écrit des poèmes sur son carnet . Paterson ( Cliquez ici pour voir la Bande Annonce ) c’est aussi  de  nom de la  ville du New Jersey qu’il habite où ont vécu bien des célébrités ( des Artistes comiques comme Abbot et Costello, des sportifs, des musiciens des écrivains …) des romanciers ( Nelson Algren… ) et des poètes comme Allen Ginsberg,  et celui qu’il admire le plus , le poète William Carlos Williams ( dont Paterson est aussi le titre de l’un de ses recueils de poèmes dédiés à la ville ) , dont il voudrait bien atteindre les qualités. Et sa femme Laura ( Golshifteh Farahani ) admirative qui le pousse d’ailleurs , à vaincre son sentiment de n’être pas à la hauteur de ceux qu’il admire , et à faire les démarches pour les publier …

Paterson ( Adam Driver à son travail ) en train d'écrire ses poémes , le temps d'une pause
Paterson ( Adam Driver à son travail ) en train d’écrire ses poèmes , le temps d’une pause

Le couple qui s’est inscrit dans une vie réglée au millimètre avec ses rituels immuables , qui font une sorte d’écho à ceux du « couple » de Vampires de Only Lovers Left Alive dont, ici le quotidien de celui couple Bourgeois  de Paterson et de Laura , est construit aussi sur une certaine forme de rituel s’organisant , au travers d’une  forme répétitive autour de motifs identiques, et ( ou ) d’envolées célébrant cette beauté du réel et du quotidien dont William Carlos Willams , s’est fait l’écho . La mise en scène de Jim Jarmusch distille superbement les séquences de la vie du couple sur sept journées , sous formes de petites « vignettes » en forme de carte postales ,  où les rituels diurnes ( le travail de Paterson , l’activité de femme de maison de Laura , mais aussi son activité artistique ) et nocturnes . Les retrouvailles au cœur de leur « home » jardin d’amour et de confidences sous l’oeil facétieux de leur chien Marwin, le  bouledogue Anglais  . Soirées parfois agrémentées pour le couple de sorties au cinéma ( voir des films en noir et blanc , la couleur préférée de Laura ) pour varier un peu de l’intimité du divan et de la TV ; ou encore les échappées nocturnes ( autres belle séquences ) dans les bars de Paterson pour un dernier verre , qui lui permettent des rencontres et échanges avec des individus ( le patron du bar , un ami …) ,  sortant du cadre classique   de celles faites lors de son travail quotidien  qui elles  ,  lui permettent  à la fois de « capter » quelques conversations  des voyageurs , d’arpenter   et  le paysage de la vie quotidienne   derrière la vitre de son bus , avec se silhouettes  familières ( l’homme du banc ) , ses surprises  ( ou   incidents ) , les  visions  ( les  figures  de jumelles  et jumeaux )  qui  déclinent la richesse  présente   inscrite  dans  ses  murs  porteurs  des souvenirs  du passé ….

Paterson (Adam Driver ) et Laura ( Golshifteh Farahani) , dans leur sweet home
Paterson (Adam Driver ) et Laura ( Golshifteh Farahani) , dans leur « sweet home »

Mais   c’est aussi  une troisième personnage qui va installer au cœur de la vie du couple l’élément perturbateur avec ses scènes de jalousies impayables , avec ses grognements , mimiques et autres facéties… et qui va concocter sa petite vengeance ! ( à mourir de rire cette scène de la boîte à lettres qu’on vous laisse découvrir… qui va forcément devenir « culte » !! ), un chien à qui on peut sans hésiter attribuer à l’unanimité , la Palme Dog d’ Or !. Il offre au récit , le contrepoint que souligne aussi en off la bande- son, et sa texture électronique sombre ( signée Sqürl ) d’un accompagnement musical dont les « fans » du cinéaste savent qu’il joue toujours un rôle important et devient lui aussi un personnage à part entière de ses films . Le couple, donc , qui égrène cette vie  faite de rituels qu’il habille aussi de ses propres obsessions et  facéties, à l’image de la réfection picturale en noir et blanc de l’intérieur   de la maison par Laura ,qui , par ailleurs multiple les activités : pâtisserie , et apprentissage de chanteuse ( de country )  qui ambitionne de devenir auteur-compositeur et  se lancer dans le métier. Tandis que Paterson de plus en plus engagé dans sa poésie multiplie  les rencontres  et la méditation nécessaire qui l’accompagnent  . Comme l’illustre cette belle séquence finale , de la rencontre sur un banc face à une chute d’eau de ce touriste – poète Japonais , lui aussi admirateur de William Carlos Williams  ( 1883- 1963 ) .

Marwin , le facétieux et jaloux bouledogue Anglais
Marwin , le facétieux et jaloux bouledogue Anglais du  couple .

Dans sa note d’intention Jim Jarmusch explique : «  Paterson raconte une histoire tranquille , sans conflit dramatique à proprement parler. Sa structure est simple , il s’agit de suivre sept journées de la vie de ses personnages . Paterson rend hommage à la poésie des détails , des variations et des échanges quotidiens . Le film se veut un antidote à la noirceur et rend hommage à la  poésie des détails , des variations , des échanges quotidiens , il se veut une antidote à la noirceur et à la lourdeur des films dramatiques et du cinéma d’action . C’est un film que le spectateur devrait laisser flotter sous ses yeux , comme des images que l’on voit par la fenêtre d’un bus qui glisse , comme une gondole , à travers les rues d’une petite ville oubliée » .

Laissez vous  aller  à  son on invitation et n’hésitez pas à vous glisser dans le rythme sensible et poétique de son regard . Savourez-en les détails des  dialogues et des situations dont il sublime lui aussi à l’image des poètes la beauté toute simple saupoudrée , par moment , d’une petit air de dérision. C’est , sans conteste , un de ses plus beaux films…

(Etienne Ballérini)

PATERSON de Jim Jarmusch – 2016 – Durée : 118 Minutes.
Avec : Adama Driver , Golshifteh Farahani , Frank Harts , Barry Shabaka Henley , Le Bulldogue Darwin

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