Après American Snipper ( 2015 ) exploration Ambigüe du héros légendaire « tueur d’élite » en Irak, c’est vers un autre héros , le pilote de l’US Airway contraint d’amerrir d’urgence sur l’Hudson en Janvier 2009 consécutivement à la destruction des deux réacteurs de son avion par un vol d’oies sauvages. Réussissant à sauver la totalité de ses passagers, l’exploit du Pilote va être mis en question par l’enquête du conseil national de sécurité et les assureurs de l’Airbus… le cinéaste en fait un récit palpitant.

Adapté du livre autobiographique du commandant Chesley « Sully » Sullenberger, co-écrit avec Jeffrey Zaslow l’éditorialiste du Wall Street Journal et scénarisé par Todd Komarniki , le filme s’attache à décrire avec précision l’incroyable sauvetage, les coulisses et les méandres d’une intrigue qui va prendre des proportions inattendues . En effet, après avoir été célébré comme un héros , Sully ( Tom Hanks , parfait ) et son co-pilote Jeff Skiles ( Aaron Eckhart, excellent lui aussi ) se retrouvent dans la tourmente lorsque le conseil National de sécurité des transports et les assureurs , lors de l’enquête sur l’accident, soulèvent des doutes sur la décision estimée « risquée » du commandant . Relevant que l’un des moteurs de l’avion n’était sans doute pas hors d’usage , et arguant du fait qu’il aurait pu faire atterrir l’avion sur les terrains proches de La Guardia ou de Terterboro. Dès lors ce dernier aurait mis , par une décision précipitée , la vie des passagers en danger !. Coup terrible pour ce pilote passionné qui a servi jusque là pendant plus de quarante ans et sans dommages, sur les différents trajets . Voilà le héros qui a sauvé 155 vies , aujourd’hui accusé d’imprudence , voire de décision coupable. Après le traumatisme de l’amerrissage sur l’Hudson , voilà qu’un autre vient s’y ajouter avec ces « justifications » demandées . Le stress post-traumatique il va falloir l’oublier et faire face à l’adversité …

Les séquences d’ouverture du film nous plongent, habilement in- situ, et dans l’état hallucinatoire et de sidération de Sully, illustré par cette superbe scène où il s’imagine aux commandes de son avion et se crasher sur un gratte-ciel de New- York . Séquence doublement habile semblant d’abord immerger le spectateur dans la reconstitution du vol et de la tragédie, puis basculant soudainement sur le souvenir d’une autre , celle du 11 Septembre 2001 , et d’un traumatisme collectif National. Référence sans doute pas innocente du cinéaste qui au crash meurtrier et volontaire des Tours Jumelles , lui oppose l’héroïque et solidaire Amerrissage via la participation de tous les moyens mis en œuvre pour sortir des eaux de l’Hudson tous les passagers . D’ailleurs dans un des dialogues du film Sully , pointe cet aspect du « caractère collectif » d’une fin heureuse à laquelle tout le monde a participé ( son co-pilote, le sang-froid des hôtesses et des passagers …) , et l’intervention rapide des moyens de secours qui ont contribué durant les 20 minutes qui ont suivi l’amerrissage dans les eaux glacées de l’Hudson, à faire en sorte que les séquelles du froid ne mettent pas les vies en dangers . Tout le monde est sorti indemne , c’est cette satisfaction du devoir accompli qui va permettre à Sully de faire face à cette enquête à charge …

Clint Eastwood a choisi une construction en Flashs -backs ( passé ) et en séquences Flash-Forward ( futur , imaginaire …) , permettant au spectateur de s’immerger dans les instants- clés de son vécu pendant et après la catastrophe et le doute qui s’installe consécutif aux accusations dont il est l’objet . Multipliant les retours sur l’incident ( accident ) vécu d’ailleurs deux fois ( belle mise en abîme… ) avec la reconstitution simulée lors du procès à partir de la boîte noire , qui vient faire écho au vécu réel de Sully et son co-pilote , Jeff. Belle idée de Mise en scène dont le suspense entretenu par les ajouts d’informations et d’éléments complémentaires entretien le suspense , en même temps qu’elle sert la dramaturgie du récit via les oppositions des arguments dont les deux parties vont devoir apporter la preuve . C’est l’élément essentiel du scénario dont l’habileté fait écho à la réflexion du cinéaste sur l’héroïsme , et le fameux rêve Américain dont il est le prolongement. Thématique au cœur de l’oeuvre du cinéaste qui en explore les différentes facettes , celles qui on l’a dit plus haut , parfois flirtent avec l’ambiguïté , mais aussi celles plus passionnantes comme ici qui s’inscrivent dans une réflexion plus subtile et profonde. Mettant en lumière par exemple ce statut encombrant de héros dont Sally rejette le poids ( la scène où il est gêné par cette inconnue qui se précipite dans ses bras et se confond en remerciement pour les vies qu’il a sauvées …) du public , mais aussi celui des médias l’idéalisant en héros et dont on le voit imaginant , suite à l’enquête , ces mêmes médias le fustiger, comme imposteur…

Souvenez-vous dans Mémoire de Nos pères ( 2009 ) et de ces soldats sur une colline conquise posant pour la postérité qui se révèlera être une Photo « arrangée » utilisée à des fins politiques et de propagande. L’enquête durant laquelle Sally va devoir faire face aux accusations , en est une nouvel exemple des ces manipulations et « intérêts » en jeu qui se jouent en coulisses . Ceux conjuguées de l’organisme du Conseil national de La sécurité des Transports ( NTSB) et des compagnies ( Airbus ) et des assurances , dont les accusations cherchent à faire porter la responsabilité d’une décisions hasardeuse à Sully et son co-pilote avec leurs arguments parfois fallacieux. Le but étant de mettre en avant leur souci de la sécurité destinée à rassurer leurs futurs clients . Mais qui est surtout destinée à se défendre ( ou à se justifier ) des possibles conséquences de la médiatisation d’un accident qui pourrait mettre en lumière les manques révélateurs d’une certaine politique libérale de gestion. Dont Sully serait le pare-feu désigné et sacrifié , idéal. Mais c’est un autre « idéalisme » humaniste que ce dernier va leur opposer dont le cinéma Américain a su , aussi , se faire l’écho illustré , tout au long de son histoire par de nombreux cinéastes progressistes . A l’image des héros qui l’ont incarné , Sully va mettre en avant ses compétences et surtout ce « facteur humain » irremplaçable qui lui a permis de prendre la bonne décision …

A l’heure du triomphe de effets numériques et du spectaculaire qui s’inscrit au cœur des récits sans âme où les individus sont des robots, Clin Eastwood installe au cœur du sien les mêmes effets numériques mais au cœur et au service de celui-ci. Et sa reconstitution de l’amerrissage de l’avion dans l’Husdon devient une tragédie où l’humain est au centre et non pas le spectaculaire . Et la magnifique idée des séquences montrant les simulations informatiques lors du procès destinées à prouver l’erreur de Sully au cours desquelles , les pilotes simulateurs sont renvoyées à leurs études par ce dernier … qui leur oppose le « facteur humain » non pris en compte dans ces instants où on est face au danger et à la bonne décision à prendre . Ces fameuses 208 secondes en question qui ont suivi les choc avec les oies sauvages endommageant les deux moteurs , au cours desquelles il lui a fallu gérer la panique , anticiper et prendre la bonne décision . Ces secondes non prises en compte par les données informatiques et qui changent tout car c’est au cœur de celles-ci que le facteur humain entre en jeu . La boîte noire confirmant les témoignages des pilotes sur le second moteur endommagé et , puis , les fameuses secondes prises en compte dans les nouvelles simulations demandées par Sully ainsi « ajustées » qui viendront corroborer leurs témoignages et justifier leur décision qui a permis d’éviter le crash et sauver des vies!. Le fameux happy-end cinématographique souvent décrié , se mue ici en bel un hommage à la probité et au courage . La dignité avec laquelle les deux pilotes plongés dans la tourmente ont fait face , offre une belle dimension au film ….
(Etienne Ballérini)
SULLY de Clint Eastwood – 2016 – Durée 1h 35 –
Avec : Tom Hanks , Aaron Eckhart, Laura Linney, Anna Gunn, Ann Cusak , Autumn Reeser…
Je me suis légèrement ennuyée en regardant ce film, le personnage est peut-être un peu trop sérieux et intègre pour moi 🙂