Cela fait grosso modo une vingtaine d’année que je m’intéresse à la Compagnie Miranda. Je ne dirais pas que j’ai vu l’’intégralité de leurs mises en scène, mais on doit dépasser
les trois quart. Hé bien j’affirme que leur dernier opus, « Une tempête »,
est largement dans mon « top 5 », je n’hésiterai pas à dire dans mon « top 3 »
J’entends déjà les esprits chagrins : « Comment, Une tempête ? Aurait-on touché à La tempête ? » La Tempête est une pièce écrite par Shakespeare vers 1610-1611. C’est l’une des dernières pièces du dramaturge. Le duc de Milan, Prospéro, après avoir été déchu et exilé par son frère, se retrouve avec sa fille Miranda sur une île déserte. Grâce à la magie que lui confèrent ses livres, il maîtrise les éléments naturels et les esprits ; notamment Ariel, esprit positif de l’air et du souffle de vie ainsi que Caliban, être négatif symbolisant la terre, la violence et la mort.
Cette œuvre, carrefour de magie, de rêves, de folie, de violence, d’amour, j’aime à m’imaginer que tous les metteurs en scène ont désiré s’y frotter, et que ce monument a dû sembler inabordable, inatteignable pour grand ‘nombre d’entre eux. Ecoutons ce qu’en dit Thierry Surace, le directeur et metteur en scène de la Cie Miranda :
« Je n’avais jamais osé monter cette pièce, ne me sentant pas les « épaules », ne comprenant pas bien les enjeux, ayant peur de passer à coté du sens primordial. Et puis j’ai trouvé « ma » tempête…. Prospéro est dans le contre-jour d’une lumière blafarde. Une infirmière est à ses cotés. Elle lui apprend que sa fille n’a plus qu’une nuit à vivre… Mais Prospéro refuse que sa fille ne parte sans avoir vécu. Il invente alors une histoire intense et mystérieuse où elle est une princesse au milieu d’intrigues, de magie et d’histoire d’amour. Cette tempête sera une dernière explosion de vie, un déchainement de sentiments, de rêves et de l’amour inconditionnel de ce père pour sa fille »
J’entends déjà les pisse-froids : «mais c’est quoi, cette fille qui va mourir, et le père qui lui raconte une histoire, ce n’est pas ce qu’à écrit Shakespeare, et gna gna gna… »
Je répondrai par ce que me disait Irina Brook dans une interview du 18 septembre 2014 « C’est bien ça le cadeau de Shakespeare à tous les metteurs en scène du monde, c’est qu’il se laisse tirer dans tous les sens et permet les inventions de chaque metteur en scène et qu’on n’a pas besoin de le défendre, il se défend très bien tout seul. »
Et je serais tenté de dire que chaque fois qu’un metteur en scène s’attaque à une pièce, tout ce passe comme si il réalisait non La mouette mais Une mouette, non La leçon mais Une leçon, non La tempête mais Une tempête. Le texte, c’est « words, words, words ». Le théâtre, c’est « acting, acting, acting ».
Rappelons-nous l’une des dernières phrases de La tempête : nous sommes l’étoffe dont sont faits les rêves. Le miracle, dans Une tempête de chez Miranda, c’est que le rêve des mots de Shakespeare est enchâssé dans le rêve de Thierry Surace. L’œuvre devient ce récit du désespoir d’un père pour ranimer le désir de vivre de sa fille. On passe de l’univers de la relation père-fille à celui de la fiction shakespearienne avec fluidité, avec naturel qu’on les croirait de la même eau.
Les lumières, les costumes et la scénographie y sont certes pour beaucoup, mais aussi les comédiens : ils ne sont pas sept sur scène, mais un seul corps, ils sont indissociables, comme l’index est indissociable de l’auriculaire. Et j’ai toujours eu ce sentiment très fort chez Miranda de leur appropriation de chaque opus. Ils connaissent par cœur le théâtre du grotesque, la commedia dell’arte, l’émotion : tout cela fait ici florès.
On peut – et on se doit de – les citer : Jessica Astier, Florent Chauvet, Jérémy Lemaire, Frédéric Rubio, Sylvia Scantamburlo, Jérôme Schoof, Thierry Surace (les trois derniers constituant le canal historique).
Mise en scène et adaptation : Thierry Surace. Musique : Camille Fanet. Vidéos : Jérôme Schoof
Méfi : plus que deux jours ! (pour l’instant !)
Une Tempête par la Compagnie Miranda, Théâtre de la Cité, 3 rue Paganini Nice- 04 93 16 82 69
Vendredi et Samedi 11 et 12 novembre 20h30
Jacques Barbarin