Sélectionné en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, le nouveau film du Cinéaste Iranien ( Une séparation / 2011, et Le passé / 2013 – Prix d’interprétation pour Bérénice Bejo ) raconte l’implosion d’un couple suite à un incident emblématique , pointant les failles sociales et morales d’une société étriquée qui se radicalise . Le film a obtenu le Prix du scénario et d’interprétation Masculine …

Retour au Pays pour le cinéaste Iranien après la parenthèse Française ( Le Passé /2013 ) où les retrouvailles après quatre ans de séparation entre un Iranien et son épouse Française en vue d’officialiser leur divorce , faisait sourdre un lourd secret du passé . Un retour au pays souhaité pour le cinéaste désirant continuer à explorer dans son pays , les thèmes récurrents de son œuvre faisant appel à des problématiques sociales et leurs répercussions sur la morale individuelle . La thématique du couple y est une nouvelle fois au cœur , avec la déstabilisation consécutive à une déménagement et un incident qui va changer la donne . Et la séquence d’ouverture qui nous fait vivre en pleine nuit, l’évacuation pour mesures de sécurité , d’un immeuble d’un quartier de la classe moyenne dans le centre de Téhéran , en train de s’effondrer. Emad ( Sahab Hosseini ) et Rana ( Taraneh Alidoosti ) , vont être contraints d’emménager très vite dans un autre appartement afin de mener à bien leur travail de répétition d’une pièce de théâtre : Mort d’un Commis voyageur d’Arthur Miller, dont les représentations publiques sont prévues dans des délais qu’il leur faut respecter . Impossible d’y déroger . Mais lors du déménagement dans cet appartement auparavant occupé par une prostituée , un incident inattendu va se produire qui va bouleverser la vie du jeune couple « le plaçant dans une situation qui va révéler des dimensions inattendues de leurs personnalités » , dit le cinéaste . La mise en place du récit et de la situation qui va provoquer la déstabilisation du couple est l’occasion pour le cinéaste d’offrir des repères permettant de le situer dans un contexte et dans le cadre précis d’une ville en pleine mutation et bouleversements , dont se fait le reflet cette évacuation d’immeuble….

D’une certaine manière celle-ci , pointant les manques d’une politique d’habitation sociale entraînant des bouleversements dans la vie quotidienne des habitants des quartiers menacés , va voir se répercuter dans la vie du couple perturbée par les conséquences d’une certaine forme de « tension » dans les rapports sociaux, et des valeurs morales qui les accompagnent. A l’image de La séquence de la terrasse qui permet de montrer l »anarchie dans laquelle se font les travaux de la ville et le « bétonnage » des grands immeubles impersonnels, qui en est l’exemple révélateur . Celui d’un désordre annonciateur qui va bouleverser leur vie . Et en effet , dans ce contexte chaotique un incident, dont le mari va surprendre ( la porte entr’ouverte de la maison … des traces de sang sur le pallier ) seulement les indices extérieurs , va chambouler la vie du couple . Un homme aurait tenté de pénétrer dans l’appartement ( et la salle de bains?) où sa femme prenait sa douche et l’aurait ( ?) violée.
S’agit-il du jeune vendeur contacté ou d’une autre personne ? . Emad va se mettre à suivre les pistes possibles, bien décidé à éclaircir l’affaire et à demander des comptes à l’agresseur qui a -selon lui- sali son honneur. Le cinéaste construit un intense suspense psychologique…

Et habilement au cœur de celui-ci installe les « fils » du récit et les recoupements qui renvoient au désordre de la ville .Comme un piège qui se referme sur eux où les valeurs morales et les enjeux dramatiques sont au cœur. L’effet miroir des destinées , avec la pièce d’Arthur Miller est passionnant. La famille théâtre du monde , personnages de théâtre et ceux de la vie qui se télescopent . Dès lors , le mécanisme de la traque du coupable se met en place et elle s ‘intensifie en une montée dramatique au cœur de laquelle Asghar Farhadi y traque lui , chez Emad et Rana , les indices qui finissent par les révéler à eux- mêmes et aux autres. Emad qui se radicalise dans la violence et veut venger son honneur de mâle bafoué , et qui est prêt au meurtre. Et , Rana , elle qui reste digne et refuse de sombrer dans la vengeance inutile pour un comportement focaliset malheureux . L’honneur , la morale , la compréhension , la sagesse , le respect en questions …. Rana et Emad mesurent la distance qui désormais les séparent . Les failles des uns et des autres passées au scalpel par une mise en scène au cordeau qui multiplie les points de vues sur les faiblesses humaines , et les donne à voir au spectateur , témoin …

Et en miroir du scalpel de la désagrégation du couple , en filigranne , celle de la société iranienne y est distillée par petites touches et allusions qui n’en sont que plus percutantes. C’est le cas au cœur de la vie de la petite troupe théâtrale où se focalisent à la fois les difficultés de travail ( soumettre le projet à la censure…) et celles de la vie de chacun . A l’image de la mère de famille qui faute de Babby-sitter amène son enfant aux répétitions , ou encore, plus subtilement , la manière dont le conflit du couple fait écho à celui de la pièce et interfère dans leur jeu. Mais il y a également , tout aussi significatives, les séquences qui se font l’écho d’un certain désordre et délitement de la vie quotidienne où les tensions se multiplient . Relations de voisinages et incivilités multiples reflets d’une violence ordinaire ( la scène montrant celle dont est l’objet ce vieil homme… ) qui interpelle et fait écho à la dérive vindicatrice du mari jaloux . Cette violence sur laquelle le cinéaste interpelle sur une impulsion ( de colère , de jalousie …) qui peut prendre le chemin dangereux de la vengeance préméditée qui s’habille des habits d’une conviction intime qui la justifierait . Celle qui fait , ici ,d’un homme plutôt modéré et civilié , un individu entraîné dans la spirale de plus en plus diffuse , de la violence sociétale …celle du monde dans lequel on vit .
LE CLIENT d’Asghar Farhadi – 2016- Durée : 2h 03.
Avec Shahab Hosseini , Taranah Alidoosti, Babak Karimi, Farid Sajjadishosseini, Mian Sadati, Maral Bani Adam, Mehdi Kooshki…
[…] Katerine, Josiane Balasko, Sandrine Dumas, Nicolas Duvauchelle… Arte à 20h55 Jeudi 27 Le Client d’Asghar Farhadi (2016 – 1h58). Emad et Rana sont contraints de quitter leur appartement du […]