Cinéma / MAL DE PIERRES de Nicole Garcia.

Présenté en compétition au Festival de Cannes , après le très réussi Un Beau Dimanche     ( 2014) , le nouveau film de la comédienne-cinéaste adapté du roman de Milena Agus , décrit les désirs , les rêves et les passions d’une jeune femme éprise de liberté , confrontée à la société Bourgeoise étriquée des années 1950 qui n’accepte pas ses écarts  qui  dérangent les conformismes …

l'affiche du film;
l’affiche du film;

C’est dans la France de l’après seconde guerre mondiale  que le récit adapté du roman de Milena  Agus a été transposé par Nicole Garcia et son scénariste Jacques Fieschi , et dans le Sud de la France où l’émigration Espagnole des républicains qui fuient le Régime de Franco où José ( Alex Brendemühl , excellent ) est ouvrier saisonnier et travaille dans la ferme agricole d’un famille Bourgeoise où Gabrielle ( Marion Cotillard , remarquable ) la fille de la maison est attirée par des rêves de passion absolue. Gabrielle, éprise de l’instituteur village marié qui la repousse ,et à qui elle voue une passion sans limites, elle va le manifester par de brèves séquences allusives ( quand elle lèche son écriture …) puis  par une provocation plus directe ( à la fête du village ) , et enfin exposant son corps nu à la fenêtre. Dans la France de l’après-guerre où ce type de comportement ( aimer un homme marié …) est mal vu dans son milieu , mais aussi par la population.  Les sautes d’humeur et provocations de Gabrielle sont mal supportées par la famille qui la croit folle envisageant  même de la faire interner. La mère ( Brigitte Rouan) qui a observé que le saisonnier Espagnol José , était attiré par sa fille lui propose de « la marier et d’en faire un femme respectable » . Refus de Gabrielle qui est cependant sommée de céder aux  exigences  de sa famille , et qui exigera de cet « arrangement » de la part de celui qui lui est imposé , qu’il ne l’oblige pas à l’aimer !. « Lorsqu’elle se rebelle et qu’on la brise, sous sa prétendue soumission ,elle n’abdique sur rien… », explique Nicole Garcia ..

Gabrielle ( Marion Cotillard ) et José ( Alex Brendeühl ) , se marient ..
Gabrielle ( Marion Cotillard ) et José ( Alex Brendeühl ) , se marient ..

Et s’installe alors dans le couple une étrange situation de vie commune que Nicole Garcia illustre  par un mise en scène soignée et une rythmique de récit qui  suit   Gabrielle , en femme libre refusant  de se soumettre et revendique la maîtrise de son destin et de son désir qui est pour elle, est «  la chose principale » ….José faisant preuve d’une étonnante compréhension respecte son choix , et c’est même elle qui décidera le moment venu de lâcher du lest et cédera à son désir en le provoquant, s’habillant ….comme une de ces prostituées avec lesquelles il assouvit ses désirs . Lorsqu’une maladie Rénale ( le « mal du pierres »  du titre ) , va obliger Gabrielle  à aller en cure. Si elle le fait à contre-coeur , elle se ravisera très vite faisant dans cette maison de cure , une rencontre qui bouleversera sa vie, celle d’un jeune lieutenant , André sauvage ( Louis ,Garrel ) blessé en Indochine avec lequel elle se lie d’affection, et qui va faire renaître en elle ce désir de passion absolue qui l’habite . Homme sensible et ne retenue dont la mélancolie et la souffrance qu’il garde secrète , la bouleverse. Il semble répondre à son désir et elle croit avoir , enfin , trouvé celui que dans se rêves les plus intimes ,elle a toujours désiré . Mais une hospitalisation d’urgence qui le déplace à Lyon et la fin des soins pour Gabrielle, va les séparer . Ils ont promis de se retrouver , et la soif d’aimer de Gabrielle ainsi brusquement interrompue , amplifiée par la séparation et le manque d’André dont elle n’a plus de nouvelles ,  lui est insupportable ….«Quand elle rencontre enfin, ce moment extatique qui pourrait  donner un sens à sa vie , mais que le destin menace de lui voler à nouveau , elle démontre de quoi , sa passion grandiose est capable », dit Nicole Garcia  …

Solitude et lecture pourGabrielle (Marion Cotillard)
Solitude et lecture pourGabrielle (Marion Cotillard)

Et  la cinéaste , embrasse avec une délicatesse infinie, les destinées de ses personnages , Les silences de José ,  la douleur quasi muette d’André , et la folle passion de Gabrielle. Son approche est un peu le miroir de «  la Barcarolle de Juin » de Tchaïkovsky qu’André joue au Piano  pour Gabrielle , évoquant empreinte de tristesse …un futur possible : «  nous rejoindrons la côte / où les ondes câlinerons nos pieds / les étoiles , par une tristesse secrète, / brillent sur nous » . Et sa mise en scène est toute empreinte de cette « tristesse » qui vient envahir de ses nuages, José et Gabrielle  la  mal- mariée  sous le soleil de la Provence et ses senteurs de lavande . Puis, celles ,  plus froides,  du centre de soins en Suisse où le soleil semble éclairer ( illuminer ) l’espoir de ses rayons , avant que le neige n’étende le voile de son manteau . Le miracle du film est dans cet entre-deux dont Nicole Garcia réussit magistralement à traduire le basculement . Celui dont les images se font  l’écho des changements météorologiques , et ( ou) des tonalités de l’image qui font  miroir  aux ressentis et sentiments de ses personnages, et de  cet entre- deux dans lequel ils sont pris au piège…

La rencontre du soldat bléssé, André ( Louis Garrel )
La rencontre du soldat blessé, André ( Louis Garrel )

C’est cette « dualité » dont la tonalité fantastique finit par faire affleurer  cette  part de folie et de mystère qui l’entoure ( le final …) , laissant lui, sourdre de la surprise, le désordre des sentiments et le basculement dans la folie . C’est cette ampleur émotive et romanesque qui dès lors habille le récit d’une beauté brute , éclatante .Celle avec laquelle Nicole Garcia qui  a toujours mis en perspective le contexte social et politique dans lequel sont ancrés les héros de ses films , décrit à nouveau ici avec justesse ces écorchés de la vie , dont  ses héros  Gabrielle et le lieutenant , sont les figures emblématiques . Elle,  à qui la société rigide refuse sa liberté de femme ; et lui,  dont la jeunesse a été brisée par la guerre reflet d’une politique coloniale dans laquelle  comme lui ,  celle  d’une Nation à été engagée.  On y ajoutera,  José l’ouvrier Espagnol dont on a dit les raisons qui l’on amené en France où il devra  lui aussi faire des concessions pour s’intégrer . Son comportement éclairé par le final du film qu’on vous laisse découvrir , l’intègre dans cette belle dimension humaine dont se fait le reflet le drame sentimental vécu , au cœur d’un contexte qui , forcément influe sur leurs destinées….

(Etienne Ballérini)

MAL DE PIERRES de Nicole Garcia – 2016- Durée : 1h 56 –
Avec : Marion Cotillard, Louis Garrel , Alex Brendemühl , Brigitte Rouan, Victoire du Bois , Aloïse Sauvage , Victor Quilichini

Publicité

2 commentaires

Répondre à Cinéma… à la télévision (Semaine du 20 au 26 mars) – ciaovivalaculture Annuler la réponse.

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s