Après Deux Jours , une nuit ( 2014 , le nouveau film des frères Dardenne présenté en compétition au dernier festival de Cannes , est un nouveau portrait de femme confrontée au remord qui la hante de n’avoir pas porté secours à une jeune fille en danger. Un suspense psychologique passionnant, servi par une Adèle Haenel à la culpabilité bouleversante …

Un récit qui s’inscrit dans la continuité de leur œuvre dont ne cessent de perfectionner de film en film la recherche stylistique et l’introspection psychologique des personnages confrontés à des cas de conscience qui vont changer leur vie . De Rosetta en passant par Les silences de Lorna, Le gamin au Vélo ou Deux Jours , une nuit toutes leurs héroïnes sont déterminées et guidée par un choix à faire qui les obsèdent .C’est ce qui arrive à Jenny ( Adèle Haenel , formidable ) médecin généraliste qui à la suite d’une harassante journée de travail prolongée bien au delà de l’heure de fermeture entend sonner à la porte , mais ne va pas ouvrir . Le lendemain elle apprendra par la police qu’une jeune femme a été retrouvée assassinée à quelques centaines de mètres de son cabinet et lui demande de voir la vidéo de surveillance de l’entrée et de la rue pour chercher à savoir ce qui s’est passé et tenter d’identifier la jeune femme retrouvée morte et sans papiers . Perturbée par ce qu’elle apprend Jenny culpabilise et n’arrivera plus à se détacher de cet événement tragique qui la hante dont elle voudra comprendre les causes .S’investissant dans l’idée de réparer cette négligence qui aurait pu sauver la jeune fille et dont elle se sent coupable .

Elle se substitue même à la police s’aventurant dans une enquête parallèle , qui l’amène à chercher des indices et le passé de la jeune fille , et faire des rencontres desquelles un certaine vérité va jaillir …C’est une sorte de quête morale qui va dicter ses choix et qu’elle s’impose pour tenter de réparer le mal , allant même jusqu’à investir dans une tombe digne pour cette malheureuse inconnue . A cet effet , aussi , elle quitte son appartement pour se consacrer à son cabinet ,refusant un poste lucratif qui lui est proposé dans un grand hôpital pour se consacrer à ses clients banlieue de la ville de Seraing dans province de Liège. Choix assumé , et volonté de porter un regard et une attention autre sur ce qui l’entoure et que , peut-être, à l’image de cette porte qu’elle n’ a pas ouverte par fatigue , lui permettra désormais d’être plus attentive à ce qui se passe dans le monde . Mais Jenny , comme elle l’avait dit à son stagiaire Julien ( Olivier Bonnaud ) saura-t-elle se montrer « plus forte que ses émotions » ? . ..

La belle idée du film des frères cinéastes c’est tout au long du parcours de cette dernière pour découvrir la vérité , de la voir se confronter aux multiples aspects révélateurs de la détresse et violence sociale de notre époque dont ils déclinent , ici, une nouvelle approche . Celles des maux et de cette dignité perdue ( belles séquences avec ses patients ) dont les corps se font les révélateurs dans son cabinet ( malaises, crises et douleurs…) de leurs maux . Sa force sera de se servir de cette capacité d’écoute des corps et de ce qu’ils révèlent aussi de la psychologie des individus pour en déceler les failles . Dans l’un , comme dans l’autre cas celles-ci se font le miroir d’une réalité dont ils sont porteurs des maux ( solitude, précarité , marginalisation ) et de la violence sociale .

La force du récit c’est de se placer dans le cadre du « secret médical » dont Jenny ne maque pas de se situer tout au long de sa recherche sous le signe de celui-ci , afin d’obtenir par son biais , le « diagnostic » de la vérité , objet d ‘une magnifique scène finale au cours de laquelle le coupable aura lui-même à faire son choix moral et devra affronter les conséquences de son acte . Le film s’enrichit à cet égard, dans le sillage d’une multitude de personnages qui vont être confrontés eux aussi à des choix moraux et à les les affronter , comme l’illustre la belle scène où la soeur de la victime va se confier à Jenny , de la même manière que le beau personnage de Julien l ( l’autre beau personnage du film ) l’assistant de Jenny lui révélera la raison pour laquelle il a souhaité quitter sa vocation. Avec cette honnêteté qui singularise leur cinéma , les frères Dardenne , nous offrent une fois encore un très beau et sensible film. A voir …
(Etienne Ballérini )
LA FILLE INCONNUE de Jean-Pierre et Luc Dardenne -2016- Durée : 1 h 46 )
Avec:Adéle Haenel, Oliveir Bonnaud, Jérémie Rénier, Louka Minnelma , Christelle Cornil, Nadège Ouedraogo, Olivier Gourmet ….
J’ai adoré ce film, bien sûr âpre et collant totalement à la réalité du terrain, aucune fioriture dans ce portrait de jeune médecin généreuse et pudique mais effectivement une grande justesse et humanité
[…] 2 Bafta, 2 Oscars, Grand Prix à Deauville et César du meilleur film étranger. Arte à 21h00 La Fille inconnue des frères Dardenne (2016). Le portrait d’une jeune femme, médecin généraliste, […]