Je me souviens qu’avec le temps, tout s’en va
Je me souviens que, moi aussi, je buvais de la bière allemande en regardant très loin derrière la glace du comptoir.
Je me souviens, aux heures pâles de la nuit, m’être dit qu’il est bien tard.
Je me souviens que Richard, c’était Richard Marsan, ton directeur artistique dans tes années Barclay.
Je me souviens de la fontaine du village de Peille, Alpes-Maritimes.

Je me souviens que tu y as photographié ton fils Mathieu.
Je me souviens que tu as vécu à Peille de nombreuses années.
Je me souviens que tu as écrit une chanson-hommage, « Peille » où tu évoque tes souvenirs sur ce village. « A Peille je m’en vais ce soir tourner la page/ D’un livre qui se mange à sept ou huit copains/ On y rencontre l’art du vivre et d’être bien/A Peille je m’en vais ce soir avec Marie »
Je me souviens que Marie, c’est Marie Christine, ta dernière femme.
Je me souviens être allé à Peille plusieurs fois pour les rencontres « Alors Léo », le 14 juillet.
Je me souviens que c’est un 14 juillet que tu t’es fait malle. 1993. Tu l’as fait exprès ?
Je me souviens qu’au début des années 70, tu t’es installé à Castellina in Chianti, à mi chemin entre Florence et Sienne, 15 hectares de vignes et d’olivier.
Je me souviens que, si je ne suis pas –encore- allé à Castellina in Chianti, j’ai bu le Chianti que produit Marie-Christine, propriétaire du domaine San Donatino… c’est le petit Jésus qui vous descend dans le gosier en culotte de velours.
Je me souviens à Marseille, au théâtre Toursky, d’un spectacle de Richard Martin, Technique de l’exil, d’après ton texte.
Je me souviens y avoir rencontré Marie Christine et vos 3 enfants, Mathieu, Marie-Cécile et Manuella.
Je me souviens avoir dégusté ce Chianti à cette occasion.
Je me souviens avoir dit à Mathieu que le souvenir de son père, c’est-à-dire toi, m’aidait à vivre.
Je me souviens que dans les premières années d’existence du Théâtre Toursky tu y a donné des concert en soutien.
Je me souviens de ta chanson sur Marseille «Ô Marseille on dirait que le cœur te va bien/ Comme te l’écrivait Guillaume Apollinaire/ « Anges frais débarqués à Marseille hier matin« / On débarque toujours les amours passagères »
Je me souviens que tu as refusé de recevoir le Grand Prix de la Chanson Française en 1986 et d’être l’invité d’honneur des premières Victoire de la musique en 1987.
Je me souviens que lors d’un entretien avec Pierre Bouteiller sur France 3, le 3 août 1983, tu disais : « Le seul honneur pour un artiste, c’est de n’en pas avoir »
Je me souviens m’être dit que tu n’aurais peut-être pas apprécié qu’il existe une rue à ton nom à Angers, à Bagneux, à Gratentour et à Pierrefitte-sur-Seine, à Chateaubriant, ainsi qu’une place et un square dans le XIIème arrondissement de Paris.

Je me souviens de ton amitié ave Jean Roger Caussimon qui écrira pour toi, de 1946 à 1985 une vingtaine de textes, dont Mr Williams,Les loubards, Mon Sébasto, Ne chantez pas la mort, Le temps du tango, et puis… « On voyait les chevaux d’la mer/ Qui fonçaient, la têt’la première »… Comme à Ostende.
Je me souviens d’une de tes plus belles chansons, écrite pour Marie, Je te donne : « Les fleurs à inventer les jouets d’une comète/ Les raisons d’être fou la folie dans ta tête/ Des avions en allés vers tes désirs perdus/ Et moi comme un radar à leurs ailes pendu »
Je me souviens que mes deux premiers 33 tours de toi étaient Il n’y a plus rien et Et basta !
Je me souviens que t’aurais eu 100 berges vu qu’t’avais ouvert les yeux le 24 août 1916.
T’es tout’ nue/ Sous ton pull/ Y a la rue Qu’est maboul’/ Jolie môme
Et le client qui n’a, peut-être/ Ni Dieu, ni maître !
Ferré ! Le dernier ! Pour la route !
Jacques Barbarin
Merci pour cette belle pensée