Cinéma / VOIR DU PAYS de Muriel et Delphine Coulin.

Présenté à la Section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes , le film y avait fait une certaine sensation abordant un sujet contemporain – la guerre et les séquelle psychologiques chez les soldats à leur retour du conflit – sujet rarement exploité dans le cinéma Français . Une approche d’autant plus passionnante que très documentée sur la procédure clinique des soins dans le «  sas   de décompression » dans lequel, les soldats font part de leur vécu au combat …

l'affiche du  film
l’affiche du film

Les deux  soeurs cinéastes  on fait , en effet , preuve  avec  cette aventure cinématograhique d’une certaine originalité   abordant   le  film de guerre qui est au cinéma une spécialité  masculine , y ajoutant  l’exploration d’un thème  rarement  traité  dans le cinéma Français , celui des  séquelles psychologiques de la guerre  chez les soldats parfois évoqués assez succintement dans les reportages télévisés .  Ici  c’est au cœur de cet « après» et  au retour d’une mission en Afghanistan  qu’une section de  l’armée  française ( composée d’hommes  et  de  femmes )   qui  y ont  combattu , fait escale  du  côté de la  Grèce (  Chypre )  pour  y  effectuer pendant trois   jours  dans , ce  que l’armée  appelle  dans son jargon   « un sas de  décompression »   destiné à leur faire  oublier la guerre .  Au cours de ce stage chaque  soldat  est   amené à   dire devant ses compagnons de combat  son ressenti   sur  le vécu  des  opérations auxquelles il  a participé . Une thérapie  qui  permet  de  faire  face individuellement et collectivement aux  événements   traumatisants  (  blessures , morts de certains  camarades et , ou ,amis …) et  pouvoir ensuite retourner  au pays en  ayant  oublié (?) les traumatismes  . Parmi ce groupe il y a trois jeunes femmes qui vont jouer un rôle important , Marine ( Soko) , Aurore ( Ariane Labed ) et Fanny ( Ginger Roman ) dévoilant le ressenti féminin au cœur d’un groupe d’hommes…

Retour du combat  et arrivée à Chypre   pour l'isolement en Sas de Décompréssion
Retour du combat et arrivée à Chypre pour l’isolement en Sas de Décompression

Parler et se confier  en présence du groupe , ce  n’est pas  si  simple  comme le montrent les multiples scènes   ou  chacun des participants revient  sur  cette opération en Afghanistan , au cours de laquelle la compagnie  a été  attaquée  et  qui s’est soldée  par  des   blessés et des  morts . Les langues  qui finissent par se délier  et disent leurs dissensions  sur  les  ordres reçus , et qui  auraient pu  «  minimiser  les pertes »  par exemple en ne se repliant pas aussi vite ,   et ainsi sauver des vies . Les  ordres  , mais aussi les  comportements    en cours d’opération des  uns et des autres ,  laissant transparaître les  faiblesses , les  peurs et lâchetés  , et puis -aussi – dans  ce  groupe  où trois femmes  sont de  la partie , le  « machisme » qui  ressort dans  les  comportements  . Les  soeurs cinéastes  brossent  un  portrait  contrasté  et sans  concessions  de  ce qui se dit et se révèle des traumatismes vécus et en ressort,  finissant même par  attiser les rancoeurs  et pouvant  se  révéler   pas  aussi  satisfaisant  que  cela dans « l’aide psychologique » escomptée , puisque certaines rancoeurs persistent ou même certaines révélations vont mettre en cause  ,les comportements … au combat de  certains.

Ariane Labed ( à Gauche )  et Soko .
Ariane Labed ( à Gauche ) et Soko .

La question est posée sans filtres sur les séquelles et traumatismes – qui – qu’on le veuille ou non vont persister, même si la mise en place de cette « expérience » de décompression est certainement salutaire . Mais il y a  l’après  et le retour dans les familles et la vie  normale ,  les sœurs cinéastes  précisent  en effet  «   Ces  militaires ne s’attendent pas vraiment à ce qu’ils vivent au front , les traumatismes  sont d’autant plus  violents  . Quand ils rentrent ils s’aperçoivent qu’ils  ne sont pas  forcément traités en héros , la violence qu’ils  ont  en eux  ne demande  qu’à resurgir  , le stress accumulé  , l’hyper vigilance constante , les mauvais souvenirs  empêchent une vie au calme, les militaires ne peuvent pas  oublier  la  guerre, et … comment réussir  à vivre malgré  tout ? »  soulignent -elles  .Et dans le cadre touristique de   Chypre  et  de  cette  frontière  avec la Turquie objet de toutes les surveillances , visitée lors d’une sortie   «  ici  finit l’Europe »  dira  le   jeune homme  Grec ( Andréas Konstantinou ) rencontré par  les  trois  jeunes  femmes, qui les accompagne . Cette frontière devenue   aujourd’hui porte de sortie des pays en guerre  et des hommes et des femmes qui fuient les conflits . La thématique de la guerre et des civils qui quittent leurs pays , et tentent par tous les moyens de franchir les frontières dans l’espoir de trouver refuge et accueil, ailleurs . Sujet Brûlant…
Le film qui l’aborde,  aussi , est d’autant plus passionnant qu’il  est  servi par  une réalisation très   solide  et  efficace  qui  traite de front les différents sujets, sans concessions, ni tabous . Une réussite , à découvrir …

(Etienne Ballérini)

VOIR DU PAYS de Muriel et Delphine Coulin – 2016 – Sélection Un Certain Regard , Cannes. Avec ; Soko, Ariane Labed, Karim Leklou, Ginger Roman, Andréas Konstantinou , Alexis Manenti, Robin Barde , Sylvain Loreau…

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