Cinéma / LE FILS DE JEAN de Philippe Lioret.

Le sensible auteur de Welcome (2009) et de Toutes nos envies ( 2011) , nous propose dans le sillage de Mathieu- jeune père de famille qui apprend que son géniteur qu’il n’a pas connu vient de mourir – une échappée au Canada . A la recherche d’un passé et de deux frères inconnus qu’il va découvrir . Quête des racines , de famille et redécouverte de soi , un voyage plein de surprises porté par le regard juste et tendre d’un cinéaste qui nous immerge toujours un peu plus au cœur des sentiments …

l'Affiche du Film.
l’Affiche du Film.

Philippe Lioret est un cinéaste presque trop discret dont ne se lasse pas de découvrir de film en film la richesse et la sensibilité de ses récits et surtout la force presque invisile de sa mise en scène qui ne cesse de scruter le cœur humain et les zones sensibles de celui-ci , cachées au plus profond. Son cinéma est aussi celui , citoyen, qui vous a certainement bouleversé lorsqu’il fut le premier  pour le grand écran  à parler dans Welcome ( 2009) du drame de Calais et du quotidien et des immigrés qui vivent dans le camp ( les choses ont même empiré depuis …) et de ce jeune garçon obstiné qui veut rejoindre au péril de sa vie , l’Angleterre à la nage pour y retrouver les siens. La vie et la survie . La mort ici , de cet inconnu qui fut le géniteur de Mathieu suite à une aventure passagère lors d’un voyage dans la Capitale Française. Mathieu aujourd’hui 33 ans n’en a jamais rien su de la bouche de sa mère aujourd’hui décédée , sinon la désillusion provoquée par une aventure qui n’a jamais eu de suite et dont le géniteur marié a préféré rester sourd a ses appels et à la naissance de l’enfant. Mais cette lettre va bouleverser le quotidien de Mathieu séparé de sa compagne et dont la garde de l’enfant est partagée. A la fois par les souvenirs et manques qu’elle réveille , mais aussi le désir – enfin- de connaître une part de vérité par ces frères dont il  va découvrir l’existence Canadienne et qu’il veut rencontrer …et puis ce paquet laissé par ce père en guise d’héritage et qui peut-être contient quelques explications sur son long silence ….

Mathieu ( Pierre Deladonchamps) accueili par l'ami de son père ( Gabriel Arcangd) à son arrivée au Canada
Mathieu ( Pierre Deladonchamps) accueilli par l’ami de son père ( Gabriel Arcand) à son arrivée au Canada

Et nous voilà embarqués dans l’avion avec Mathieu ( Pierre Deladonchamps , très bien, tout en retenue …) pour le Canada et sa quête de vérité et la révélation finale  qui va tout bouleverser. Sur celle-ci on restera muets et on vous fera patienter vous renvoyant à la vision du film car il ne faut surtout pas la déflorer pour que vous puissiez la gouter pleinement. Mais ce n’est pas grave car les raisons sont multiples qui nous permetternt de vous mettre l’eau à la bouche . D’abord, il y a le remarquable travail que le cinéaste appelle de « proximité » , voulu  pour que le specateur approche de plus en plus l’intimités des personnages , sonde leurs doutes , leurs besoins et leurs sentiments et qu’en même temps il soit leur  premier complice , sachant préssentir les non-dits et les secrets enfouis qui font partie des ambiguités des relations familiales et qui sont si durs…à avouer. Sans oublier , pour la situation particulière de Mathieu , que la distance n’a fait qu’amplifier tous ces paramètres et que les deux journées de son court séjour Canadien vont pourtant finr par faire céder . Le tour de force est dans la mise en scène de Philippe Lioret qui revêt les habits du premier spectateur et qui veut se sentir lui même touché par ce qu’il raconte « j’essaie de faire en sorte que le film soit un témoignage de ce que je vais partager (…) les films qui m’ont troublé, touché et qui sont restés en moi y sont parvenus par cette sensation de proximité . Et aussi grâce à la rigueur et à la simplicité apparente du récit », dit-il . Et c’est la belle idée,  de son récit et de son film construits dans cette intention , et  qui fait mouche …

La  rencontre des frères : Pierre Yves Cardinal ( Sam) , Patrick Hivon ( Ben )
La rencontre des frères : Pierre Yves Cardinal ( Sam) , Patrick Hivon ( Ben )

D’autant que pour ne pas vous le cacher , on a étés aussi séduits et surpis par la force de cette intention de  mise en images. Créant une sorte de  jeu de   » confidence » dont on serait  le  récepteur -témoin , avec qui on veut la  partager . Et les personnages de Mathieu et de l’ami de son père décédé , Pierre ( Gabriel Arcand , magistral ) dans leurs relations et échanges avec les autres concernés, les deux frères Sam ( Piere Yves Cardinal) et Ben ( Patrrick Hivon) , mais aussi, avec la femme de Pierre    ( Marie Thèrèse Fortin ) ou la fille de celui-ci , Bettina    ( Catherine De Lean ) qui, au delà de leurs réactions intimes au cœur des situations où ils sont plongés et concernés , s’inscrivent  dans cette  dimension dans leur jeu . Jamais , la mise en scène n’occulte ce sentiment d’être spectateur au cœur des enjeux  ,  et d’ailleurs il n’y a jamais aucun des problémes soulevés dont on ne soit pas le témoin alors même que d’autres proches concernés , peuvent en être exclus !. A l’image de cette dispute dans la cabanne entre les deux frères dont seul Mathieu surprend avec nous , les raisons et l’enjeu. De la même manière que nous sommes témoins des confidences de la femme de Pierre , à Mathieu le seul à qui elle ose parler d’un probléme sur lequel son mari a mis le « véto » du silence et dont on sera seuls avec Mathieu , les confidents privélégiés . La mise en place de cette sorte d’inter-action , est aussi fascinante que surprenante et fait mouche , servie par le tour de force de la mise en scène de Philippe Lioret qui ne cesse dans son récit semé de plus en plus de secrets , et des mystères de ces relations familiales qui tournent parfois au réglement de compte , lorsque le cadavre du père en question reste introuvable englué au fond d’un lac …

Diner  avec la famille de  Pierre.( Gabriel Arcand, sa  femme  (  Marie Thérèse  Fortin)  et sa  fille, Bettina  ( Catherine De  Léan)
Diner avec la famille de Pierre.( Gabriel Arcand, sa femme ( Marie Thérèse Fortin) et sa fille, Bettina ( Catherine De Léan)

Alors cette mise en scène qui finit par vous envoûter dans ce rôle de spectateur – confident, et dont la tonalité des enjeux qui vont se révéler,  inscrit un suspense digne d’un thriller Hitchcockien auquel la surprise du final livrera encore quelques nuances, magnifiquement servies par les comédiens . Et le tour de force de Philippe Lioret,  c’est aussi cette capacité à faire des paysages , des lieux ou décors, de véritables personnages . Ils deviennent par exemple aussi familiers à  Mathieu qui les apprivoise très rapidement alors qu’il les découvre à peine ( ses réflexions lors de la recherche du cadavre du père dans le lac …) et lui deviennent aussi familiers ( les rues, la maison de Pierre,  le magasin de l’un des frères , ou la boîte de nuit ) qu’à ceux qui y vivent où les fréquentent . Dès lors , dans ce cadre et en poste de spectateur – complice et invité , on vit avec Mathieu cette quête du père et sa nécessité de savoir le pourquoi du silence de l’abandon et puis le pourquoi et les raisons du silence rompu… par cette mort pressentie , aux dires de Pierre. De la même manière que l’on souffre avec lui , de voir des frères dont la rencontre et connaissance tant désirée devient une sorte de cauchemar dans ce qu’il révèlent des rivalités , de cupidité et de violence qui les éloigne et les sépare de lui… et d’eux-mêmes. Exemples vivants de la part la plus sombre des relations familiales dont les rivalités éclatent lors d’un décès et d’une succession  à venir… laissant entrevoir à Mathieu un peu plus encore qu’à son arrivée, les raisons de la réticence de Pierre à l’introduire , lui , le fils illégitime dans cette famille en deuil , et lui demandant de se faire passer pour « un ami Français » ….

Mathieu( Pierre Deladonchamps)  et Bettina ( Catherine De  Léan )
Mathieu( Pierre Deladonchamps) et Bettina           ( Catherine De Léan )

Philippe Lioret nous immerge dans son récit et nous fait vibrer comme un  ami  de Mathieu ,  de  ses déceptions ( les frères) de la découverte de l’héritage laissé par son père ( le tableau de valeur ) et de cette famille de Pierre si taciturne et attachant «  un ours chaleureux » comme le qualifie Lioret , qui a fini par « tourner le dos à la médecine lucrative », contrairement à Jean , le père de Mathieu » . Un homme et une famille  ( rêvée? ) complétée par le beau portrait           d’ Angie la sensible et délicate femme de Pierre qui en sait plus qu’elle n’en dit ; et sa séduisante fille Bettina qui a vécu l’enfer avec un mari violent dont elle a dû se séparer. Une famille dont Mathieu découvre les qualités humaines , celles que l’enfant qu’il a été n’a pas eu l’opportunité  de connaître de  ce que représente  la « chaleur »  d’une   famille  … et  celle de  Pierre   «  pourrait même devenir une famille de substitution … jusqu’à cette découverte qu’il serait dommage pour le spectateur de dévoiler » explique Philippe Lioret . Et on l’a dit au début , on respectera son souhait . D’autant que son film est une petite merveille de récit tout en nuances , en sensibilité et retenue , celui d’un « arpenteur » des sentiments qu’il décline avec belle dextérité narrative …

(Etienne Ballérini )

LE FILS DE JEAN de Philippe Lioret -2016-
Avec : Pierre Deladonchamps, Gabriel Arcand, Catherine De Léan, Marie-Thérèse Fortin, Pierre-Yves Cardinal, Patrick Hivon…

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