Présenté en compétition officielle au dernier Festival de Cannes , le nouveau film du cinéaste sort cette semaine sur les écrans . Il nous propose , construite au tour de l’itinéraire de son héros , Léo , une fable moderne et libertaire qui investit avec une belle spontanéité revendiquée et efficace de nombreux sujets qui sont aujourd’hui au centre des débats de société …

Le cinéaste dont l’univers et son monde fantasmé se retrouve avec une écriture singulière et reconnaissable d’emblée, faite d’envolées ou rêveries libertaire où s’entrechoquent les genres et les références ( légendes et mythologie …) , offrant une vison du monde qui n’hésite pas à aborder le réel avec une certaine frontalité comme ce fut le cas pour l’ Homme du lac ( 2013 ) le film césarisé qui l’a rendu célèbre auprès du grand public. Alain Guiraudie c’est aussi quelqu’un qui a su inscrire au fil de son œuvre son originalité dans le Cinéma Français à l’image de son confrère Bruno Dumont , avec un univers et des personnages aussi singuliers que surprenants , mais qui reste ancré dans des thématiques de société qui font débat en les traitant à sa manière . Ici s’y retrouvent celles qui étaient déjà présentes dans ses précédents films ( Ce Vieux rêve qui bouge / 2001) , Pas de repos pour les braves / 2003 , Le Roi de l’évasion/ 2009 ) , comme la thématique de la nature , les problèmes de la ruralité ( l’exploitation de la bergerie menacée par les loups ) ou celle des sujets sociaux et d’actualité ( la mort assistée et le chômage ) . Ou encore, la confrontation masculine au « baby blues » dont se fait l’écho l’itinéraire de son héros , léo ( Damien Bonnard , épatant ).

Alain Guiraudie , sans se soucier de s’intégrer à une forme de récit spécifique dont parfois il se sert des thématique des genres et les « organise » à sa manière, avec une sorte d’inventivité poétique ou le conte n’est pas loin à l’image des deux séquences qui montrent Léo faisant soigner son blues dans une étrange cabinet où il se retrouve allongé et relié par des fils à un arbre de vie (?) . Séquence symbolique de la quête de communion avec l’univers . Le mystère de la nuit , celui du loup ( à la recherche duquel au début du film on le voit partir dans les Causses de Lozère ) et de l’eau ( les marais ) sont des espaces explorés ( rêvés) qui peuvent aussi se révéler des impasses et virer au cauchemar ( la déchéance sociale ) et l- ou ) à la solitude . Les héros d’Alain Guiraudie se laissent aussi fasciner et emporter par les rencontres ( la bergère et les enfants de celle-ci , ou celui que Leo aura avec elle , et les relations avec Jean- Louis( Raphaël Thiéry) , le jeune Yoan ( Basile Meilleurat) ou Marcel – Christian Bouillette… ou les loups ( magnifique scène finale ). Le sexe la vie et la mort . Le Sexe , et la crudité frontale dont il est l’un des rares cinéastes à montrer la nudité et la sexualité sans détours ni complaisance . La vie ( ici, une naissance filmée dans sa durée intégrale ) et la mort , le lien sexe/ mort devient une association singulière à la thématique de la mort assistée …dont il a le secret d’un certaine jubilation gentiment provocatrice qui inscrit la « distance » lui permettant d’aborder des sujets de société « clivants » .

D’ailleurs le titre du film « Rester vertical » le cinéaste fait appel à une certaine dimension politique et pragmatique qu’il revendique , faisant référence à la longue histoire de rapports « homme -loup » au fil des siècles « j’ai lu quelque part que , pour le loup , l’homme est un animal vertical , et que cette verticalité lui inspire la prudence , le respect ou la crainte . En Lozère, j’ai rencontré des gens qui ont entendu dire ça par leurs grands parents : face au loup , il faut rester débout ! ( …) j’ai envie de continuer a pratique un cinéma de la rêverie, mais aussi de plus en plus , de le conjuguer avec la brutalité du réel , d’aller chercher l’adversité , les choses pas toujours reluisantes . La contradiction profonde dans laquelle se retrouve le héros culmine dans cette scène finale où il voudrait retenir le loup et l’agneau. Il cherche à réaliser une utopie où ils coexisteraient sans dommage » explique le cinéaste .

Et son film est sans cesse en train d’interpeller et de questionner sur le monde moderne comme il va , et sur ces loups et ces bergers dont la cohabitation interpelle « que fait-on du loup que certains souhaitent protéger , et que fait-on des bergers ? » , et qui est devenue de plus en plus impossible dans le monde d’aujourd’hui . Et puis, l’homme n’est-il pas aussi , un loup pour l’homme ? . C’est sur ce sujet , comme sur tous les autres abordés dans son film qu’Alain Guiraudie construit son récit métaphorique politico- existentialiste faisant « résonner des thémes ancestraux, bibliques et débouchant sur des impasses très contemporaines » , interpellant le spectateur .
Et c’est « sa » manière jubilatoire et sans tabous de le faire , qui nous plaît, et qui devrait aussi, vous séduire …
(Etienne Ballérini )
RESTER VERTICAL d’Alain Guiraudie – 2016 – Sélection Officielel Festival de Cannes
Avec : Damien Bonnard, India Hair , Raphaël Thiéry, Christian Bouillette, Basile Meilleurat, Laure Calamy, Sébastien Novac…
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