Présenté au dernier Festival de Cannes , Le Quatriéme long métrage du cinéaste Roumain repéré à la Section Un certain Regard ( et primé ,) en 2005 avec La Mort de Dante Lazarescu, est le récit d’ une réunion familiale commémorant la mort du père qui va tourner au réglement de comptes . Film choral dans le huis- clos de la maison qui se fait le reflet des échos du monde exterieur et du passé . Et invite à une belle réflexion sur le deuil et la mort…

Une tradition Roumaine veut que quarante jours après les obsèques d’un membre de la famille , celle-ci et les proches du défunt se réunissent à nouveau pour une commémoration avec bénédiction réligiesue éffectuée par un curé Orthodoxe ( Pope ) . Le film est le récit de cette journée de commémoration au cours de laquelle en parralléle du rituel de la bénédiction bénédiction et du repas qui s’ensuit , où , chez les convives les souvenirs sur le défunt qui s’échangent vont laisser vite place aux rancoeurs et aux querelles et inimitiés familailes qui resurgissent , se faisant l’écho à la fois du passé et de l’histoire du pays avec les histoires et divisions qui resurgissent concernant ce passé Communiste – pas si lointain- dont le séquelles persistent , qui marquent encore les divisions de générations , et de points de vues. Et symbolique une des séquences s’ouvrant vers l’extérieur de la maison et les rues de la ville où un 4×4 bloque une rue et une querelle dégénère pour une place de parking, se fait l’écho de la violence du monde extérieur . La violence des rapports familiaux trouvant son miroir-reflet de celle de la société et du monde extérieur dont les comportments dégénèrent au moinde prétexte …et que dire , plus largement , des tensions politiques et violences térroristes ( une séquence évoque la tragédie du 11 Septembre 2001 et on y parle aussi de l’attentat de Charlie ) qui s’amplifient ?. De l’hôpital de La mort de Dante Lazareszcu symbole de la Roumanie agonisante des années 2005 , à la dérive meutrière et solitaire du héros en révolte contre la justice dans le Bucarest des années 2010 dans d’Aurora , le cinéma de Criti Puiù ausculte avec insistance ( et continue à le faire ici en une sorte d’état des lieux ), les éléments de la détresse humaine confrontée à la violence de la société qui l’entorue dont elle subit les effets devastateurs…

Film choral qui brosse toute une série de personnages et de situations filmées en plans- séquences la plupart du temps utilisant habilement l’espace de la maison avec un travail remarquable sur le son et également le hors- champ de l’image ( les scènes qui se déroulent dans les pièces où l’on s’enferme pour échapper aux conflits et disputes , pour se reposer , ou encore, pour « cuver » l’alcool …). C’est un portrait de groupe acerbe que concote avec habileté le cinéaste qui a voulu symboliser autour de cette « commémoration » , les réflexes et les peurs des uns , les certitudes des autres , leurs questionnemts sur leur place dans la communauté familiale et les tromperies et écarts que l’on a pu faire, qui redéfinissent la donne et les jeux de pouvoirs . L’attente du prêtre en retard pour la cérémoniee , donne le « la » à une violente dispute sur le passé Communiste défendu bec et ongle par cette ancienne membre du parti , et on s’invective encore sur les comportements des uns et des autres et les infidélités … les diatribes sont cinglantes , mais la dérision aussi , dans cet espace clos de la maison , qui oblige chacun à s’assumer, se justifier , à devoir aller vers l’autre , sortir de sa bulle . Et quand les choses se déclenchent l’esquive devient presque impossible . Et l’on verra par exemple que forcé à affronter son passé et ses peurs et renoncements , Larry( Mimi Branescu ) riche parvenu affublé d’une épouse « belle mais conne » , ne pourra s’esquiver derrière son ironie , mais sera contrait de s’expliquer ( dire sa part de vérité ), mais sera contraint de reconsidérer sa place à l’intérieur de la famille…

La force du film au delà de sa mise en scène chorale inventive avec ses digréssions , son ballet de portes qui s’ouvrent et ferment , et ses personnages qui cherchent à se défiler mais ne pourront pas échapper aux explicationns , c’est de nous offrir une brochette de personnages complexes qui finissent par se dévoîler dans une sorte de mise en abîme où la représentation « theâtrale » n’est pas si loin , au cœur de cette interminable journée de « commémoration » familiale . A l’image de cette tardive arrivée du Pope ( Valer DellaKesa) qui bénira chaque pièce accompagnée de prières et chansons , et s’en repartira vite fait…ou encore cette séquence du déguisement des cousins moqueurs semant le désordre , portant les vêtement d’un mort , lors de la cérémoie de commémoration . La caméra scrute et cherche à se faufiler profitant de l’entrebaillement des portes, pour déceler quelques secrets , laissant aussi s’inviter pour se faire soigner dans la maison cette mystérieuse jeune blonde droguée (?) croisée dans les escaliers . La représentation du début où chacun semble figé dans son rôle ( les femmes préparant à la cuisine le repas d’après- cérémonie et les hommes au salon fumant et discutant autour d’une verre ) va trés vite , suscitée par le retard du Pope , s’emballer dans un va et vient des uns et des autres , réunissant les sexe et susciter les discussions et les disputes citées plus haut . D’une pièce à l’autre le va- et- vient suivi par une caméra , toujours « à hauteur d’homme », qui traque et ( ou ) surprend succéssivement chacun à l’image de la Tante Ofélia ( Anna Ciontera) isolée et qui pleure , ou du ressentiment de la veuve , dss angoisses de Larry , et la jalousie du frère miliatire . Et s’insinue dans les débats collectifs pour y traquer les révélations sur l’oncle Tony ( Sorin Medeleni ) et ses dérives sexuelles conféssées ! …

C’est ce regard -caméra qui scrute les lieux et les personnes au cœur d’un cérémonial, dans le sillage duquel ( et c’est la belle idée du film ), le cinéaste invite le spectateur à « voir l’histoire » , à la place du mort , comme il l’explique dans le dossier de Presse « dans la tradition orthodoxe , l’âme du mort est en liberté pendant quarante jours , elle bouge . Je me suis posé la question de comment faire pour raconter l’histoire à travers les yeux du mort qui circule ? : en mettant la caméra à la place du mort . Ce que j’ai voulu voir , c’est le regard du mort » , dit-il . Et ce regard « celui d’un homme silencieux qui a ce privilège de dire au revoir à ceux qu’il laisse derrière lui , c’est à dire les observer . comment regarde-t-on les choses sachant qu’on ne va pas revenir ? » , qui rend le voyage ( le film ) passionnant ….
(Etienne Ballérini)
SIERANEVADA de Cristi Puiù – 2016- sélection Compétition Festival de Cannes
Avec : Mimi Branescu, Catalina Moga , Dona Dogaru , Judith State, Bogdan Dulitrache, Sorin Medeleni,
Ana Ciontea, Valer Dellakesa …