Voyage onirique , objets symboliques , allégorie et merveileux , conte romantique , pacte démoniqaue , tragédie et dialogues en vers et prose . Pour son passage derrière la caméra, le comédien ( aussi devant celle-ci ) n’a pas choisi la facilité , mais il la compense par la fougue d’une mise en scène inventive qui nous entraîne dans son univers avec une conviction et un plaisir qui font mouche…

Présenté Hors Compétition au dernier Festival de Cannes , le film du jeune comédien aaprécié chez Bertrand Tavernier ( la Princesse de Montpensier ) , Christophe Honoré ( les chansons d’amour ) ou encore Robert Guédiguian ( Le neiges du Kilimandjaro ) , y avait été remarqué et recueilli des éloges pour sa singularité l’inscrivant dans une tradition du cinéma Français qui de Carné , à Rivette et Rohmer en passant par Léos Carax et d’autres , emprunte les chemins singuliers où s’entrechoquent les références ( littérature , poésie , symboles, merveilleux …) et les recherches formelles qui font basculer le réalisme du récit vers des horizons dont la symbolique voulue du titre du film inscrit d’emblée la dimension des possibles qui s’ouvrent à son héros . A cet égard la pemière séquence qui en ouvre les perspectives consécutives à une « dispute » amoureuse qui se transforme en rupture entraînant notre héros dans une « fuite » éperdue et des rencontres où , sa destiné va se retrouver prisonnière des « pactes » qui l’emprisonnent dans sa recherche d’absolu , et fait peser le risque de la tragédie au coeur de cette quête égoïste d’amour absolu dans laquelle le récit baigne …dans le sillage des ses jeunes héros .

Dans cette séquence d’ouverture on y découvre un jeune couple amoureux Paul ( Grégoire Leprince-Ringuet ) et Ondine ( Amandine Truffy ) dont la ballade dans la forêt fait découvrir au rythmes des pas qui n’arrivent plus à se sychroniser , la rupture qui se concrétise par la chute et la bléssure d’Ondine. Une bléssure physique dont le retentissement psychologique et moral , entraîne les conséquences inéluctables d’un malaise sur lequel le couple semble depuis un certain temps , porter le poids. Ondine repochant à Paul son égoïsme au coeur d’une relation où elle doit sans cesse se plier à son éxigeance sans que ses efforts ne soient reconnus. Chute symbolique donc , reflet d’une rupture inéluctable « je ne peux plus te suivre » dont les conséquences pour Paul qui jure désormais » de ne plus aimer « , vont trouver dans la symbolique de la construction géométrique rectiligne de la Forêt de quinconces faite des lignes de fuites ouvrant une mutiplicté de chemins possibles à prendre. Ceux vers lesquels il va se tourner désormais pour se prouver qu’on ne l’y reprendra plus , à aimer . La rencontre dans le métro de la belle Camille (Pauline Caupenne ) qu’il décide ( pour se venger ?) de séduire et , ensuite , d’abandonner va pourtant changer la donne. Cette dernière usant d’un sortilège va le » lier » à elle , et le contraindre à affronter son passé …

La belle séquence de la rupture qui s’enchaîne aussitôt par une autre ( tout aussi superbe …) , celle de la rencontre fortuite dans le métro de Camille qu’il décide donc de séduire et va suivre jusqu’à cette salle de danse où , au son de la musiques et des mouvements des coprs, les leurs vont finir par se rappocher et fusionner dans le désir commun ( superbe chorégraphie de Georgia Ives ) . Clin d’oeil à Christophe Honoré ou à Jacques Demy , et référence aux comédies musicales d’hier au coeur desquelles parfois la tragédie s’invite . La rivalité n’étant pas , ici , affaire d’amour et de gangs rivaux ( West side Story ) mais affaire de possession et de sortilége qui nous invite plutôt du côté du fantastique , et de Jean Cocteau ou de René Clair ( La beauté du Diable). Mais la force du film qui est justement dans ce mélange des genres et ses références multiples , c’est de s’y frayer son propre chemin. Celui d’une esthétique qui trouve sa propre dynamique d’écriture et formelle . Les changements de cadre de l’image ( du scope au 1.33 classique ) font écho à ceux des changements de tonalités du récit et de son écriture où se mêlent vers et alexandrins dans un rythme de mise en scène trés fluide et mobile enchaînant plans-séquences et plans très courts. De la même manière qu’il invite la dimension et les références littéraires et poétiques ( Valéry , Aragon,Baudelaire , Verlaine, Racine, Corneille , Molière ,Supervielle...) dont les prénoms des personnages se font aussi l’écho de celles Cinématographiques ( Paul faisant référence au Paul Dédalus du film de Despléchin ), et y intégre , en contrepoint ou même en mélange , la prose . Deux musicalités convoquées en osmose . La dimension de l’imaginaire éveillée par les vers , et celle du réalisme par la prose….

Construisant habilement son récit sur la dynamique de rappochement des oppositions , Grégoire Leprince-Ringuet , lui ouvre ( ou lui offre ) aussi celle de la subversion des clichés qui souvent trahissent , en opposant vers et prose, et dont il explique que l’un et l’autre peuvent avoir à la fois la dimension de la poésie, comme celle de la violence « pour moi la poésie est à même de tout exprimer , notamment à la fois la colère et la violence (…) il y a aussi de magnifiques proses poétiques, je pense par exemple à Julien Gracq. le souci de la couleur et du rythme dans la signification , voilà ce qui est pour moi de la poésie » , dit-il . Et son film construit sur ces oppositions , contrastes et rappochements y trouve le bel équilibre narratif dont les prolongements sont enrichis par ceux qu’y prenent les objets ( le médaillon , la montre , le couteau, la photo brûlée au cimétière …) par leur valeur symbolique . Tandis que le réalisme et le fantastqiue qui s’y côtoient construisant la dimension du conte et sa magie qui s’inscrit dans le « chemin » de la destinée dont Paul va devoir affronter ( le passé et le présent ) pour s’ouvrir à l’avenir dont le magnifique personnage du clochard céleste ( Thierry Hancisse , époustouflant! ) avec sa pièce de monnaire et son « pile ou face » semble détenir la clé . Le Hasard et le destin . Et le mystère que l’on sonde: » Et dans l’obscurité deux lunes se répondent /(… ) Ô mystère profond de la nuit que je sonde / J’ai voué mon esprit a deux astres rivaux/ Mais je veux que mon âme en secret les confonde / Et plongeant ici bas, je volerais là -haut ! » .
On vous invite à suivre Paul pris au piège de ce mystère dans lequel le comédien -cinéaste Grégoire Le prince -Ringuet , nous entraîne avec une belle convition et un talent indéniable , dans le sillage de son héros .
(Etienne Ballérini )
LA FORET DE QUINCONCES de Grégoire Leprince-Ringuet – 2016-
Avec : Amandine Truffy , Pauline Caupenne , Grégoire Leprince-Ringuet , Thierry Hancisse, Maryline Canto, Antoine Chappey….