Une jeune trentenaire ambitieuse et surdouée fait ses débuts dans le monde de la haute finance et y gagne rapidement la confiance de son employeur . Au coeur de ce milieu de pouvoir ,coïncidences , faux semblants , intrigues et quiproquos vont révéler et raviver les rivalités et rancoeurs d’un passé qui la ratrappe, auquel son patron et sa famille ont étés mêlés . Par le réalisateur de Rien sur Robert (1999) et Cherchez Hortense (2012) , une plongée dans l’univers impitoyable du monde des affaires et du pouvoir , dont il capte, habilement et subtilement , les coulisses.

Dans la séquence d’ouverture on voit arriver dans l’entreprise où elle est engagée comme analyste financière , Nora ( Agathe Bonitzer ) et prendre ses marques en conquérante ( la scène du bureau d’un futur collègue ,nqu’elle fait sien par mégarde ) et très vite dès la première réunion elle saura se rendre indispensable en prenant les devant sur une décision importante qu’il faut prendre dans l’urgence . Il n’en faut pas plus à Nora pour se mettre dans la poche son patron , Brasac ( Lambert Wilson ) qui ne jure que par la rapidité d’exécution. dans cet Univers impitoyable des affaires où le plus rapide gagne . Mais dans celui-ci , les jalousies et les coups bas ne manquent pas , et où les rivalités et les jeux de pouvoirs sont ainsi faits que , du jour au lendemainn on peut très vite retomber au bas de l’échelle. Nora qui le sait , va y puiser la force pour les affronter. Mais ce qu’elle ne maitrisera pas, même si elle le subodore via les demi -mots et réflexions des deux patrons complices ( Lambert Wilson et Pascal Greggory ) qu’il y a , comme on dit anguille sous roche. Et dès lors , au coeur des rivalités de l’entreprise , c’est le passé familial qui va resurgir dont elle va porter le poids des rivalités qui, jadis , ont opposé ses employeurs et son père , Serge ( jean- Pierre Bacri ). Une histoire ancienne qui réveille les tensions dont elle deviendra la prisonnière d’un écheveau qui multiplie les surprises et les pistes au coeur d’un récit , qui , à l’image du personnage de Solveig ( Isabelle Huppert) finissent par laisser poindre , la réalité froide et glaçante des choix qui ont guidés… son entreprise sentimentale.

Si l’intrigue et ses dessous sont les éléments importants du scénario dont Pascal Bonitzer qui a toujours aimé multiplier les éléments qui s’entrechoquent dans ses films , comme dans ceux dont il a été à l’écriture du scénario des réalisateurs ( René Allio , Chantal Akerman , André Téchiné , Raoul Ruiz , ou jacques Rivette …) avec lesquels il a travaillé . Les ingrédients du mystère ne manquent pas et le romanesque dans lequel ils s’inscrivent au coeur du monde des affaires et celui de la famille , dont la violence se dévoîle au fil de l’intrigue et de sa complexité , finissant par faire tomber les masques… et els clichés . C’est le point fort du film et du récit, dont l’habileté est encore relevée par l’habileté des ambiguités dont ses personnages sont traversés avec laquelle le cinéaste joue , faisant sourdre cette vulnérabilité et humanité qui finit par les sortir de cadre schématique des clichés dans lesquels ils semblent enfermés. A l’image de Nora perçue, et donnée d’emblée comme une arriviste sans scrupules et qui va au contact de cet univers de jeux de pouvoirs, finir par s’humaniser. Et qui finissent tous par sortir du cadre de la représentation que l’on s’en fait habituellement . Les masques tombent on l’a dit , et ceux de l’arrogance et de la morale vont finir par se laisser rattraper par les sentimenst de l’échec et de la culpabilité . Le theâtre de la représentation dans lequel ils sont enfermés dans leur jeu de rôles , va rendre l’âme au rythme des faux- semblants , portée par des dialogues percutants et une mise en scène inspirée. Tous deux , allant à l’essentiel …

C’est dans cette démarche que les personnages vont finir par trouver leur propre vérité et exister au delà des clichés. Dès lors les deux univers ( familial et de la finance ) explorés ici , sont investis des tonalités de la satire et d’un constat sur la société , en même temps qu’ils s’ouvrent sur une autre approche du monde ou l’humour ,voire le surnaturel ( le personnage d’Ezilie ) sont convoqués , en contrepoint . Pascal Bonitzer aime bien jouer sur la multiplicité des regards qui ouvrent à l’imaginaire , cet imaginaire qui permet , parfois , à chacun de sortir de sa « bulle » protectrice , et s’ouvrir au monde . » j’aime bien dans une histoire que le spectateur fasse une partie du travail , qu’il fasse jouer son imagination . dans le film une partie des événements est complètement laissée hors -champ » , explique le cinéaste. Et c’est cet hors – champ qu’il laisse remplir au spectateur . C’est l’autre belle idée du film d’inscrire cette « participation » créatrice , offrant le superbe contrepoint à la formule qui définit le monde de la finance dont l’appétit du gain se résume dans le titre du film « tout de suite maintenant » . Contrepoint permettant d’ouvrir l’espace à d’autres perspectives et priorités dont se fait l’écho cette humanité injectée aux personnages, comme – possible – bouée de sauvetage . Celle dont n’a pas besoin le personnage emblématique de Maya , la soeur de Nora , dont l’ancrage social et la lucidité qui l’habitent , l’ ont préservée du jeu de rôles et des clichés ….

Tandis que celui-ci, sonnera comme un constat amer pour Solveig ( Huppert ) et pour le père de Nora (Bacri ) , qu’illustre la magnifique scène de l’hôpital le concrétisant avec une pointe d’émotion et de regrets , tentée d’humour . Elle sera plus longue a se dessiner pour le » duo » de patrons qui défient encore le temps et lepouvoir auquel ils sont attachés , dans une sorte d’humour noir et de jeu morbide destiné à se justifier, et repousser indéfiniment ce sentiment se culpabilité qui les taraude . Restant ancrés dans leurs chaussures bien tenues par les lacets de la formule qui a fait leur réussite » Les projets sont faits pour être réalisés , les rêves pour être brisés« . C’est ainsi que va le monde d’aujourd’hui comme le souligne Pascal Bonitzer dans le dossier de presse : » l’esprit de notre temps c’est ce que la finance appelle le principe du « Tout de suite maintenant » qui correspond à cette mainmise relativement récente de la finance sur le Capitalisme d’entreprise . La Finance n’attend pas , il lui faut des résultast et des gains tout de suite . Cette mentalité se retrouve un peu dans tous les domaines : être célèbre tout de suite, riche tout de suite, trouver la femme ou l’homme de sa vie , ou le plan cul tout de suite … Le temps long est dévalorisé . Internet est la mesure du temps actuel : en un clic vous pouvez tout avoir, enfin c’est ce qu’on vous fait croire… » , dit-il . Et les deux beaux personnages de jeunes adultes , Nora et Xavier , qui vont s’y mesurer et devoir jouer le jeu et prendre des coups pour pouvoir ensuite tenir tête en utilisant les armes à leur portée pour se forger leur propre destin . Jeunesse rêveuse et rebelle …
(Etienne Ballérini )
TOUT DE SUITE MAINTENANT de Pascal Bonitzer – 2016-
Avec : Agathe Bonitzer , Vincent lacoste , Lambert Wilson , Pascal Gréggory , Isabelle Huppert, Jean- Pierre Bacri , Julia faure, Virgil Vernier , François Baldassare ….