Cinéma / DANS LES FORETS DE SIBERIE de Safy Nebbou .

Le cinquième  long métrage du cinéaste, après  Un homme seul  (2012 ) nous invite dans  le  sillage  du roman  de  Sylvain Tesson ( Prix Médicis  2011)  et  le récit de  son expérience  solitaire  et sa quête de  liberté  et de pureté  , loin du bruit  et de la fureur du monde quotidien  , en immersion dans   la froidure de l’hiver  Sibérien , au pied  Lac Baïkal. Grand espaces et beauté sauvage de la nature  à apprivoiser ,  réclusion et quête de soi,  servies par  une  mise en scène à la fois épurée et romanesque   qui fait mouche …

l'Affiche du Film.
l’Affiche du Film.

Fatigué de son existence quotidienne  et d’un  travail  qui ne lui apporte pas de  satisfactions  particulières, Teddy ( Raphaël Personnaz , très   convaincant )  jeune  célibataire  sans attaches  , décide  de  tout laisser  tomber  et  d’assouvir  son goût de liberté  et   d’expériences  nouvelles. Sans doute aussi  pour se mettre  à l’épreuve  de lui-même. Et  il  ne choisira pas  la facilité,   décidant   de partir   pour  affronter  une expérience extrême   de plusieurs mois,  qui  va lui permettre de  « tester »    à la fois ses capacités de  résistance  physique et morale  . Un exil volontaire  , préparé dans les   moindres détails,  qui  va le conduire dans  le  fin fond de  la  Sibérie  dans une petite  cabane en bois  au bord de  l’étendue glacée  du  lac Baïkal.   Pour  y affronter  dans la solitude qu’il s’est  imposée,  cette nature  qui l’entoure  et qu’il va devoir  « apprivoiser »   avec  les  conditions climatiques   auxquelles  il va falloir s’adapter  en  même temps  que  de  se  retrouver à devoir  confronter  sa propre  nature   défiée  par  celle-ci   qui peut le   contraindre à devoir baiser sa garde et se  retrouver démuni  face aux  obstacles .  Dans ce grand froid   et cette nature ,  la fragilité  de  l’homme  se retrouve mise  à  nu , et c’est ce  défi qu’il s’est  imposé   avec les risques   qui s’y attachent , que  Safy Nebbou  , dans le  de sillage du récit  de  Sylvain Tesson , restitue  magnifiquement .   En relevant , lui , celui  de l’adaptation cinématographique   dont les obstacles  de  l’écriture   et de l’aventure  humaine qui  s’y attache,    avec   les  contraintes  d’un tournage  sur place et dans des conditions climatiques très  difficiles.  Le défi  du tournage reflétant  celui  de  son héros,  trouve dès lors  l’authenticité nécessaire  dont chaque image du  film se  fait l’écho.  Celle qui nous transporte au coeur de l’aventure  sans  avoir recours aux sirènes  des studios et de leurs effets  visuels, sensés  la restituer . Là , elle est  présente  dans chaque  image et  on  en découvre la  beauté comme  les dangers, en compagnie  de  Teddy . C’est cette  proximité – accompagnée  et  ponctuée par  les accents de  la musique du grand Ibrahim Maalouf –  qui fait le prix  du  film…

Teddy ( Raphaël Pesonnaz) installé dans sa cabane
Teddy ( Raphaël Pesonnaz) installé dans sa cabane

D’autant que la transposition  de  ce récit  littéraire  reflétant le vécu d’un expérience intérieure,  pouvait se  révéler  risqué . Pas  facile de rendre palpable  , sur la  durée  d’un long métrage , une expérience narcissique solitaire  et son ressenti , fut-ce dans   une  nature magnifique.  Comment restituer  le  sens de la durée et du temps , de  la  solitude  et de l’enfermement  et le risque de la déraison  qui menace, sans   lasser  le  spectateur ?.  Même si les  dangers ( grand froid , tempête…)  obligent  à l’action , le risque  était  latent .  Mais Safy Nabbou  et ses collaborateurs , avec  l’assentiment de  Sylvain Tesson  ont trouvé la parade.,  tout en restant  fidèle  au récit de  ce  dernier . D’abord,  en  s’attachant  à l’idée  qu’il fallait  que le  spectateur soit   d’emblée  « embarqué » avec Teddy ,  et d’entrée , sans fioritures sur  ses motivations ( dont  on aura l’explication en voix-off )  on se retrouve   avec lui  et ses premiers pas  en terre  inconnue   avec ses  contacts ( la  scène du repas d’accueil )  et   son guide  qui  le conduit  en camion sur l’étendue glacée  du lac vers  cette  cabane  qu’il va acheter et dans laquelle il  va  s’installer…et en remodeler  l’intérieur à sa manière  (  la  petite étagère de livres, le  coin bureau pour l’écriture … )   en s’adaptant aux  conditions  ( se protéger du froid , se  nourrir, chasser …)   et  vivre    cette expérience solitaire   intérieure recherchée .  La description des  gestes  répétitifs de  la vie quotidienne  à l’intérieur de  la  cabane  et  cette « adaptation »  au temps  et  à la solitude , trouve  son écho dans la  découverte  des  paysages de  l’extérieur  (  la beauté à couper le souffle remarquablement filmée  par  Gilles Porte   )  et   du  mouvement qui s’y inscrit  ( la marche  sur le  lac gelé , l’exploration des environs  et de  la  montagne  )  et  des dangers (  les caprices du temps, et  la présence des animaux  sauvages ) .   A  cette contemplation   (  intérieure et extérieure)  , Safy Nebbou  offre  un  joli contrepoint à la  gravité  qui peut s’y inscrire , en   jouant sur  la « joie » enfantine  de  Teddy    s’adonnant  au  patinage sur la  glace du lac  , ou en  y introduisant la  note d’humour   ( la réaction du  propriétaire de  la cabane qu’il achète ‘)  ,  ou , dans  cette scène où Teddy perce  la glace du lac pour  prendre un  bain glacé …perturbé par   l »arrivée  d’un  Ours !.

Teddy( Raphaël Personnaz ) ett au premeir plan ( Evguéni
Teddy( Raphaël Personnaz ) et au premier plan     ( Evguéni Sidikine )

A l’ampleur de cette  démarche , il  fallait trouver une seconde respiration , qui   à la  fois ,  puisse  rester dans la continuité de  la démarche  du roman et de  Teddy ,  en la prolongeant d’un  »  double »  qui  puisse   » donner le souffle  romanesque »   au projet  solitaire de  Teddy ,  et  offrir    un prolongement   en forme d’écho ,  à sa réclusion  solitaire.  Une ouverture  à cet exil ,  reflétant le rejet d’une  société.  Et c’est le  personnage  du Russe   qui  le sauvera  de la mort    perdu qu’il, était dans le  blizzard et  le  froid , en le ramenant dans  sa  cabane. Ce dernier , Evguéni ( Evguéni Sidikine, immense  comédien Russe )  qui vit caché dans la  forêt Sibérienne depuis des  années (  on vous  laisse découvrir les raisons ) ,  se  révélera  une sorte  de  « double »   de  Teddy   qui  a été  contraint   , lui  , de  vivre dans    » cette nature  hostile pas  faite  pour l’homme »   depuis  douze  longues années .  La  confrontation des deux personnalités  est  passionnante dans ce qu’elle révèle   sur les  deux  deux personnalités  dont les choix   qui les réunissent  sont  radicalement opposés   traduisant  deux rejets  pour des raisons  différentes, mais  qui  se retrouvent   au bout du compte sur  le sur  le   fond   (   lorsqu’Eveguéni , se  confie … ),  dont  la   relation amicale qui se noue entre les deux  hommes , est le reflet .  Evguéni   qui  apprendra  à Teddy  ,  comment survivre  et respecter cette  nature   que  d’aucuns      ( la séquence   où les  nouveaux riches  Russes   viennent  y   chasser  en hélicoptère   et tuer les animaux  dont ils laissent dépérir les carcasses  sur place  … )   pensent  être leur jouet,  et  contribuent à détruire   en tuant   pour le plaisir !.   Le  saccage   d’une  société  qui ne cherche qu’à nuire  au lieu de construire.   Dans la belle rencontre  entre les deux  hommes  ,  et  la   » leçon  »  donnée   par   Evguéni  à  Teddy  ,   dont  le  final ( belle scène )    nous interpelle sur   l’idée  de  fuite et  d’exil  comme  réponse  au  rejet de  la société   aliénatrice  ,  et   apporte , de l’avis de  Sylvain Tesson  »  un éclairage  moins abstrait que celui  qui est dans  le livre  » .   Bel  hommage …

(Etienne Ballérini)

DANS LES FORETS DE SIBERIE  de  Safy Nebbou – 2016-

Avec : Raphaëll Personnaz  et  Evgunéi Sidikine.

Musqiue : Ibrahim Maalouf

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