Après Birdman et le huis- clos d’un comédien en plein doute , le nouveau film du cinéaste adapté du roman de Michaël Punke , nous plonge dans l’Amérique des années 1800, en pleine nature sauvage et au cœur des codes du western revisités, pour nous offrir une majestueuse et virtuose réflexion à la fois baroque et contemplative sur la violence et la vengeance. Du grand art …

Dès la première séquence qui nous immerge dans l’immensité d’une nature inhospitalière où les éléments, froid et tempête de neige , sont au rendez-vous des hommes , indiens et trappeurs, dont la chasse du gibier pour le commerce des peaux est sujet de rivalités et de luttes de territoire. L’affrontement consécutif à ce commerce est l’objet de cette séquence qui nous entraîne avec sa virtuosité époustouflante ( admirable travail de l’opérateur Emmanuel Lubezki ) , au campement des trappeurs près d’une rivière surplombée par des montagnes , au cœur de l’affrontement ( Plans brefs ou plans-séquences ) et au plus près des corps dont les gestes d’un combat d’une violence inouïe ( on pense à celle des films de Sam Peckinpah ), sont le reflet d’une lutte sans merci dont la mort de l’ennemi est la gage de sa propre survie. Au cœur de cette séquence opposant envahisseurs ( trappeurs) et autochtones ( indiens de différentes tribus ) les uns faisant le commerce des peaux , les autres tentant de les récupérer ( ou voler ) …chacun cherchant à gagner par leur commerce de quoi vivre …ou survivre, donne sa vraie dimension à celle -ci , par la sauvagerie du combat qui s’y inscrit. Dont , plus tard, témoignera une scène montrant le corps d’un pendu et l’inscription sur celui-ci « nous sommes tous des sauvages ». Nous ne sommes pas loin de l’enfer, tant la marge est ténue entre la violence qui conduit à la bestialité et celle qui permet encore de déceler un peu d’humanité. De cette bestialité il en sera question après le combat cité ci-dessus, lorsqu’on va suivre dans la forêt le trappeur Hugh Glass ( Léonardo DiCaprio ) attaqué et grièvement blessé par un Grizzly . Ce dernier en piteux état , devenu un poids pour ses compagnons divisés sur sont sort ( l’exécuter pour lui éviter de souffrir , ou laisser auprès de lui quelqu’un pour le veiller jusqu’à son dernier souffle…). La dernière solution choisie , Hugh Glass va se retrouver trahi par l’homme qui doit le veiller , John Fitzgerald ( Tom Hardy) , qui tue son fils et l’abandonne , à moitié enterré vivant !.

Dès lors la destinée du trappeur, qui deviendra légendaire , va s’inscrire dans la thématique qui l’est tout autant du genre, le western qui a décrit tout au long de l’histoire du cinéma les étapes des aventures épiques qui ont marqué , la « naissance » de la nation Américaine . Epopée dans laquelle s’inscrit la dimension du « survival » dont le héros mort-vivant , devient l’emblématique porteur des pulsion de vengeance qui le dominent. Au cœur de celle-ci s’y inscrit , en miroir l’exploration des thèmes dont l’oeuvre du cinéaste est porteuse depuis ses débuts . Une exploration dont la confrontation à la dimension de l’épopée historique et au genre , ouvre des portes nouvelles aux espaces ( interrogation sur la destinée et l’exploitation humaine , soif de justice … violence et choc des civilisations ) déjà investis par le cinéaste et qui trouvent dans la chemin de croix de survie et du désir de vengeance, une dimension héroïque dont la démesure et la complexité des points de vues , offre à la métaphore la symbolique du chemin de la vie et des dangers qu’il faut affronter , et des choix qu’il faut faire …dont le magnifique final se fait l’écho avec ce regard interrogateur lancé au spectateur par Hugh Glass arrivé à la fin de son parcours, et au « duel attendu. Tout à coup, la mise à nu de l’humanité de la bête sauvage resurgit … c’est sublime !. Et dans cette image finale , ce qu’elle inscrit de l’épopée et révèle à la fois de la violence de la barbarie humaine et des errements auxquels elle conduit , qui , revêtus de l’aspect de la légende , des codes et de la dimension épique ( à la Jack London), interpellent à la fois sur cette « bestialité » en question, et un possible (?) retour ( réssurection…) de l’humain.

C’est le questionnement qui hante tout le film par ces mulriples expériences de mort et de résurrection dont est balisé le chemin de croix d’Hugh Glass dont , la séquence de l’église en ruine où il devait retrouver son fils , fait écho et témoigne de la violence destructrice des hommes . Celle sur laquelle l’Amérique s’est construite, une violence génocidaire vis à vis des Indiens . Terres accaparées par les colons, discrimination , racisme , humiliations renvoyant l’indien à sa nature sauvage. Et cohabitation devenue difficile ( Le film de John Ford , Les Cheyennes / 1963 , évoquant les indiens renvoyés dans les réserves ). Violence à laquelle s’est ajoutée celles entre Américains ( qu’évoquait le film de Michaël Cimnino , La Porte du Paradis / 1980 ) et dont- ici- le film se fait aussi l’écho au travers des « divisions » et autres trahisons qui s’inscrivent au cœur du groupe de trappeurs, et ceux liés aux intérêts ( commerce ) qui ont fait que des colons ont exploité d’autres colons . Ce « ver » dans le fruit de la Naissance de la Nation porteur des discordes et violences des siècles futurs . Soif de pouvoir et d’argent , exploitation de l’homme et des ressources… impact sur les inégalités sociales et les richesses mal distribuées. Une complexité dont Alejandro Gonzalez Innarritù se fait l’écho sans aucun parti-pris , ni angélisme idéaliste , dans la confrontation entre indiens et trappeurs -colons . Renvoyant dos à dos, les bons et mauvais côtés des uns et des autres… dont le parcours de vengeance de Hughg Glass , devient le témoin de la « sauvagerie » …

C’est la magnifique idée du film qui inscrit dans le récit les éléments d’un miroir offrant à l’épopée de la survie , l’écho d’une interrogation existentielle ( deuil et /ou , rédemption ) aux accents à la fois épiques et réalistes de la traque vengeresse . Affaire du créateur ( Dieu) ou des créatures humaines ?. . La vengeance du héros , s’habille au fil du récit de ce questionnement , où , sur son chemin et dans son camp il va se retrouver confronté à ce dilemme. Comme , le sera l’indien Pawnee qu’il croisera sur sa route. Les deux destinées tragiques se rejoignant dans une sorte de cheminement parallèle de vengeance dont l’écho va raisonner et interpeller Glass , hanté par l’assassinat du fils métis issu d’une relation avec un indienne ( Grace Dove ), et la mort de celle-ci tuée par l’armée!. Les images qui reviennent comme un cuachemar dans la mémoire de ce dernier tout au long du récit , n’ayant de cesse que de traquer son ennemi mortel: Fitzgerald. Si Glass peut néanmoins compter sur le soutien du Capataine Henry ( Domhall Gleeson , très bien )… il trouvera aussi soutien auprès d’un supposé « ennemi » supposé , un indien Pawnee qui le sauvera à deux reprises de la mort, puis celle d’un chef Indien Alira dont il a jadis sauvé la fille . l’indien Pawnee dont la destinée ( sa femme a été tuée par des « Sioux » ) de vengeance , fait écho à la sienne , mais renvoie à une appréciation tout autre de la notion de Vengeance et de son utilité .. Tous deux vont aider notre héros et lui ouvrir dans l’autre camp, l’image d’une certaine solidarité en même temps que celle d’une « sagesse » philosophique qui renvoie son parcours de vengeance , à une nouvelle dimension et intérrogation …
On vous en laisse découvrir toute la beauté dans ce film dont la qualité de l’écriture et la radicalité de la mise en scène , comme celle de l’analyse et d’un questionnement sur les origines de la « sauvagerie » de nos sociétés , a quelque chose d’unique , portée par l’humanité bouleversante d’un Léonardo Di Caprio , réduit à la bestialité et seul face à son destin…
( Etienne Ballérini )
THE REVENANT d’Alajandro Gonazalez Inarritù ( 2016)
Avec : Leonardo DiCaprio, Hom Hardy , Domhnall Gleeson , Will Poulter, Paul Anderson…
[…] Thriller politique chilien par le réalisateur Mon ami Machuca.OCS City à 20h40 – The Revenant d’Alejandro Gonzalez Iñarritu (2015 – 2h35). Il était un froid dans le Nord-Ouest […]