Après le magnifique Les enfants loups Ame et Yuki ( 2012) , le nouveau film d’animation du cinéaste Japonais nous immerge au cœur de son thème favori , le passage de l’enfance au monde adulte. Du Japon Médiéval au japon moderne , des mondes parallèles au réalisme quotidien , l’initiation d’un jeune orphelin . Une épopée initiatique où comédie , émotion, spectaculaire, bestialité et poésie sont au rendez-vous. A ne pas manquer …

D’entrée le récit nous plonge dans un déluge de feu conduit par une voix-off qui nous dépeint un monde parallèle , celui des hommes-bêtes ( corps humain et visage d’Ours ) , qui après de durs combats d’influences et de pouvoir, s’est construit une forme de « paix » entretenue par un seigneur lapin -sage , qui y veille et va s’assurer que son successeur , en sera le digne continuateur accompagné de son disciple qu’il aura formé. Cut. Nous voilà tout à coup immergés dans le Tokyo hyper-moderne avec ses caméras de surveillance à chaque coin de rue , où l’on rencontre Ren un jeune garçon de 9 ans qui vient de perdre sa mère et qui en l’absence du père va devoir être confié par l’assistance enfantine , a de lointains parents . Refus et colère et le voilà qui fugue et échappe à la police , une rencontre avec une petite souris solitaire qu’il adopte et dans la nuit d’un homme enveloppe dans un manteau à capuche qui l’interpelle et l’aborde avec une certaine arrogance, éconduit par Ren . Ren toujours traqué par la police , erre dans la ville , finit par se perdre dans les ruelles sombres en forme labyrinthique , et se retrouve plongé … dans le monde des bêtes !. Regardé avec défiance par les habitants de cet univers où il est perçu comme un étranger et un intrus , il cherche vainement la porte de sortie , lorsque la silhouette de Kumatetsu l’homme-Ours, lui barre la route. Ren reconnaît , la silhouette qui l’a apostrophé dans la nuit de l’autre côté du miroir humain dans laquelle L’homme-ours s’était aventuré dans sa quête éperdue de ce disciple espéré qui lui permettrait d’atteindre son rêve … les deux destins vont désormais être liés .
Entre le jeune garçon rebelle et l’homme -ours , la rencontre des deux mondes parallèles qui va s’inscrire en forme de substitution en récit initiatique d’une relation père -fils, d’un humain et d’ un non-humain , revêt la double dimension symbolique et emblématique de la confrontation de deux Univers au cœur de laquelle l’acceptation de l’autre , sera le chemin qui conduit aussi à l’acceptation de soi . C’est la magnifique et belle idée du film qui en décline au long de ses séquences , le parcours par le superbe bras de fer entre le formateur et son élève , parsemé de belles notations comiques . Une habileté de récit qui s’inscrit en porte -à- faux du traditionnel schéma du « bien et du mal », trop souvent utilisé et qui privilégie ici , par le biais des deux visions du monde dont Ren et Kumatetsu sont issus , à la fois la confrontation de leurs sensibilités à leur propre mondes dont ils défient chacun les codes , et la nécessité qu’il leur faudra pour en triompher de faire en commun , le chemin du combat qui y mène. Celui de l’épopée et de la légende qui sert du cadre au récit . C’est au cœur de l’éternité de celle-ci que Mamoru Hosoda nous entraîne , comme il l’a fait depuis ses débuts avec la jeune fille de La Traversée du Temps (2007) qui utilise pour résoudre les problèmes quotidiens le don de voyager dans le temps . De la même manière que l’épopée fantastique sert de cadre à la douleur de cette mère humaine devant élever les enfants , Eme et Yuki Les enafnts Loups , de son mari mi-homme mi-loup, disparu . La force des films de Mamoru Hosada est de nous immerger dans l’univers de la culture et de mémoire collective et populaire Japonaise , mais aussi d’y faire sourdre celle de littérature universelle faite de récits et de légendes , comme matière nourricière lui permettant de questionner le présent, et de revisiter les thématiques de son œuvre . Pas étonnant dès lors qu’au cœur des deux univers explorés ici on y retrouve , via la baleine faisant irruption dans le final de son film , la référence au célèbre Moby Dick d’Herman Melville, faisant écho au « trouble » de son héros, devant s’affranchir de ses « ennemis » pour trouver la quiétude dans le sacrifice de la transmission offerte. Apprentissage , enfin accompli .

Le cinéaste peut ainsi y décliner en toute liberté ,et en osmose avec un public qui s’y retrouve , les thèmes personnels et universels cités ci-dessus . L’inventivité des formes de sa mise en scène et de son récit qui habilement investissent la multiplicité des genres , y inscrivant même une certaine dimension surréaliste au cœur du choc qui oppose les deux univers ( le monde humain et celui des bêtes ) faisant écho à la sensibilité de Ren confronté à la réalité de ses démons intérieurs et à celles des démons extérieurs…qu’il doit affronter pour devenir adulte et s’inscrire dans le monde réel et moderne qui l’entoure . A cet égard les « duels » que le film offre, en écho au cheminement de Ren dans son apprentissage de disciple sont emblématiques, à l’image de ces jeux d’approches , de rejets et autres querelles , qui s’y inscrivent . Comme ceux, avec ce jeune garçon cherchant à venger son père battu et humilié par Kumatetsu dans le duel dont le vainqueur est destiné à succéder au lapin-sage. Et prolongés par les moments illustrés par ces superbes séquences ( inscrivant le passage du temps ) où en secret et caché du regard de son maître colérique, Ren , imite la gestuelle de l’initiation aux combats et aux comportements nécessaires pour acquérir le titre de disciple. Des instants au cœur desquels vient se faufiler cet « apprivoisement » nécessaire de l’un et de l’autre. L’habileté de Mamoru Hosada , est d’inscrire tout en subtilités , les non-dits d’une acceptation réciproque qui finit faire fondre les barrières et inscrire la compréhension qui pourra être gagnée , et cette quête du père de substitution . Par ailleurs , en complément , la symbolique loin d’être désuète , faisant référence à la nécessité un regard dénué de tous préjugés sur la « différence » et la « bestialité » de l’autre , trouve son écho , dans la représentation des émotions et des sentiments qui les submerge et non retenus dont ils sont envahis , via les transformations démesurées des corps qui les reflètent , offrant la dimension boursouflée des démons intérieurs qui les rongent. Pour mieux , laisser place, ensuite , à cet apaisement enfin trouvé et l’émotion naturelle d’une réconciliation permettant à Ren, devenu adulte de se faire sa place dans la société , parmi les autres . Mais aussi aux deux univers de baisser la garde et de se rapprocher …

Dans le sillage de son héros , Mamoru Hosoda , nous offre un superbe voyage d’initiation fait de métamorphoses , dont on a aimé savourer la démesure et la poésie empreinte d’un bel humanisme , servi par la veine et la qualité de l’animation Japonaise restant fidèle à la tradition du dessin et à la dimension poétique qui s ‘y attache , y compris dans les effets et références visuelles modernes . Un mariage dont il avait déjà esquissé les contours avec dans son Summer Wars (2009 ) et dont il poursuit, ici , l’exploration en inscrivant aux rapports conflictuels des communautés , cette ouverture nécessaire ( l’acceptation de l’autre ) , qui leur permet d’échapper , aux démons qui les guettent …
(Etienen Ballérini)
LE GARCON ET LA BETE – de Mamoru Hosada – 2015-
Déssin anima Japonais , Scénario Mamoru Hosoda ….