Après Django Unchained, le très attendu Huitième film du cinéaste fou de cinéma et un peu ( beaucoup ) barré , nous entraîne dans le sillage d’un chasseur de primes au cœur d’un récit à rebours ,rempli de surprises et débouchant sur une surenchère de violence. Le tout servi par une maîtrise d’écriture et de mise en scène au cœur de laquelle il distille le plaisir de ce cinéma- bis, dont il continue à offrir au public les surprises et l’étonnement…

De superbes images de montagnes sous le Blizzard et les flocons de neige qui tombent drus . Un gros plan sur un Christ en croix recouvert de neige et un mouvement arrière de caméra qui laisse découvrir insensiblement pendant le générique , un paysage et une route de montagne et sur le fond une diligence qui s’avance pour arriver au premier plan de l’image et en sortir pour s’arrêter dans le plan suivant face à une homme ( Samuel L. Jackson) qui barre la route et demande à y prendre place se disant à bout de fatigue ayant dû abandonner et abattre son cheval blessé . Dans la diligence le bourreau ( Kurt Russel ) qui amène à la ville voisine une femme ( Jennifer Jason Leigh) pour la faire prendre . Les tractations méfiantes qui s’installent puis le passager accepté prend place , un peu plus loin un autre ( Walton Goggins ) qui revendique être le nouveau shérif de la ville , s’y ajoute … chevaux et hommes fatigués s’arrêtent à un relais -Auberge , ou un peu plus tard va arriver une autre groupe . Ah oui ! on oubliait , nous sommes à la fin de la guerre de Sécession dont les séquelles en toile de fond rappelle quelques dégâts collatéraux ( violence , racisme et vengeance ) qui vont irriguer l’intrigue dont les différents chapitres autour duquel le film est construit , vont dévoiler après une présentation des personnages dans le huis – clos de l’auberge au cœur d’un construction en flash-back ) , les tenants et les aboutissants et sous entendus des jeux de rôles et de dialogues qui finissent par tendre l’atmosphère et provoquer le déchaînement de violence qui en résulte. On retrouve la férocité déjà présente dès Réservoir Dogs , le premier Opus du cinéaste qui n’a cessé , depuis , de le décliner sous les différentes formes ( western spaghetti, thriller ou film d’art martiaux …) du cinéma-bis.

Mais ceux qui pourraient croire que la veine de son imagination pouvait s’y tarir connaissent mal l’énergumène habité par la passion du cinéma qui , ici , par exemple l’a conduit à faire exhumer un format ( le panavision ,70 mm) abandonné depuis des décennies , mais dont il sait que les expérimentations et autres découvertes techniques liées au Septième Art ont à un moment donné écrit son histoire et permis de l’enrichir des techniques nouvelles , en le dotant comme ce fut le cas de ce format d’une qualité d’image, deux fois meilleure que celle du 35 mm. Format » idéal pour restituer la beauté des paysages de l’Ouest Américain sous la neige , et aussi pénétrer l’intimité des personnages et des intérieurs , par son format panoramique plus large » dit le Cinéaste . A l’heure du tout numérique et de la disparition de l’image pellicule , Quentin Tarantino en exhumant et en tournant son film dans ce format continue à en explorer les formes , et transforme ce qui pourrait paraître comme nostalgique, en démarche créatrice . Alimentant à sa manière le débat sur une certaine « normalisation » imposée par le « tout numérique » dont la « texture » de l’image via les possibilités de nettoyage des imperfections de celle-ci, la privent d’une certaine authenticité émotionnelle, ( semblable à celle ressentie face au papier photo traditionnel et les photos des supports numériques qui l’ont quasiment remplacé ) , dont de nombreux grands cinéastes et créateurs se font l’écho . A ce constat Quentin Tarantino, comme Laszlo Nemes le réalisateur de Le Fils de Saul tourné sur péllicule , répond en utilisant lui aussi un format (d’image –péllicule) , destiné à offrir une qualité incomparable dont Hollywood voulait doter les films à Grand Spectacle . Et Tarantino installe d’emblée son récit dans cette dimension avec un travail sur l’image ( signée Robert Richardson ) époustouflant à la fois sur la lumière et les multiples nuances, qu’il s’agisse des extérieurs ( paysages magnifiques , tempête de neige ) et à l’intérieur de l’Auberge, où se déroule la grande partie de l’intrigue .

C’est dans cet habillage qu’il inscrit la dramaturgie et la montée de la violence dont les dialogues de la première partie est porteuse par ses jeux de rôles et de pouvoir qui en organisent l’irruption et son déchaînement de fureur auquel il nous a habitués et dont la référence explicite , ici, est La Horde Sauvage de Sam Peckinpah. Les codes du western y sont présents en même temps que ceux des mécanismes de violence générée par une situation précise ( dont on vous laissera découvrir les raisons multiples …) qui la déclenchent. Le groupe de Huit faisant référence dans l’esprit du public aussi , au goupe des 7 Samouraïs ( Akira Kurosawa) ou 7 Mercenaires ( Johs Sturges) , et aux 12 salopards ( Robert Aldrich ) . Mais la première partie toute en dialogues à fleurets- mouchetés et en trompe l’oeil , portée par une mise en scène tranquille qui ménage l’explosion des rancoeurs, en défis qui en disent long sur une violence encore retenue qui va finir par sourdre et exploser . A l’image des échanges qui opposent l’ex-combattant Black ( Samuel L . Jackson) de la cause anti-esclavagiste fidèle d’Abraham Lincoln , au Général Sudiste ( Bruce Dern ) dans la scène où il lui raconte et dévoile comment il a humilié son fils avant de le tuer… une séquence tout aussi étonnante que celle ,qui , dès le début ( coups- bas , en prime) distille les rapports entretenus entre le bourreau et sa prisonnière . Et le tout orchestré magistralementpar la mise en scène , toute en retenue ménageant le suspense du déchaînement de violence de la seconde partie , dont les flashs-backs qui l’annonçent et ce qu’ils dévoilent du rôle joué par chacun , vont permettre de comprendre le flot de sansg qui en découle , et finir par révéler les raisons, les secrets et les ruses de chacun pour parvenir à ses fins …

Manipulations et autres surprises qui éclatent au grand jour , et dès lors , les mots qui ne peuvent plus retenir la violence . Comme un café empoisonné , celle-ci va se déverser en un « opéra mortifère et sanglant » qui ne semble pas avoir de limites . Portée par la mise en scène de Quentin Tarantino qui la distille en un flot d’images emblématiques dont il a voulu immerger son film . Dès lors la vérité et le jeu de chacun dévoilé , comme celui de la fameuse bande des « Domergue » et de l ‘étrange absence de Minnie la patronne de l’Auberg et ses employés , juste avant l’arrivée de nos « salopards ». Et via ce déchaînement de violence , le cinéaste renvoie à la polémique qui s’est déversée à son encontre aux Etats-Unis , dont en réalité le film se fait le reflet – miroir de celle d’aujourd’hui qui via les armes en vente libre ne cesse de faire des ravages et des victimes, y compris par ceux – là même ( les policiers ) , qui ont parfois la gâchette facile … et qui ont fait pression demandant l’interdiction du film pour apologie de la violence !. La cinglante réponse du cinéaste qui leur a répondu , que celle de son film » n’est qu’une mise en scène de celle-ci et ne répand que du sang fictif, qui ne fait pas de vraies victimes ! » , leur renvoyant le méssage des vraies 6000 victimes au compteur dont l’année 2015 écoulée a été ensanglantée . Sa réponse à la violence dont il distille la mise en scène via la forme Grand- Guignolesque , est là , elle y trouve sa force et elle en distille bien mieux la pulsion de rejet par ce miroir au travers duquel il en décortique le spectacle et la fascination, à la manière de ses aînés déjà cités ( Pechinpah , kurosawa ) plus haut . Elle est bien plus efficace que celle qui cache parfois son vrai visage ( ambigü ) dans de nombreux Blockbusters qui ,cyniquement , prétendent la dénoncer …

En ce sens, Les Huit Salopards est non seulement un spectacle qui – au delà du plaisir de cinéma qu’il suscite – est aussi un film dont la subtilité du regard qui se cache sous ses vrais et authentiques références du cinéma- bis et populaire, nous offre aussi celui d’un spectacle qui ne flatte pas forcément, les bas instincts . Quentin Tarabtino poursuit ainsi , via son propre plaisir d’un certain cinéma distillé au public , un parcours passionnant dont il a su renouveler jusqu’ici de film en film les formes de récit , et de mise en scène …et en abîme. Et on aime beaucoup ça …
HUIT SALOPARDS de QuentinTarabtino -2105-
Avec : Samuel L. Jackson , Kurt Russell , Tim Roth , Bruce Derne , Michaël Madsen, Walron Goggins , Channing Tatum …
[…] de Sébastien Launderbach (2016). Un film d’animation magnifique – OCS City, 1o h30 Les huit Salopards de Quentin Tarantino. Arte à 20h55 (suivi à 23h40, toujours sur Arte, du documentaire de Tara […]