Sur les routes en stop , couchant dans des abris de fortune , sous les ponts ou dans les centres d’accueil, le road-movie de Glasgow jusqu’à Londres d’un clochard blessé par la vie. Porté par le grand Comédine Peter Mullan, le premier long métrage tout en petites touches sensibles d’un jeune cinéaste Anglais sur les traces de ken Loach. A découvrir sans hésiter …

Hector ( Peter Mullan formidable en clochard magnifique) dont le film porte le titre , la cinquantaine sonnée dont il porte les stigmates des blessures d’une vie qui l’a fait décrocher de tout il y a une quinzaine d’années , et se joindre à ce peuple des sans domicile fixe qui est devenu le sien dont il partage le quotidien , les joies et les peines. S’il a été blessé par la vie hier et ne veut plus en parler , il porte aussi les stigmates ( les douleurs d’une jambe qui le fait boîter et une santé devenue fragile qui nécessite des soins …) de ces années passées dans la rue, sous les ponts et abris de fortune ensoleillés parfois par la chaleur des centres d’accueil . On le découvre dès les premières scènes du film dans le froid et le brouillard d’une petite ville Ecossaise pas loin de Glasgow se protégeant sous des cartons , avec ses deux amis d’infortune, une jeune fille de Seize ans et une vieux bougon râleur à qui il renvoie petits soins attentifs et quelques blagues dont il sait qu’elles seront accueillies avec la colère attendue de celui qui en a fait son antidote de rage quotidienne à déverser envers un société qui l’a laissé au bord de la route. Hector et ses deux amis sont devenus inséparables depuis un bout de temps et partagent ce quotidien sombre qui n’a pas de perspectives à leur offrir. Hector, qui, à l’approche des fêtes de Nöel doit honorer une visite de contrôle à l’hôpital de Glasgow , voudrait en profiter pour y rencontrer son frère et sa sœur a qui il n’ a plus donné de nouvelles depuis le drame qui l’a fait décrocher de tout…et puis partir pour ce foyer londonien où il se rend depuis des années auprès de ses amis pour fêter Noël autour d’un bon repas …

La belle idée du film du jeune cinéaste Anglais dont c’est le premier film , est de conduire son récit en procédant par petites touches et notations empreintes de respect sur ce passé d’Hector qui bouleversé sa vie et qui l’a fait basculer « hors la vie » comme il dit, gérant désormais son quotidien avec une dignité que les séquences qui le montrent y faire face ,en sont poignantes. D’ailleurs on vous laissera la surprise de la découverte des raisons de son mal- être , car on ne veut surtout pas gâcher la manière dont le cinéaste va vous le faire découvrir en quelques mots-confidences arrachés qui en disent long, et par ces petites touches au cœur des séquences qui en traduisent la douleur et le choix qui l’a porté à se « retirer de la vie » qui normale qui lui est devenue insupportable , pour se fondre dans la masse de ceux qui -comme lui- sont en détresse dans la marge , et souffrent en silence de leurs maux . Le portrait que complètent les magnifiques personnages qui se retrouvent sur le parcours d’Hector devient saisissant. Et il faut le dire Peter Mullan qui se fait leur porte-voix , lui qui a connu une jeunesse difficile ( père violent , délinquance…) et les deux aspects de celle-ci ( il a été sans abri , puis a travaillé dans un centre d’aide ) – en restitue toute la dimension et l’humanité d’une manière bouleversante au contact de ceux avec qui , ici , il partage le quotidien . Et le mérite de Jake Gavin , c’est tout au long de son film et de son récit d’en restituer, lui , avec sa mise en scène sans fards ni sans complaisance , et surtout, sans verser dans la pathos ( ou les clichés : le clochard alcoolique ) , toute la belle humanité qui s’en y vit et respire …

Dès lors , il se dégagede ce Road movie d’Héctor et ses personnages qui l’habitent une belle humanité et une justesse , celle qui a fait le prix du ce cinéma Britanique (auquel que Ken Loach et Mike leigh ont donné ses lettres de noblesse) qui ont su si bien traduire le réalisme Social , dont il se fait le continuateur. Pas une fausse note, en effet, ne vient réduire le portrait sans concessions de cette détresse sociale et humaine à laquelle certains renvoient leur violence aveugle à l’image de ces voyous imbéciles qui ne trouvent rien de mieux que de vouloir voler la petite valise d’Hector contenant ses habits de rechange et souvenirs . Ou encore de ce conducteur dont le seul plaisir de sa vie misérable, semble être celui de rouler dans les flaques d’eau sur le bord de la route pour asperger les clochards sur le trottoir !. Pas la peine d’insister sur ces gestes d’inhumanité qui en disent long sur certains comportements auxquels le cinéaste préfère renvoyer le miroir des comportements plus responsables et plus dignes. Dans ce registre le récit s’enrichit de personnages touchants dans ce qu’ils dégagent de dignité intérieure dont ils renvoient la beauté par leurs comportements quotidiens d’entr’aide qui leur permettent de se sentir plus forts pour surmonter leurs propres douleurs intimes C’est cet échange faits de non-dits et de petites phrases ou gestes ( un sourire , une larme que l’on sèche sur un visage ,une épaule sur laquelle on peut se pencher … ) qui en disent long , et qui font le prix du film et la beauté des personnages qui l’habitent . Et, au bout du compte l’illuminent de leur présence si digne et discrète, afin d’éloigner l’immense douleur qui parfois les submerge.

Celle dont Hector ne veut pas révéler la nature du mal qui le ronge et dont il rechauffe son coeur au contact de ses semblables capables de le comprendre sans qu’il ait besoin de se justifier . C’est , en effet , dans le partage quotidien que se construit une autre façon de vivre ensemble et de s’entr’aider, dont Jake Gavin restitue admirablement les petits riens qui en constituent , la bouée de survie. C’est en effet la présence de ses amis qui acceptent les coups de gueule du bougon et celle de son chien fidèle qui lui rechauffent le corps et le coeur, qui lui permettra de tenir un petit bout de chemin en plus. C’est le geste généreux de ce chauffeur-livreur qui leur offre les combinaisons Orange fluo pour leur permettre de se préserver de la froidure de l’hiver et se protéger du froid et de la pluie. C’est cet autre conducteur qui a vu le geste misérable du chauffard et qui prendra Hector en Stop dans sa belle voiture pour le conduire à Londres comme un Monsieur !. C’est le geste de cette jeune femme d’un Fast Food qui offrira à Hector la double portion de nourriture bienvenue et un délicieux thé chaud !. C’est cette infirmière bienvieillante qui le prendra en charge et lui donnera quelques conseils binevenus pour atténuer ses maux de jambe et de coeur . C’est encore la chaleur du cercle d’amis retrouvés au centre d’accueil Londonien où Hector découvrira la détresse de quelques nouveaux venus, à l’image de ce jeune garçon silencieux sur ses tourments et dont on ne saura rien sur les raisons qui l’ont amené là , mais qui va trouver dans la chaleur ambiante , les raisons de reprendre la route avec un peu plus d’espoir en bandoulière. De même que ce vétéran de conflit bléssé ( une main amputée… ) qui va finir par trouver la quiétude et le soutien si longtemps attendu…ce sont aussi les magnifiques échanges à demi-mots et en sous -enetendus avec cette jeune femme travaillant dans le service d’accueil depuis des années , et avec laquelle finalement les confidences finissent par s’installer , libérant l’un et l’autre du poids qui les oppresse . Des séquences remplies d’une humanité magnifique…
On retiendra , aussi , celle de ce premier film d’un nouveau venu ( il a travaillé auparavant comme scénariste et directeur de la photographie ) derrière la caméra , dans le Cinéma Britanique, dont le film est un cri d’amour d’autant plus fort pour les sans-abri qu’il n’est parasité par aucune compassion misérabiliste .Un regard juste et sincère . Celui d’un Cinéaste et d’un Comédien en osmose qui ont voulu raconter ceux qui n’ont pas la parole et qui le font avec une immense tendresse empreinte de cet humour salutaire et nécéssaire, porté par cet optimisme viscéral ( il ne se plaint jamais ) dont Hector est habité , qui lui permet de faire rempart à la cruauté qui l’entoure. Et si vous alliez à sa rencontre…
(Etienne Ballérini)
HECTOR de Jake Gavin- 2015- Avec : Peter Mullan , Keith Allen,Natalie Gavin , Sharon Rooney, Ewan Stewart …