Au cœur d’une vallée Isolée, deux frère fâchés depuis quatre décennies vont devoir baisser les armes pour sauver leur troupeau de Béliers menacé par la maladie . Sur fond de mondialisation et de questionnement sur l’industrie intensive, une belle comédie sociale empruntant la noirceur de la fable. Le film du Cinéaste Islandais a été la révélation et a obtenu le Prix de La Section Un Certain regard au Festival de Cannes 2015 . A Voir …

Au cœur des paysages paisibles et magnifiques, où le quotidien des habitants de la vallée entourée de montagnes s’égrène avec son lot quotidien de travail qui accapare les journées avec cet élevage d’une race de moutons unique qui a fait la réputation de la région à laquelle l’économie et la vie des habitants, sont étroitement liées. La communauté villageoise avec ses habitudes et ses réunions collectives où l’on décide démocratiquement des investissements à réaliser , ou encore celle des traditions à l’image de la fête annuelle qui constitue un des temps forts, avec l’élection du plus beau « bélier » consacrant aussi le travail effectué par son maître tout au long de l’année avec son cheptel . Il faut dire que l’élevage des moutons dont cette région à une sorte d’exclusivité ancestrale est celui d’une espèce rare , celle de la lignée des Bolstad , des bêtes de compétition qui ont fait sa réputation.
Au cœur de cette région rude (à l’image de son climat hivernal) , où il faut faire avec les aléas du temps et le rythme des saisons qui dictent la vie quotidienne et le travail, les hommes et les femmes attelés à la tâche vont être confrontés à un défi qui risque de remettre en question leur mode de vie et leur avenir. Accéléré par la mondialisation et l’industrie intensive qui se développe et aggravé par la crise économique de la fin de la décennie 2000, le défi à relever qui est celui de conserver l’espèce, va devenir un enjeu vital pour la communauté toute entière …

En effet , au cœur de celle-ci qui semble assez soudée et qui prend conscience de l’enjeu économique, vient se glisser un événement inattendu qui va la contraindre à lutter pour sa survie : l’arrivée d’une épidémie, celle de la Tremblante , qui met directement en danger leur cheptel menacé d’extinction , et dont les autorités sanitaires ont décidé – pour éradiquer la maladie- de faire procéder à l’abattage des animaux malades et du cheptel de chaque ferme qui est touchée. Au cœur du défi que la communauté va devoir relever et les réflexes humains de défense qui vont se manifester envers des décisions administratives dont les raisons sanitaires se heurtent à celles des éleveurs qui du jour au lendemain risquent de voir leur travail réduit à néant et leurs lendemains en questions. Dès lors, la sauvegarde de l’espèce animale qui est leur pain quotidien trouve son prolongement dans le même réflexe de survie . Espèce animale et humaine , même combat !?. Les auteurs qui , on l’a dit, ont choisi la tonalité de la comédie et de la fable sociale , vont distiller habilement au cœur de leur récit , la double dimension d’une tension communautaire qui va devoir faire face au défi de la tragédie sociale qui se profile et aux réflexes de survie qui vont influer sur les relations humaines. C’est la belle idée du choix de récit qui est faite de traduire la nécessaire réaction collective face à la tragédie par celle , emblématique , des deux frères fâchés depuis quatre décennies contraints de baisser les armes, faire taire rivalités et rancunes et s’allier pour tenter de sauver les animaux de la mort programmée, et préserver la race …

Gummi ( Sigurdur Sigurjonsson ) à qui la propriété familiale a été léguée et son frère Kiddi ( Theodor Juliusson ) aux caractères aussi différents que les divergences et conflits qui les opposent, distillent chacun une certaine facette représentative des contrastes qui se retrouvent dans une communauté où les rivalités et la concurrence qui pourraient radicaliser les rapports ont été ,jusque là, maintenus à distance par la nécessité des traditions et du vivre ensemble qui prédomine . Dès lors, ce qui maintient la solidarité de la communauté , et que les deux frères ont relégué au second plan par un relationnel constant de provocations dans lequel la diplomatie est absente risque-t-il , à leur image , de diviser la communauté ?. Le cinéaste y inscrivant en parallèle de l’enjeu majeur , les bisbilles comiques dont les deux frères se renvoient les futiles fâcheries par des messages ( ceux portés par le chien ) des menaces ( la provocation fusil à la main devant la maison du frère ) où la surveillance à la jumelle des faits et gestes de l’autre . Leur défi rancunier que se prolonge par exemple à l’occasion du concours annuel cité , comme les coups bas et les réflexes mesquins ( les béliers cachés pour éviter l’abattage ) qui le polluent encore un peu plus … et qui peut aire basculer dans le même type de réactions la communauté au cœur de laquelle les intérêts des uns et des autres divergent aussi. La menace est là… que le cinéaste inscrit au cœur d’un relationnel quotidien où la comédie et le réalisme des situations sont distillés avec une belle ustesse et maîtrise de récit …

Habilement le cinéaste installe , par petites touches , au coeur du conflit ( et ses derives absurdes ) des deux frères , comme au coeur de celui qui menace de diviser la communauté où les tensions deviennent palpables , rendant difficile la prise de conscience d’une « union sacrée » nécéssaire, pour tenter de sauver ce qui peut ( encore ) l’être . Le constat fait, face à l’inévitable dans une nature sauvage et implacable dans laquelle les deux frères enfin réunis , vont tenter de sauver le reste du troupeau qui peut l’être , non atteint par la maladie . Au delà du réflexe fraternel et communautaire , l’auteur à la belle idée de laisser à la nature offrant la possibilité d’une fuite et de son manteau neigeux hivernal protecteur , l’opportunité d’ouvrir un possible espoir . La séquence finale , sublime, offre au récit sa belle dimension . Celle qui, à la fatalité ( de l’épidémie et de ses conséquences ) renvoie l’espoir d’une nature -refuge , au coeur de laquelle s’inscrit l’espoir et de la survie … Le troupeau livré à la tempête , les deux frères ennemis réfugiés sous la neige et la glace , leur sort et celui de la communautère désormais lié , à cette mère nature , comme ultime espoir.
Quand la comédie et le drame se réunissent , c’est souvent pour nous offrir de belles partitions . Et celle des auteurs de Béliers en est une , que l’on vous invite à aller retrouver sur vous écrans de cinéma …
(Etienne Ballérini)
BELIERS de Grimur Hakonarson -2015-
Avec : Sigurdur Sijurjonsson , Theodor Jùliusson, Charlotte Boving , Gunnar Jonsson ….
[…] Béliers, très bonne surprise de 2015 (déjà!), l’histoire de deux frères célibataires, âgés, […]