Après son Voyage en Arménie, Robert Guédiguian revient avec son nouveau film , sur les traces de ses origines à l’occasion du centenaire du génocide Arménien par les Turcs, pour en raconter les conséquences . Il offre, à la chronique familiale la dimension de la tragédie , dont les traumatismes se répercutent au long d’un siècle. Réflexion embrassant la dimension humaine et les thématique des choix de luttes , générées par les injustices et les violences subies. Une grande, et sensible fresque sur la mémoire, et aussi sur, comment faire le deuil …

Le génocide Arménien reconnu en Avril 2015 par 24 Pays, est à ce jour toujours nié par les autorités Turques. Celui- ci perpétré entre Avril 1915 et Juillet 1916 , fit plus d’un million et demi de victimes . Planifié et préparé par le parti « jeunes Turcs » , comité Union et progrès , au pouvoir à l’époque et ses dirigeants officiers , parmi lesquels Talaat Pacha grand maître de la Franc -Maçonnerie Turque qui sera exécuté en 1921 d’une balle dans la tête par le jeune Arménien, Soghomon Thélirian ( Sagamore Stevenin ) dont la famille fut entièrement exterminée. Le procès du jeune Arménien accusé de meurtre sera capital puisqu’il permettra , par son acquittement par un jury populaire, la reconnaissance du génocide qui aura un retentissement international et fera de lui un héros . Sa photo trône des années plus tard à Marseille dans les années 1980, dans la chambre du jeune Aram ( Syrus Shahidi ) fils d’une famille d’épiciers d’origine Arménienne . Une famille dans laquelle est resté vivace le souvenir de la Tragédie génocidaire dont la grand-mère ne cesse de porter le souvenir et n’a qu’une idée fixe en tête :être enterrée sur les terres qui ont été volées à son peuple . Tandis que la génération des parents d’Aram tout en gardant ses traditions a choisi de s’intégrer , mais les « discussions » politiques restent vivaces en famille, attisées par les événement de l’époque qui vit une résurgence des mouvements de luttes de Libération dont celui de l’Armée secrète de Libération de l’Arménie, implanté à Beyrouth qui a décidé de mener une lutte armée « pour que le génocide Arménien soit reconnu dans le mode entier » , en visant par des attentats les symboles de la Turquie . Aram contre l’avis de son père ( Simon Abkarian) , mais avec l’assentiment de sa mère (Ariane Ascaride ) , rallie des jeunes activistes et sera choisi pour pour faire sauter à Paris la Voiture de l’ambassadeur de Turquie… un jeune cycliste, Gilles Téssier ( Grégoire Leprince-Ringuet) qui se retrouve dans la rue à ce moment là , sera la victime collatérale…

Dans un très efficace prologue de présentation Robert Gédiguian introduit le spectateur aux enjeux dans lesquels , son récit va trouver sa prolongation dans une réflexion politique qui va les englober au cœur d’une dimension humaine familiale qui va faire miroir à , celle plus large, qui se répercute sur la communauté toute entière. Y introduisant la réflexion sur les enjeux d’une lutte nécessaire et sur les moyens pour y parvenir. Son film inspiré du roman « la bombe » de José Gurriaran qui est resté paralysé des deux jambes suite à l’explosion d’une bombe posée à Madrid par l’armée secrète de Libération de l’Arménie (ASALA ), et qui a voulu ensuite connaître l’histoire de ce pays et rencontrer les responsables de l’attentat . On retrouve son double et les interrogations qu’il soulève dans le personnage du jeune Parisien Gilles Tessier , victime collatérale de l’attentat , comme le souligne Robert Guédiguian dans le dossier de presse du film qui a voulu habiller « la chronique d’une dimension universelle de l’ordre de la tragédie . J’ai eu l’idée d’une mère qui pousse son fils à la lutte armée . Une mère très Arménienne, mais qui , devant l’attentat commis par son fils et l’injustice commise vis à vis d’un innocent , va tout faire pour aider ce garçon et sauver son fils. Jusqu’à penser que celui-ci , doit toucher du doigt les conséquences de son acte et donc rencontrer sa victime… » , explique -t-il . Voilà le dilemme essentiel dont la mère se fait porteuse d’une réflexion profonde qui englobe les thématiques sur la violence et l’injustice , sur la vengeance et le pardon , générant plus généralement une réflexion profonde qui trouve son prolongement sur les méthodes employées , dans les séquences qui se déroulent dans le camp des combattants où les dissidences se font jour sur les méthodes ( attentats aveugles avec leurs dommages collatéraux ) qui interpellent sur les choix d’une violence impopulaire , qui peut se retourner contre l’objectif voulu : la reconnaissance du génocide !.

Dans cette approche la mise en scène de Robert Guédiguian servie par une didactisme ( que certains lui ont parfois reproché ) trouve ici son efficacité par la clarté voulue sur un contexte dont il offre au spectateur à la fois l’approche des enjeux politiques , mais aussi humaine qui s’y attache. A cet égard le prsonnage d’Ariane Ascaride est passionnant dans le dilemme qu’il soulève sur la nécessité du pardon , de la même manière que l’est celui du cinéaste condamnant les méthodes violentes, mais n’éludant pas la question de la violence nécessaire , celle justement au cœur d’un enjeu plus large, pointant l’échec des autres moyens ( diplomatiques , politiques …) qui permettraient de la résoudre . A cet égard sur ce point son film atteint une dimension , à laquelle il se hisse , dans l’approche politique et humaine qui fait penser à celle des grands films de Ken Loach ( Land and Freedom , Le Vent se lève ) sur le sujet de la violence au cœur des luttes révolutionnaires. Au cœur de son cinéma , en effet, comme son homologue Britannique , Robert Guédiguian internationaliste dans l’âme, en gardant à la fois son engagement ( il dédie son film « à mes camarades Turcs en l’honneur de nos combats communs » ) , il y ajoute celui de la mémoire identitaire comme « une responsabilité » assumée mais qui ne l’empêche pas d’interpeller . Et c’est de belle manière qu’il le fait en nous plongeant au cœur de contradictions qui traversent cette famille dont la tragédie se perpétue comme une malédiction , mais qui y répond et l’affronte avec une bouleversante humanité .

Cette humanité qui illumine son film et qui nous vaut des séquences magnifiques où l’émotion fait mouche par la simplicité et l’évidence avec laquelle elle traverse les scènes qui pourraient verser dans le pathos ou la démonstration appuyée. A cet égard la scène de la rencontre entre Aram et Gilles Tessier est très forte dans les non-dits et dans son dispositif psychologique qui s’y attache . De la même manière que la confrontation de Gilles Tessier avec la famille à Marseille où au cœur du malaise finissent par s’installer les évidences des quêtes de chacun. Le lyrisme qui empreint cette « histoire de fou » , titre du film dont le cinéaste reprend l’expression populaire qui lui semble la plus juste sachant que « les génocides relèvent de la folie , des folies absolues avec des folles conséquences » , et trouve sa réponse dans un final ( qu’on vous laisse découvrir) , d’une dignité , déchirante …
Robert Guédiguian, signe un film très fort . Un de ses plus beaux.
UNE HISTOIRE DE FOU de Robert Guédiguian -2015-
Avec : Ariane Ascaride , Simon Abkarian, Grégoire Leprince-Ringuet, Syrus Shahidi , Robinson Stevenin…
[…] 3 Normandie, 18 juin 2020).Robert Guediguian (Réalisateur. Au fil d’Ariane, Une histoire de fou, La Villa). Gloria Mundi est sorti en dvd.Le titre est tiré d’une locution latine « Ainsi […]