Présenté en Compétition en Mai denrier au Festival de Cannes , le film du cinéaste Grec y avait obtenu le Prix du Jury et avait été remarqué par l’originalité de son scénario et sa continuité entretenue avec une œuvre singulière au cœur de laquelle l’animalité humaine est au centre de sa réflexion sur notre société. Une fiction passionnante qui mérite le détour …

Après Canine (2009) présenté à la section Cannoise d’ Un Certain Regard et Alps (2012 ) à la Mostra de Venise , le cinéaste grec qui avait déjà fait preuve d’originalité de regard dans ses premiers films où l’obsession d’une société qui dérive dans le désordre kafkaïen, et où la violence et l’animalité humaine étaient au cœur d’une réflexion et d’un récit qui ne cesse d’explorer les arcanes d’un mécanisme et d’un rouage de régression qui , même si on réussi à y échapper , finit par se perpétuer dans une sorte de spirale sans fin. The Lobster, se situe donc dans une sorte de futur proche dont la modernité des lieux laisse supposer qu’il pourrait être plus proche qu’on ne pense, il y est question d’un société où tout est organisé et ordonnancé dans un cadre et des lois précises à respecter qui conduisent les individus à franchir des paliers et à choisir leur destinée … et où les châtiments dont ils son prévenus sont fixés comme une peine à accomplir , s’ils détournent la loi . Celle d’un système dirigiste et totalitaire auquel il est impossible de se soustraire. A moins de devenir un résistant dont la vie est constamment menacée par les parties de chasse organisées pour les traquer dans la forêt où ils se cachent…Dans ce futur proche , il est question donc d’ordonnancer la société en couples qui se choisissent afin qu’il y ait l’harmonie nécéssaire bon fonctionnement de celle-ci.

Désormais donc, tous les célibataires y sont arrêtés et transférés dans un hôtel luxueux où ils sont totalement pris en charge et disposeront de 45 jours pour y trouver l’âme sœur parmi les créatures féminines qui leur sont proposées. Le délai passé , le célibataire qui n’aura pas trouvé chaussure à son pied sera transformé…en animal de son choix. L’homme, David ( Colin Farrell ) que nous allons, entr’autres , suivre dans le parcours à choisi, si cela lui arrivait d’être changé en Lobster ( Homard) !. Yorgos Lanthimos se délecte et construit autour de ce parcours un récit kafkaïen saupoudré de gags et de situations absurdes qui alternent le comique débridé et le tragique par la violence qui parfois s’inscrit au cœur des châtiments choisis par les maîtres de cérémonie et les personnels chargés de veiller à l’ordre des choses. Les séquences rivalisent à cet effet d’exemples qui illustrent cette situation à la fois tragique dont la dimension surréaliste amplifie parfois celle de la satire dont le récit s’est emparé pour traduire la dimension kafkaïenne évoquée . D’ailleurs cet univers renvoie au spectateur, le miroir de la Secte à laquelle il est impossible d’échapper , comme le laissent percevoir ces « chasses aux solitaires » , ces résistants qui se cachent dans les bois et qui ont réussi à s’échapper de cet univers concentrationnaire dont ils étaient prisonniers . C’est dans ce monde là, où David qui a réussi à s’enfuir pour rejoindre les résistants , va voir s’évanouir ses espoirs … et , dès lors , la fable satirique et emblématique déploie son mécanisme pour faire sourdre cette animalité destructrice de laquelle, l’homme ne semble pas réussir à se défaire.

La Noirceur qui dès lors l’emporte , ne fait ni ombrage à la qualité du scénario , ni à celle du divertisssement dont le cinéaste s’évertue à inscrire la dimension satirique au coeur des belles séquences inspirées , qui offrent par la qualité de la mise en scène et le vertige de ses cadrages remplis( habités ) par une virtuoisté formelle ( les scènes de la chasse opposant les solitaires et les membres de l’hôtel ) des plans- séquences ou les mouvements ( la scène de danse ) laissent place à l’immobilité ( la scène du baiser entre Colin Farell et rachel Weisz ) . Mouvements des personnages et des choix ou situations dont ils sont les prisonniers , trouvent leur écho dans les oppositions qui à l’intérieur de l’hôtel définissent les clans des partisans de l’amour sentimental et ceux de l’amour défini ( encadré ) par les critères . On y déambule au milieu d’individus obsédés par leur sort, faisant le décompte des jours et des heures , attendant le moment où il leur faudra faire le choix , ou celui , des cérémonies qui concrétisent les choix faits par certains et où on leur décrit l’utilité d’être en couple…avec tout ce que ça comporte comme avantages ( on ne peut pas mourir étouffé!) . Mais au coeur de ce « dicktat » de l’amour et du bonheur modelé par les critères , celui du vrai amour et des sentiments qui s’y attachent , est-il vraiment possible ?.

C’est dans ce contexte que L’auteur inscrit la rencontre par un beau double-jeu , du faux couple destiné à ne pas éveiller les soupçons , entre David ( Colin Farell) et la femme myope (Rachel Weiz ), et qu’il va s’y installer un « jeu de rôles » au cœur duquel va s’inscrire la naissance d’une véritable amour dont on vous laissera découvrir les raisons qui l’animent. Le suspense faisant partie aussi de cette aventure amoureuse qui s’inscrit dans un cadre qui n’est pas fait pour l’accepter … et qui va trouver sa conclusion dans un final , doublement cruel et surprenant qu’on vous laissera découvrir afin de ne pas vous priver du plaisir .
Car le film par tous les aspects de l’animalité humaine qu’il explore, et les diverses tonalités qu’il emploie , distille un vrai plaisir à sa vision .
(Etienne Ballérini )
THE LOBSTER de Yorgos Lantimos -2015-
Avec Colin Farrell, Rachel Weisz, John C. Reilly , Ben Whishaw , Jessica Barden , Léa Seydoux .
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