Quelques heures avant la Remise des prix, Patrick Bernabé, vice-président et directeur de programmation, a fait un premier point sur l’édition 2015 de Cinespaña.
Le Festival touche à sa fin. Comment cette 20e édition a-t’elle été perçue par le public ?.
-« Même sans avoir encore les chiffres, on a constaté, dés les premiers jours du Festival, une augmentation de la fréquentation. Elle était de 17.000 spectateurs en 2014 (20.000 en ajoutant les personnes assistant aux concerts, visitant les expositions ou participant aux différentes animations). Il y a une part d’autosatisfaction, mais d’après différents retours, je pense que tout le monde était assez satisfait de la programmation. En dehors de la sélection officielle et de la compétition on l’avait axée sur deux thèmes. D’une part, un clin d’œil au passé, à la première édition qui proposait alors un cycle sur la guerre d’Espagne, avec la section 40 ans de dictature/40 ans de démocratie, et, en parallèle, un lien avec le présent par la Carte blanche à Margenes. A travers cette plate-forme, on a souhaité montrer le travail de réalisateurs, jeunes pour la plupart, qui s’effectue en dehors des canons habituels. C’est un cinéma indépendant qui n’a rien de commercial. Aujourd’hui, avec l’évolution technologique, on peut faire un film avec pas grand chose… si on a du talent. L’idée était de montrer ce que pouvait être un autre cinéma et qui est quelque part le cinéma de demain. »
Au niveau du budget, compte tenu du 20e anniversaire, avez-vous bénéficié de moyens financiers supplémentaires ?
-« Cette année, l’enveloppe est restée la même. La Mairie de Toulouse avait prévu une baisse de 10 % des subventions accordées aux associations et festivals, mais elle nous a accordé une aide exceptionnelle qui compense cette diminution. L’apport des autres partenaires institutionnels est resté le même. Bien sûr, on continue de démarcher d’autres partenaires, privés. Cette année, nous avons la banque Iberbanco qui appartient au groupe CIC, avec notamment une dotation pour le Prix du Meilleur nouveau réalisateur. Côté espagnol, les aides sont restées stables, sans augmentation. Cependant, leur part demeure minime. L’avenir est plus inquiétant. Pour l’année prochaine, la subvention de la Mairie diminuera encore. Ce qui qui se traduira par un manque de 30.000€. De coup, nous allons être amenés à repenser le festival ».

( Photo : Jean- Jacques Ader )
Comment se porte le cinéma espagnol depuis l’année dernière ?
-« Par rapport aux deux années précédentes, la qualité s’est nettement améliorée. Le cinéma espagnol va mieux. Il faut rester prudent, mais c’est perceptible. A titre d’exemple, pour l’ouverture on a choisi Murieron por encima de sus posibilidades, d’Isaki Lacuesta, qui regroupait tous les acteurs espagnols les plus en vue actuellement. Or, aucun n’a pu venir pour accompagner le film car ils travaillaient tous. C’est la première fois que cela nous arrive. Cela signifie qu’il se passe quelques chose, que c’est en train de bouger. Il faut aussi l’associer au fait que désormais de jeunes réalisateurs peuvent faire des films avec « trois francs six sous ». Tout n’est pas du même niveau, mais il y a quand même des choses de qualité. »
Plusieurs films de la sélection officielle ont été tournés dans une langue régionale, comme A Esmorga (galicien) ou Loreak (basque). Est-ce un phénomène nouveau ?
-« La tendance de voir des films en catalan, basque ou galicien existe depuis quelques années déjà. Pour la Galice, c’est assez frappant. Il y a une dizaine d’années, le cinéma galicien n’existait pratiquement pas, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. C’est lié au fait que les autonomistes investissent de plus en plus d’argent dans la production de films, à la condition, bien entendu, que l’on parle leur langue. Même si on ne parle pas beaucoup de leur autonomie, les Galiciens ont néanmoins une identité très forte ».
En 2014, trois films de la compétition avaient trouvé un distributeur en France. Qu’en est-il cette année ?
-« A 10.000 km, Amours Cannibales et La Belle Jeunesse, il faut ajouter Artico, de Gabriel Velasquez, qui a obtenu la Violette d’Or. Comme d’habitude, Cinespaña ne présente que des films inédits en France. S’il n’y a pas eu pour le moment de contacts avec des distributeurs français, le cinéma espagnol se vend bien, même si des films marchent plus ou moins bien. Il faut avoir à l’esprit qu’il y a beaucoup de films qui sortent. Dans mon parcours professionnel, j’ai été libraire. Je fais un parallèle avec ce que j’ai connu il y a une vingtaine d’années. Tous les 15 jours il fallait changer, mettre des nouveautés. Il fallait que ça tourne. Au niveau de l’exploitation cinématographique, aujourd’hui, c’est pareil, quitte à retirer de l’affiche un film qui marche bien ».
Entretien réalisé le 10 octobre 2015 à la Cinémathèque de Toulouse.
(Rédacteur Philippe Descottes – Crédit Photo : Jean-Jacques Ader )