Cinéma / LES DEUX AMIS de Louis Garrel.

Inspiré librement d’Alfred De Musset et ses Caprices de Marianne, le premier long métrage du comédien Louis Garrel explore les thèmes de l’amitié et du trio Amoureux avec une une légèreté , une énergie et une liberté de ton , empreintes en même temps d’une gravité et d’une intensité rare dans l’approche des sentiments et de tourments amoureux. Un film à fleur de peau ,  servi par des dialogues magnifiquement ciselés et une mise en scène , qui, dans tous ses plans fait sourdre la liberté d’un certain cinéma enchanté par les nouvelles vagues d’hier.

l'Affiche du Film.
l’Affiche du Film.

Dès ce premier plan d’ouverture à la Gare du nord où Clément ( Vincent Macaigne ) fait le clown pour attirer l’attention de la belle Mona ( Golshifteh Farahani ), serveuse dans la sadwicherie   à l’intérieur de la gare , qui le renvoie agacée par le manège répété de ce dernier qui ne cesse de la poursuivre de ses assiduités et qu’elle repousse arguant d’obligations et d’une liberté dont elle ne peut pas disposer … ainsi que  d’une forme d’attachement dont elle ne veut pas, pour l’heure, s’encombrer. Devant l’impossibilité de la faire céder à sa complainte amoureuse, Clément se tourne vers son ami de toujours Abel ( Louis Garrel ) le « tombeur » qui doit bien avoir une idée derrière la tête pour l’aider à conquérir le cœur de la belle Mona et trouver le paravent à ses esquives. S’inscrivant du côté des Caprices de Marianne  de Musset , le « duo  »  où s’installe le séducteur qui succombera au charme de celle dont son ami est le soupirant … Louis Garrel y explore , aussi , en toute logique les éléments de la complexité de la situation dans laquelle les sentiments viennent y jouer les trouble -fête de  l’amour  et  de  l’amitié pour y inscrire la duplicité et la jalousie , mais aussi la complexité  de leur ressenti … lorsqu’ils sont dominés par un élément encore plus perturbateur que l’amour : la passion qui les domine.

Lous garrel ( Abel) et Vincent Macaigne ( Clément ) , sur le quai de la gare du Nord en l'attente de Moan
Lous garrel ( Abel) et Vincent Macaigne ( Clément ) , sur le quai de la gare du Nord en l’attente de Moan

Le cadre ainsi défini , louis Garrel qui l’installe dans les décors modernes des jours et des nuits ( superbement filmés par Claire Mathon , à la photographie ) de la Capitale qui les accueille  et leur  offre le contexte d’un Road – movie Urbain , au cœur duquel les événements de l’intrigue romantique (romanesque )  vont s’y développer avec leurs  surprises qui vont enrichir , à la fois, la dimension humaine qui les traverse en même temps que celle , tout aussi emblématique , d’une exploration Cinématographique « habitée » de références ,  et qui  y inscrit  sa propre vision. C’est la belle idée de  récit et de mise  en scène  ( risquée…) du comédien et cinéaste débutant qui avait déjà dans ses courts métrages   ( Mes Copains / 2008 ) , Petit tailleur / 2010 et La règle de trois / 2012, Prix Jean Vigo ) ,  ébauché cette approche cinématographique des sentiments et des relations humaines. Ici , il franchit  le pas , en majeur , en proposant et en offrant à cette exploration du trio Amoureux et de l’amitié, la modernité qu’il y inscrit d’une écriture cinématographique dont les tonalités prolongent celle des écrits de Musset . Comme c’était le cas par exemple de l’approche  de  Marivaux , tentée et réussie  aussi , par Abdel Kéchiche dans l’Esquive (2003 ) . Louis Garrel s’inscrit dans cette démarche là , celle qui propose en même temps une sorte de « trasmission culrurelle  » dans l’étude des rapports dont la modernité du regard d’hier,  s’enrichit et se prolonge , par celle du  ( des ) regard ( s) d’aujourd’hui , et de la complexité du monde  qui peut en changer le vécu et le ressenti.

Abel ( Louis Garrel) , Clément ( Vincent Macaigne) , et Mona ( Golshifteh Farhani )
Abel ( Louis Garrel) , Clément ( Vincent Macaigne) , et Mona ( Golshifteh Farhani )

La transmission elle y est , aussi , par les multiples références cinématographiques , dans le sillage desquelles Louis Garrel inscrit son récit et son film . Cette modernité des nouvelles vagues  d’hier dont il fait le socle pour y apporter , in fine , sa propre vision. On peut déceler en filigrane les influences japonaises ( Nagisa Oshima ) , ou celles du  cinéma Tchèque du printemps de Prague ( Les Amours d’une Blonde de Milos Forman et Les petites Marguerites de véra Chytilova ), celles du cinéma underground Américain et de John Cassevetes. Et influence bien sûr de la nouvelle vague Française ( dont le trio – ici- fait penser à celui du Jules et Jim de Français Truffaut ) ,  ou du cinéma de Claude Sautet ( César et Rosalie /1972 ) dont Louis Garrel à fait appel au compositeur attitré Philippe Sarde pour illustrer la ( belle ) bande musicale de son film . Et jusqu’ jusqu’à la vague des jeunes cinéaste d’aujourd’hui , dont la collaboration à l’écriture du scénario de Chrisophe Honoré,  est un exemple . Mais il y a deux deux références explicites qui s’y attachent encore un peu plus, avec ce qu’elles reflètent de plus personnel pour le comédien et cinéaste Louis Garrel. A l’image de la scène où notre trio se retrouve sur un « set » de tournage reconstituant les barricades de Mai 1968 , référence explicite au cinéma de son père Philippe Garrel et du film Les Amants réguliers (2005 ). Doublement significative,  à la fois , de cet héritage cinématographique , et au delà , de la transmission dans la continuité d’une cinématographie paternelle ( marginale, mais superbe ) qui a souvent exploré , elle aussi, les sentiments et l’âme humaine ( Marie Pour mémoire / 1967 , La Cicatrice intérieure / 1971 , j’entends plus la guitare / 1991, L’ombre des femmes/ 2015 ) . Et puis cette référence à un autre cinéma en liberté , celui du john Cassavetes et ses héros de Shadows   ( 1958-59 ) et  dont on retrouve aussi dans le portrait de Mona et la manière de filmer Golshifteh Farahani , ce même regard que le cinéaste Américain portait dans ses  films ,  sur sa compagne et actrice , Gena Rowlands .

Le "trio" réuni au bar d'une boîte de nuit ...
Le « trio » réuni au bar d’une boîte de nuit …

Magnifique scène de Mona se libérant dans le bar nocturne sur une musique et improvisant une moment de danse… en forme d’envolée libertaire, sublime . D’autres beaux moments d’intensité sentimentale et dramatique habillent le film , lorsque par exemple , lors de la séquence du tournage de la barricade de 1968, Mona annonce à Clément qu’elle ne l’aime pas …et que ce dernier toujours fixé sur sa passion sort de la fumée des lacrymogènes, les yeux embués de larmes ! . Le Tragique et la distanciation , qui s’inscrivent  dans la situation ,  nous  offre  un moment de cinéma  absolument prodigieux. Louis Garrel utilise avec une belle habileté dans le déroulement de son film , ces ruptures de ton, qui l’ habillent  et qui amènent aussi , de la dérision et la note comique. A l’image de la scène de l’hôtel où nos deux soupirants, attendent leur tour … à la porte de la chambre de Mona , qui, tranquillement se brosse les dents !. Ou , lorsque Mona se moque d’Abel , le poseur  qui se donne des airs  d’intellectuel  , et  ne « sourit jamais! » . Et que dire, enfin, du  jeu de chassé -croisé  des répliques assassines qui s’installent  entre les deux désormais rivaux amoureux de la même femme,  qui mettent leur amitié en jeu . L’un , Clément, rejetant l’autre dans une scène de Jalousie « je n’approuve plus ce que tu deviens , tu ne me plaît plus ». Et l’autre , Abel , rétorquant plus tard avec délices et sourire en coin , à une nouvelle sollicitation de ce dernier demandant son aide « comment peux-tu me demander de t’aider, puisque je ne suis plus ton ami ? », imparable …rupture consommée.

Toute la sensibilité , la légèreté et la gravité du récit et du film réside dans ce regard en liberté et en tendresse sur des individus , dont Louis Garrel explore la beauté des cœurs et des âmes perturbées par l’emprise des sentiments amoureux dont ils  sont devenus prisonniers d’une passion qui les fragilise dans leurs certitudes , et qui , en même temps qu’ils vont prendre le temps de la vivre , leur ouvre les portes d’ une vérité sur eux-même, et aussi, d’en mesurer le danger …
Sensible et fort , troublant , séduisant et enchanteur …un beau film, sur la vérité et la singularité de sentiments amoureux , interprété par un « trio » de comédiens on totale osmose . Voilà qui ne devrait pas vous laisser indifférents….

LES DEUX AMIS de Louis Garrel -2015-
Avec : Louis Garrel , Vincent Macaigne, Golshifteh Farahani , Mahaut Adam , Pierre Maillet …

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