Immersion dans la réserve indienne de Pine Ridge aux Usa , autour du quotidien d’une série de personnages et notamment des jeunes qui cherchent à se construire un avenir. Le premier film de la jeune réalisatrice est à la fois une forme de constat sur la culture Amérindienne condamnée à la marginalité, en même temps qu’une superbe fable sur la quête impossible (?) d’une vie meilleure . Remarqué au Festival de Sundance à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes et à Deauville…

Johnny 17 ans ( John Reddy ), est un des jeunes indiens natif de cette réserve de Pine Ridge dans le Dakota du Sud , fatigué de subir le quotidien d’une vie dont il a pu mesurer en voyant les anciens condamnés à survivre depuis des générations dans cette réserve où, au fil du temps , l’avenir n’a fait que s’assombrir et décliner dans ce lieu à l’abandon, où l’on se rattache à perpétuer les traditions, et à suppléer aux maigres aides de l’état par des petits travaux qui permettent de faire subsister les familles . Johnny , Sioux Oglala de la branche des Lakotas , fils d’une famille nombreuse est bien décidé à quitter cette pauvreté qui s’est installée dans la réserve et dont il mesure dans sa propre famille les risques qu’elle peut entraîner . Il ne veut pas non plus sombrer comme certains de ses camarades , voire des adultes , dans une certaine violence générée par cette pauvreté qui a tendance à vous contraindre à vous laisser piéger pour tenter d’en améliorer financièrement le quotidien , par des trafics ( alcool par exemple , interdit dans la réserve ) ou vers d’autres perspectives de même nature . Alors son rêve, ses études finies est d’aller tenter sa chance à Los Angeles pour y rejoindre sa petite amie , et y trouver du travail du travail afin de subvenir aux besoins de la famille. Mais voilà que la mort soudaine de son père dans la maison où ce dernier vivait , va bouleverser les plans de Johnny …

Dès lors , la donne changée vis à vis de sa famille dont il hérite en aîné des responsabilités également vis à vis de ses nombreux cousins, mais surtout de cette jeune sœur ( 13 ans ) , Jashaun ( Jashaun St John ) , avec laquelle il entretient un lien fusionnel , et qui souffrirait de son départ. Johnny décide de le retarder pour tenter,dans un premier temps, de régler les affaires consécutives au décès de son père, et puis chercher la meilleure façon de se défaire de ces liens ( famille , terre, communauté) qui pèsent si lourd. C’est l’exploration de ce dilemme auquel nous invite la Jeune cinéaste , comme elle l’explique « Lorsque les gens entendent parler de la réserve de Pine Ridge ils se demandent souvent « pourquoi ne partent -t-ils pas si la vie est si dure ? » . Après avoir passé quatre ans dans la réserve au milieu d’eux , j’ai presque été jalouse de leur attachement à leur maison , à leur famille , à leur terre , à leur communauté , à leur « chez eux ». C’est un sentiment que j’ai véritablement admiré et envié. Mais cet attachement profond a également des désavantages . J’ai pu voir les combats qu’ils doivent mener à cause de cette dépendance , j’ai fait le film pour répondre à cette question difficile : « comment quitte -t-on le seul endroit qu’on a jamais connu ? », dit-elle . Et elle en a fait l’enjeu de son film qui en explore toutes les raisons qui montrent cet attachement profond perçu par ce jeune adolescent confronté au choix de la révolte qui le pousse s’en éloigner , et celui de toutes les raisons « intimes » qui font que le pas à franchir, n’est pas des plus faciles . C’est un peu , en effet, comme renier son histoire et son identité…

C’est autour de ce dilemme que le film est construit, et c’est ce qui fait son prix. En effet , au cœur des interrogation de Johnny , ce sont toutes celles d’une communauté qui s’y inscrivent et d’une jeunesse confrontée aux mêmes problèmes , et dont la cinéaste « capte » les détails de la vie quotidienne . Au cœur de celle-ci , les liens avec la nature ( les superbes paysages sauvages ) , les rapports communautaires et ces liens familiaux qui déterminent tout , dans cette réserve , sorte de prison à ciel -ouvert. Le film est totalement envahi par cette vie quotidienne au cœur de laquelle la cinéaste nous entraîne dans le sillage des personnages , directement inspirés de ceux qu’elle a rencontrés « la plupart , ne sont pas des professionnels. Ce sont des Lakotas qui sont nés , ont grandi et habitent dans la réserve. Tous nous ont fait confiance et nous ont accueillis dans leurs maisons et leurs vies » , et dont sa fiction est totalement imprégnée. A l’image par exemple de ce personnage qui raconte sa passion pour les rodéos transmise par ses parents , et dont il a attrapé le « virus » . De la même manière que son récit multiplie les exemples de personnages ( jeunes , mais aussi adultes ) confrontés à la misère , au chômage , en quête de ces tâches et occupations , qui permettent de ne pas sombrer dans la résignation, et permettent de survivre . Et puis il y a ces enfants abandonnées à eux -mêmes . Il y a bien les fêtes traditionnelles qui sont là pour maintenir un peu de gaieté et les liens dont les chansons comme les rituels, se font le reflet contre l’oubli de leur culture et de leur histoire. Cet attachement est un des socles qui permet à la communauté toute entière de ne pas sombrer , en même temps qu’il constitue cette sorte de « cordon ombilical » qu’il est difficile de rompre. Mais il y a aussi les dérives de la violence dans lesquelles certains sombrent par dépit ou par cette nécessité qui oblige aux petits trafics pour s ‘en sortir . Cette violence qui n’épargnera pas Johnny ( la scène où il se fait tabasser …), et qu’il devra bien fuir , un jour… . Dans ce contexte entre résignation , révolte et désir de partir , pour s’en sortir et reconquérir une dignité , Johnny va devoir préparer ses proches , mère et sœur, aimées .. .

Le film qui se ressent indéniablement de la promiscuité des quatre au années passées par la cinéaste dans la réserve tranche à l’évidence avec les clichés généralisateurs d ‘une certain cinéma qui les réduit et en donne une image assez négative . Servi par ce regard en « immersion » cinéaste et interprété par des autochtones , le film est une sorte d’hymne à ce petit peuple d’une communauté dont on découvre les blessures qui en disent long sur le drame vécu au quotidien d’une misère et d’un abandon dont la culture Amérindienne subit le choc, aujourd’hui aux Usa … et il trouve dans le personnage emblématique de Johnny, les accents qui permettent, à la fois de mesurer l’ampleur des dégâts , y compris psychologiques , d’une communauté dont le seul espoir en forme de crève coeur consiste à avoir le courage de la quitter, comme le suggère la belle scène de l’invitation au voyage … Johnny en aura-t-il le courage ? , vous le découvrirez en allant voir ce beau film , au regard au regard authentique sur des individus et leur culture dont les jours, sont peut-être comptés …
(Etienne Ballérini )
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