Présenté en Compétition au dernier Festival de Cannes , le film y a obtenu la très convoitée Palme d’Or. Consacrant un nouveau Succès international pour le cinéma Français , après le couronnement de La Vie d’Adèle d’Adbel Kéchiche ( 2013 ). Le nouveau film du Cinéaste qui poursuit , ici , au travers de la destinée de son héros Dheepan fuyant la guerre Civile du Sri Lanka et trouvant refuge en France, une nouvelle étape dan l’approfondissement des thèmes ( destinées humaines au cœur d’un monde de violence ) qui ne cessent de hanter son œuvre , à laquelle la tonalité renouvelée de la mise en scène, offre une belle dimension dramatique à la lutte pour la survie …
Plongée directe, d’emblée au cœur guerre civile au Sri Lanka avec ses exactions et ses morts. Le film commence, en effet , par des scènes de meurtres et de violences laissant des dizaines de cadavres derrière elles, dont un bûcher va se charger de consumer les corps. Des vies réduites à l’anonymat des cendres dont personne ne pourra reconnaître les identités . Profitant de cette confusion au cœur de la barbarie, ceux qui tentent de la fuir : un soldat Tamoul, Dheepan ( Anthonythasan Jesusthasan ) , une jeune femme et une petite fille , vont profiter de la confusion et changer d’identité , afin de partir chercher asile à l’étranger . On les retrouvera en France, réfugiés politiques. Dheepan le soldat accompagné de sa désormais femme et de sa fille , va obtenir les papiers officiels et bénéficier de l’aide au placement .Ils vont être dirigés dans une cité sensible de la banlieue Parisienne , où ils vont tenter de se reconstruire une vie familiale et un foyer. Jacques Audiard qui aime bien s’attacher aux itinéraires de ses héros ( Un Héros Très Discret , Le Prophète , De Rouille et d’Os …) , le poursuit , ici , au travers de Dheepan , son soldat réfugié dans l’hexagone devenu gardien d’immeuble dans une cité où il s’investit dans son travail, tandis que sa femme va s’occuper d’aide à des personnes … et que la petite fille sera inscrite à l’école pour une formation accélérée de Français. La marche de cette famille dont la tragédie a recomposé les destinées pour une nouvelle vie dont les « aides » citées citées ci dessus , doivent permettre et faciliter l’intégration dans leur nouveau pays, vont se retrouver confrontées , à de nouvelles difficultés , lorsqu’une autre violence – celle des cités de banlieue – va finir par les rattraper…

Réussie , la partie qui raconte via un beau descriptif du réalisme quotidien , les efforts effectués par la famille pour s’insérer et chercher à déjouer les difficultés rencontrées et faire en sorte qu’ils puissent désormais vivre en harmonie familiale reconstruite , en paix et en sécurité . Et Il y a de très belles scènes qui illustrent cet objectif , devenu désormais leur priorité. Comme celles qui montrent les efforts consentis par Dheepan et sa nouvelle femme pour s’habituer à l’intimité nécessaire à une vie de couple dont l’harmonie puisse rejaillir sur cette petite fille devenue la leur et lui faire oublier le drame vécu . Dans cette nouvelle ( re ) construction de vie familiale à trois , Jacques Audiard laisse percevoir également au travers du rôle de chacun , ce qui fait référence aux origines sociales et à celles culturelles , de leur pays d’origine . Dheepan dont le rôle de Soldat ( guerrier ) et d’homme qui doit désormais trouver un but à sa vie et remettre en question son statut privilégié qui dans son pays natal en fait l’homme fort du couple reléguant la femme à une rôle subalterne . C’est la femme , Yalini (Kalieswari Srinivasan ) qui va lui permettre de reconsidérer ces règles en facilitant la construction de l’intimité du couple , et , Dheepan en tombant amoureux d’elle va avoir un nouveau but dans sa vie . D’autant qu’aux efforts de Yalini s’ajoute la complicité de la petite fille qu’ils ont recueillie , Illayaal ( Claudine Vinasithamby) dont on mesure le besoin de retrouver une harmonie familiale, après la tragédie vécue. Une harmonie dont la préservation , va devenir l’enjeu primordial pour Dheepan.

Il y a , aussi , parallèlement la description des rapports quotidiens qu’ils vont nouer avec les voisins de la cité dans le cadre de leur travail ( belles scènes dans la famille ou Yalini s’occupe du père de Brahim / Vincent Rottiers ) . Comme ceux de la petite fille pour apprendre une langue qui n’est pas la sienne et se faire des camarades d’école et de jeu. Il y a une scène très belle et très juste qui en dit long sur la perception des différences des modes de vies ( Religion , culture , habitudes vestimentaires ou alimentaires , traditions …) qui ne sont pas les leurs , lorsque Dheepan abordant le sujet avec sa femme , lui dit « parfois j’écoute les discussions entre les Français et maintenant que je comprend bien la langue , je ne comprend pas toujours pourquoi ils rient autant lorsqu’ils racontent des histoires ! » , et que cette dernière lui fait cette réponse à la logique amusante « C’est parce que tu n’as pas la même conception de l’humour ! ». Une note d’humour sur l’intégration qui trouvera plus tard un écho plus dramatique , lorsque les luttes d’influences et de territoires pour le trafic de Drogue dans la cité, vont entraîner Dheepan dans leur violence qui va renvoyer à ce dernier , le souvenir traumatique de celle de la guerre civile qu’il a fuie. se retrouve – aussi- confronté à un émissaire de la rébellion de son pays qui viens le relancer pour lui demander de reprendre du service et qu’il se fait tabasser, pour avoir refusé la proposition … s’y ajoute même , le rôle ambigu de ce traducteur employé des services d’immigrations…

Alors , l’engrenage d’une violence qui semble de nouveau le rattraper et à laquelle il va devoir se confronter pour préserver sa nouvelle famille , va le conduire à renouer avec le cercle vicieux de celle-ci dans lequel ses « instincts » vont resurgir… après avoir tenté d’intervenir en « médiateur », puis en délimitant les territoires et se posant même, en justicier!. On a le sentiment à ce moment là que la démonstration force un peu le trait dramatique du récit à vouloir faire se télescoper le traumatise de la violence de la guerre civile , à celle ( des clichés ) de la violence des cités . C’est notre réserve …mais l’habileté de la mise en scène, sa virtuosité et sa force emportent les réticences , d’autant que la réflexion sur le parcours de Dheepan s’inscrit, sur un questionnement qui interpelle sur une certaine réalité , lorsqu’on retrouve celui-ci ( la scène finale ) vivant une sérénité nouvelle en Angleterre – où c’est une cousine de sa femme qui accueille la nouvelle famille – son nouveau refuge , après avoir essuyé l’échec , en France …
(Etienne Ballérini)
DHEEPAN de Jacques Audiard – 2015-
Avec : Anthonytthasan Jesuthasan , Kalieaswari Srinivasan , Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers , Marc Zinga …
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