Adapté de l’histoire vraie et du long combat de Maria Altmann, Juive Américaine d’origine Autrichienne, pour récupérer l’héritage artistique familial, le second film du cinéaste aborde le thème du vol et de la spoliation des biens des familles juives par les Nazis. Porté par une mise en scène classique et efficace le film est – et se veut – à la fois une dénonciation des exactions antisémites par les Nazis, en même temps qu’ un nécessaire devoir de mémoire…

C’est en regardant un documentaire de la BBC – que le cinéaste Simon Curtis qui venait de réaliser son premier film My Week End with Marilyn (2011)- racontant l’histoire du célèbre tableau de Gustav Klimt « portrait d’adèle » ( c’est elle la Femme au tableau), et de l’incroyable bataille judiciaire de Maria Altmann contre le gouvernement Autrichien pour récupérer les œuvres d’art volées à sa famille par le régime nazi suite à l’annexion ( l’Anschlüss ) de l’Autriche par le Régime Nazi le 12 Mars 1938. Le cinéaste s’est passionné par le récit de ce combat et surtout par tous les problèmes qu’il soulève : sur la politique , les guerres et les exactions , le racisme,les souffrances et leurs séquelles , les répercussions sur l’histoire contemporaine et la confrontation avec le passé. La confrontation avec le passé , c’est d’ailleurs la première expérience que va vivre le jeune avocat de Los Angeles , Randy Schoenberg ( Ryan Reynolds) descendant du célèbre compositeur Autrichien Arnold Schoenberg, qui va y être confronté lorsqu’il fait la connaissance de Maria Altmann ( Helen Mirren , littéralement prodigieuse dans sa prestation) pour l’aider à récupérer les tableaux volés à sa famille et désormais exposés dans le plus grand musée d’Autriche , Le Belvédère . Une démarche qui s’inscrit dans la continuité d’une lutte menée depuis de longue années par les héritiers des familles spoliées et qui a fini par trouver un certain écho international leur ouvrant les démarches et les possibilités de faire valoir leurs droits…

Maria qui n’a jamais pu oublier les humiliations vécues jadis et son exil forcé aux Etats-Unis , va tenter d’investir cette opportunité , comme un défi en forme de quête de dignité, dont son combat pour la restitution des tableaux est emblématique . D’autant plus qu’il serait la reconnaissance des crimes et des injustices commis dans un passé dont son pays d’origine devrait – et s’honorerait- à reconnaître , le bien fondé …mais à la fois la valeur ( plusieurs centaines de millions de dollars ) acquise par ces tableaux dans le temps , en même temps que celle -patrimoniale- attribuée à ces œuvres par un gouvernement soucieux de son « opinion » publique, vont compliquer les choses. Simon Curtis a investi son récit pour traduire les multiples aspects de l’histoire et des intérêts qui vont être au cœur de l’enjeu du procès. Et c’est une des réussite du film que d’avoir su rendre à la fois toutes les subtilités juridiques qui seront au cœur des enjeux procéduriers d’un procès qui va défier les lois internationales ( la belle scène où Maria se réjouit du Tsunami provoqué ) , en même temps que d’éclairer le spectateur , par l’utilisation du flahs-back, du passé dramatique de la famille de Maria , qui explique sa détermination , en même temps que son appréhension à « affronter ses fantômes », lors de son retour dans son pays d’origine qu’ elle ne voulait plus revoir à causes des souffrances et de l’humiliation subies. En Même temps, qu’en miroir, s’y glisse habilement, tout au long du parcours du procès et au long des investigations et des séjours dans la ville de Vienne , à la fois le gain d’assurance du jeune avocat , et surtout pour lui, qui avait relégué au second plan ses « racines » Autrichiennes , le ressenti d’un lien de plus en plus vif tout au long de celui-ci , avec une communauté dont il finit par découvrir ( en enquêtant et en puisant pour les besoins du procès dans les archives du passé et de l’histoire ) toute l’ampleur d’une réalité qui mènera à l’holocauste et laissera aux survivants , le souvenir et la souffrance d’un drame insupportable . Celui de l’innommable…

De la même manière que le traitement du personnage du journaliste Autrichien ( Daniel Brühl ) , contribue à éclairer le présent d’un pays qui a, jadis , accueilli les bras ouverts Hitler et participé à l’humiliation et aux horreurs, et dont le fantôme du souvenir ne fait que persister. Ce dernier qui va aider Maria et son avocat dans leur combat , fait partie de ceux qui veulent en finir avec les fantômes ( y compris celui du père ) du passé , alors que d’autres dans la rue ou y compris dans les Ministères ne semblent toujours pas prêts à le faire… ou s’en accommodant.
Dès lors Simon Curtis , offre au procès la dimension emblématique d ‘une marche vers la quête de justice et de vérité , dont, dans le dossier de presse du film Helen Mirren admirable interprète de Maria, donne une belle définition et un superbe ressenti de comédienne : « arpenter les rues où Maria a marché et où Hitler a été accueilli triomphalement , a été une expérience intense (…) la ville a très peu changé depuis l’époque de Maria car il y a eu très peu de destructions pendant la guerre . Et c’est dans ces rues qu’ont été perpétrés de terribles injustices à l’encontre de toute une frange de la population(….), Le Maire ( NDLR: qui lui a remis les clés de la ville à l’issue du tournage du film ) m’a dit que les efforts de Maria pour récupérer les tableaux avaient contraint Vienne à se confronter à son passé . En ce sens elle est d’une importance capitale pour l’histoire de la ville » , explique la grande comédienne.
Et les auteurs , on le ressent tout au long d’une mise en scène au choix didactique assumé , ont voulu insuffler à leur film la double dimension de l’émotion et de la réflexion. Et d’ailleurs le film qui évoque le pillage artistique au nom d’une idéologie, renvoie à cette interrogation sur la question de l’art et de la politique qui le prend en otage ( la censure , la propagande ) auquel le cinéma a été -aussi- contraint de se plier , durant cette période à une autre forme de vol des idées et des esprits que l’on enferme ou cherche à détruire .

Simon Curtis, cinéaste et artiste à été sensible, à l’évidence , à cet aspect d’un Art qui peut être pris en otage et fait prisonnier, et dont la propriété intellectuelle se doit d’être préservée . Sensible , aussi, à celle de l’identité sur laquelle dans le film il ouvre une belle réflexion et s’explique sur un choix de langue trop souvent formaté ( anglais pour les productions internationales ), en faisant celui de l’utilisation de l’Allemand pour les scènes tournées à Vienne « le film parle d’identité , ce qui soulève la question de savoir si l’on se définit par le pays d’où l’on vient ou par celui où l’on vit (…) vers la fin, il y a une scène où le père de Maria au cours d’adieux déchirants avec sa fille , lui dit « et maintenant je vais parler Anglais, la langue de ton avenir », ce qui a mes yeux est un moment déterminant du film. Et j’ai eu de la chance que tout le monde me soutienne dans mes décisions » ; dit-il
Et la volonté du cinéaste comme de ses producteurs ( du Majordome et du Discours d’un Roi ) a été de s’inscrire dans le registre d’un cinéma classique et populaire cherchant à parler de destinées humaines et ce qu’elles peuvent transmettre au spectateur, en ce sens, la dimension du combat de Maria et de son héritage , est significative , explique Ryan Reynolds qui « espère que les jeunes se retrouveront » dans son personnage car « c’est une histoire de rédemption , de justice et d’équité . Je pense qu’il est important que les jeunes générations voient ce film , et que les générations moins jeunes y trouveront un bon moyen de se remémorer ces événements » . Devoir de mémoire …
(Etienne Ballérini)
LA FEMME AU TABLEAU de Simon Curtis -2015-
Avec Helen Mirren , Ryan Reynolds, Daniel Brühl, Katie Holmes, Charles Dance, Jonathan Price…
[…] toiles sur Arte– 20h55 : La Femme au tableau de Simon Curtis (Drame -2015 – 1h41). Maria Altmann, une septuagénaire juive d’origine […]