Cinéma / DADDY COOL de Maya Forbes.

Un père bipolaire qui suit un traitement pour réintégrer le cocon familial. Sa femme contrainte de partir momentanément pour des raison de carrière, il va devoir assurer la garde de ses deux filles. Récit autobiographique de l’enfance de la cinéaste dans les années 1970 en forme de chronique, pleine d’humour , de sensibilité et de gravité réunies… à Voir .

l'Affiche du Film.
l’Affiche du Film.

Née en 1968 , la petite Maya Forbes a eu une enfance pas comme les autres au cœur d’une famille qui ne l’était pas moins . Même si dans la période qui a suivi les mouvements libertaires de 1968 , les couples qui se sont formés comme ceux de ses parents n’étaient pas une exception dans la manière dont ils se sont crées, rompant les barrières sociales pour vivre en couple . Lui , le père Cameron ( Mark Ruffalo, omniprésent et génial ) fils d’une famille huppée et conservatrice de la nouvelle Angleterre ; Elle Maggie ( Zoe Saldana, épatante aussi ) une jeune noire issue d’un milieu modeste et qui va devoir se faire sa place dans la société. Le couple est heureux même s’il a fallu faire avec les sautes d’humeurs      d ‘un père « bipolaire » assez réfractaire pour suivre un traitement devenu nécessaire. Les petits boulots de la mère qui arrivent à peine à faire subsister la famille depuis que Cameron devenu dépressif ne peut plus travailler … et les aides de sa famille qui sont plutôt minimes !… Maggie a beau mettre les bouchées doubles elle réalise que le couple et la petite famille va finir par exploser …si elle ne trouve pas un emploi décent , elle décide alors de reprendre des études et  suivre le conseil du psychiatre soignant Cameron   «  une prise de responsabilités pourrait lui être bénéfique » . Séparation et départ de la mère à New-York , et le Daddy excentrique chargé de s’occuper de la maisonnée. Un défi , une décision risquée ?. L’aventure vécue pa les deux petites sœurs prouvera que non , et le film qui la restitue avec tendresse et gravité a été conçu, par la cinéaste, comme une sorte d’hommage à ses parents .«  l’énergie de ma mère a bouleversé la donne », explique Maya Forbes qui ajoute «  elle a choisi une solution originale et audacieuse pour l’époque , c’est donc mon père qui nous a élevées ma sœur et moi (…) il y a avait quelque chose de joyeux dans la fantaisie de mon père et dans sa volonté de bien faire. Et c’était à contre-courant. » dit-elle.

Les deux sœurs: Amélia ( imogène  Wolodarsky)  et Faith ( Ashley Auderheide)
Les deux sœurs: Amélia ( imogène Wolodarsky) et Faith ( Ashley Auderheide)

Et c’est dans ce portrait, et en miroir du regard extérieur qui y fait écho, que le film trouve sa belle tonalité. Une tonalité renforcée par la volonté de montrer un point de vue en opposition du regard habituellement véhiculé sur cette maladie «  une autre teinte que tragique, comme le font la plupart des films …quand ils sont comiques , c’est parce qu’ils prennent le parti de se moquer du « fou » . Mon ambition était toute autre , faire preuve d’une empathie totale envers chaque personnage et faire une comédie trépidante . Car nous les gamines nous n’étions pas des anges . Nous avons donné du fil à retordre à notre père ! » , explique la cinéaste. Sincérité et refus de sombrer dans le pathos, c’est ce qui fait mouche tout a long du déroulement des situations et du récit. Le « vécu » quotidien est restitué et présent dans chaque plan . On pourrait en multiplier les exemples , à l’image des  scènes des premiers jours des deux filles , Amélia ( Imogène wolodarsky) et Faith ( Ashley Aufderheide) , laissées seules avec leur père, où s’installent les manœuvres d’apprivoisement , de tests et de défis,  qui sont irrésistibles . La caméra qui scrute les regards, les gestes et les réactions, nous faisant témoins du désarroi du père ( ses maladresses , ses gestes gauches , ses grands  yeux ronds …) , tandis que les deux jeunes  filles tout en se montrant soucieuses des regards extérieurs, protègent leur père en lui évitant de se retrouver en situation compromise …où il a l’art , en voulant être serviable, de se montrer encombrant !.

Cameron Mark Ruffalo )  et Maggie ( Zoe  Saldana )
Cameron Mark Ruffalo ) et Maggie ( Zoe Saldana )

La tonalité de la comédie et de la tendresse qui s’inscrit au cœur de ces séquences , fait sourdre la réalité de cette belle phrase de la cinéaste «  c’est l’amour qui nous a sauvés » , illustrés dans une des plus belles scènes du film où l’on voit nos deux  frangines faire promettre au père qui les accompagne près de l’école de les laisser franchir seules , pour une fois , les derniers mètres du chemin , sans avoir à se retourner pour  les gestes d’adieu de la main interminables . Pari tenu , mains claquées . Le père tourne le dos pour repartir à la maison, puis se ravise et se retourne , attendant qu’elles  en fassent autant   … les filles serrées l’une contre l’autre qui savent qu’il n’a pas pu se maîtriser qui luttent  pour ne pas céder , puis, la plus petite …qui finit par craquer et se retourne la première pour lui faire un dernier salut de la main suivie par  sa  sœur, .Il repart heureux ! . C’est une scène magnifique et les film en est rempli d’autres : les copines et les copains que l’on invite à la maison , les envies de rendre service aux voisins par le père qui risquent de prendre le chemin du harcèlement!. Et puis il y a les jolis rapports du quotidien de ce couple séparé et des retrouvailles lors des weeks-ends ou congés de la mère , ce quotidien difficile dont il faut savoir assumer les risques . Dans ce registre la cinéaste a fait également le choix de la justesse et de la vérité , n’hésitant pas à pointer les hauts et les bas , le désespoir qui peut s’installer, mais aussi cette irrépressible volonté de s’en sortir et de tout faire pour sauvegarder ce qui doit l’être. Les mots ne sont presque jamais dits, mais ils sont là omniprésents dans ces élans qui enrichissent les retrouvailles , ou dans ces silences qui remplissent les craintes et les doutes .

Les  jeux  des retrouvailles  lors des  vacances et visites de la mère
Les jeux des retrouvailles lors des vacances et visites de la mère

Ils sont là aussi chez ces petites filles qui vivent un quotidien angoissant ( les rechutes du père ) et le remplissent de leur compréhension , et ça en devient par moment réellement bouleversant !. Si la mise en scène et ses choix y sont pour quelque chose , il faut  dire aussi que la distribution n’y est pas étrangère par l’osmose que la cinéaste à réussi à y faire régner ( belle direction d’acteurs ) , aidée par l’intelligence compréhensive des comédiens, C’est aussi , un plus,  qui joue en faveur du film. Dès lors le spectateur se retrouve confronté a des situations qui changent son regard et lui permettent de comprendre « tous les points de vues » , comme le souligne la cinéaste « celui du père qui ne comprend pas qu’en proposant à une femme qu’il ne connaît pas d’éplucher ses oignons , il ne lui paraît ni gentil ni serviable, mais lui fait peur . Comme celui de cette ménagère qui claque sa porte au nez à ce voisin si collant » . De la même manière que l’on peut comprendre le désordre de la mère , Maggie , qui hésite  depuis que  la maladie s’est aggravée , à faire chambre commune avec celui dont elle a mesuré dans l’intimité,  combien il est difficile de partager la vie de quelqu’un qui souffre de cette maladie «  elle se méfie, même si c’est difficile pour elle de renoncer à sa vie de couple » dit la cinéaste .

Compréhension et refus de jugement hâtif,  et évolution des mœurs sur le rapport avec cette maladie , sont au cœur du récit , d’autant que dans les années Soixante Dix , note la cinéaste «  l’excentricité , le romantisme de la folie était une valeur positive, ça allait de pair avec les utopies de l’époque (…) il ne s’agissait d’être raisonnable et faire des plans de carrière (…) depuis ,en remplaçant le terme de maniaco-dépression par celui de Bipolarité , le spectre des personnes concernées a été élargi- (…) . Heureusement, car la honte des familles les enferme et les ferme de toutes possibilités d’y faire face. Le plus important c’est de parler de la maladie , c’est le meilleur moyen pour en sortir » , dit-elle . Et le pari , réussi, du film dans les chemins de traverse qu’il a empruntés pour porter un autre regard que celui des clichés sur les personnages et les situations  et sur cette maladie , c’est de les confronter au moule de la drôlerie, comme peut l’être «  la bipolarité qui peut conduire à des situations cocasses » , dont le film nous offre de beaux exemples.
Un film en forme de thérapie sans doute  pour la cinéaste, et, pour le spectateur une jolie et tendre leçon de vie et de compréhension de la maladie et de la différence …

DADDY COOL de Maya Forbes – 2015-
Avec ; Mark Ruffalo, Zoe Saldana , Imogène Woladarsky , Ashley Ofderheide…

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