Après les soubresauts de la naissance de l’empire chinois dans les deux parties de Détective Dee , le cinéaste Jong-kongais revient à l’histoire plus récente, celle de fin de la seconde guerre mondiale qui a vu la guerre civile faire rage en chine entre Nationalistes et communistes, et au cours de laquelle des bandits profitèrent de l’occasion pour faire régner la terreur . Inspiré d’un fait d’armes devenu mythique, le cinéaste, au cœur d’une mise en scène du spectaculaire dont il a le secret, inscrit une réflexion sur l’héroïsme , la propagande et le pouvoir de l’image.

Le film est l’ adaptation du roman « Tracks in the Snow Forest » de Ku Bo publié en 1967. Il relate un fait d’armes patriotique qui fit aussi l’objet d’adaptations glorifiantes via les fameux opéras révolutionnaires de l’ère Maoiste . Tsui Hark reprend à sa manière cet épisode en l’inscrivant comme le souligne la scène d’ouverture du film avec le personnage du narrateur qui inscrit le récit à la fois sous le signe de la nostalgie du cinéma de genre et celui aussi de la mythologie des héros de la génération sacrifiée des héros qui protégèrent le pays dont la « vision » propagandiste trouvera l’écho du miroir révélateur de la manipulation, dans un final aussi osé qu’ébouriffant, et de toute beauté. Pour situer les événements , nous sommes donc au cœur de l’hiver de 1946 où après la Capitulation du Japon en chine la guerre civile fait rage , tandis que les bandits qui profitent du chaos sous la conduite de leur chef Hawk ( Tony Leung Ka-Fai ) qui vit retranché et lourdement armé , dans une forteresse imprenable au sommet de la montagne du tigre .L’armée de libération qui traverse alors le pays sous la conduite des chefs de l’unité 203 , assistent a l’attaque et au pillage d’un village par les hommes de Hawk et décident de les combattre . Mais il va falloir user de ruse et de stratégie pour « infiltrer » le camp des Bandits . C’est l’officier yang (Zhang Hanyu) qui va être chargé de la mission qui permettraient de mettre fin aux exactions des hommes de Hawk. Toute une série de jeu d’approches , de ruses, d’infiltrations de part et d’autre avec traîtres et (ou) agents doubles vont ponctuer le récit qui doit aboutir à l’affrontement final . Et, en parallèle de ces tentatives d’infiltration et des ruses qui s’y distillent ponctuées par les morceaux de bravoure , le cinéaste installe au cœur de l’odyssée héroïque , les moments de répit… et les personnages dont il nous offre la dimension de l’intime au cœur de la tourmente et dans les (superbes!) espaces naturels dans lesquels Tsui Hark ( refusant l’utilisation des fonds verts de studio ) a installé son équipe , pour en traduire et restituer , au plus près, le réalisme.

Le résultat est a plusieurs niveaux, splendide. En effet construisant son récit en trois parties ( l’arrivé de l’unité sur les lieux , l’infiltration du camp des bandits, et l’affrontement ) il y inscrit au cœur de la dynamique des genres ( espionnage , guerre et action ) qui l’illustrent , à la fois son habileté et son sens de l’écriture cinématographique foisonnante, offrant à chaque situation, à la fois la dimension de l’intime et de l’épopée .La dimension de l’intime qui s’y inscrit avec ces personnages qui au cœur de l’action et de la dimension collective prennent vie, et permettent d’enrichir le récit en pointant des situations émouvantes ou tragiques . Ainsi le beau personnage du gamin à la recherche de ses parents disparus pris en charge et protégé par le groupe de l’unité dans laquelle il va se fondre et vouloir se battre. De,la même manière que le personnage de « Petite Colombe » (Lya Tong) qui va trouver sa place et se faire accepter dans cet univers d’hommes,de violence et de fureur . Ce qui ne sera pas le cas de Quinlan ( Yu Nan ) femme fatale , qui dans le camp d’en face, sera soumise a bien des jeux de suspicion et de rivalités.
Tsui Hark individualise et densifie également admirablement, la complexité des personnages comme celui du Capitaine en 203 ( Lin Gengxin) très attachant, et ceux des deux personnages centraux : de Yang, le soldat espion soumis à bien des situations qui vont le révéler ( troublant et intelligent ), presque à lui-même , de la même manière que celui du Chef des bandits Hawk qui dans son rôle de calculateur cynique , se révélera digne de figurer dans le « top ten » des personnages des méchants du cinéma…

Et puis il y a la dimension de l’écriture et de la mise en scène que Tsui Hark inscrit au cœur du film de genre et de divertissement en forme de leçon de cinéma . C’est ce qui fait le prix du film qui distille à la fois le divertissement et l’amour ( l’art) du cinéma. En effet, le travail sur le cadre et sur la profondeur de champ comme celle de l’utilisation du grand angle est époustouflant . Orson Welles qui ne fut le spécialiste ne l’aurait pas renié . De la même manière que l’est, sa réflexion sur la violence dont il offre à certaines scènes d’affrontements la dimension digne d’un Sam Peckinpah de La Horde sauvage , Tandis que la dimension épique qui s’y installe , fait écho à celles de films de Grand Akira Kurosawa , Ran et Les 7 Samouraïs. Des références qui ne sont pas anodines pour Tsui Hark qui a toujours inscrit dans ses films cette dimension référentielle et artistique porteuse d’une réflexion sur le son art et sur l’utilisation des images. Il en offre, ici , dans le final qu’on vous laissera apprécier, tout l’écho que celui-ci renvoie au spectateur la dimension ( et les pièges ) d ‘un spectacle dont il investit la portée propagandiste , pour la déshabiller, ensuite, de la dimension qu’elle peut inscrire ( laisser perdurer ) dans les esprits . Quand le cinéma de divertissement se pare des habits de l’intelligence comme ici, on en peut qu’applaudir …

Et surtout, se laisser aller à déguster les scènes d’aventures, d’actions et de combats, chacune plus inventive que les autres , distillant un plaisir non retenu, parce que investit de cette dimension dont rarement ( surtout de nos jours et dans de type de productions ) les cinéastes savent enrichir le spectaculaire . Celle de la réflexion et (ou) de sa dimension créative artistique du travail de Tsui hark que nous avons souligné sur l’organisation des espaces à l’intérieur des plans et des séquences . Comme l’illustrent , celles investies de tous ces ingrédients : le feux d’artifice de l’affrontement final en deux versions , le chassé-croisé des jeux de dupes et d’infiltrations entre les deux camps, l’utilisation du ralenti ou « snow motion » pour décortiquer le ballet de la violence mortelle , ou celui d’une descente vertigineuse en skis pour l’assaut du village , sans oublier l’affrontement avec le tigre de ladite montagne… des instants de pur plaisir de cinéma et de divertissement. Un vrai régal …
LA BATAILLE DE LA MONTAGNE DU TIGRE de Tsui Hark – 2015-
Avec : Zjang Hanju , Lin Genhxin, Lya Teung , Tony Leung Ka-Fai , Yu Nan …