Et voilà. Dernier spectacle du Printemps des Femmes. Dernier spectacle de la première irino-brookienne* saison. Promesses d’émerveillements, d’étonnements à venir. Etonnez-moi, Irina.
Et d’abord, le titre. Vers Wanda. Cela voudrait dire que l’on irait vers cette Wanda, et peut-être qu’on ne la verrait pas. Ou pas. Rassurez-vous, on va bien la rencontrer. Ou pas.

Bon, je vous dois un brin d’explication, je vous sens un peu fébriles, un peu circonspects. C’est que moi aussi. Car c’est un spectacle vers, à propos de. Un spectacle dans lequel la forme où il s’engage « vaut » le fond dont il nous parle. Je vous sens encore plus perdus.
Il faut dire que la Wanda en question n’est pas un poisson. C’est le titre de l’unique film réalisé par Barbara Loden en 1970. Wanda est une jeune femme qui se laisse partir à la dérive. Après avoir quitté son mari et ses enfants, elle rencontre M. Dennis, voleur de piètre ampleur, et le suit sur les routes américaines. Actrice et donc unico-réalisatrice, Barbara Loden épouse le réalisateur Elia Kazan en 1968.
J’avoue personnellement n’avoir pas une sympathie dévorante pour le dit Elia, réalisateur au typicisme* hollydowanesque* quand ça l’arrangeait, mais aussi tristement célèbre pour avoir participé à la maccarthienne* chasse aux sorcières en dénonçant des gens du cinéma (dont certains de ses amis, n’est-il pas, Monsieur Donald Trumbo ?) appartenant à la gauche auprès de la commission des activités anti-américaines. Bon, voilà, mon ire s’en est allée.

Et ce que je trouve « sublime, forcement sublime » dans ce Vers Wanda, c’est que son fondamental n’est ni l’être de fiction nommé Wanda, ni l’être de chair et d’émotions nommé Barbara, non, son fondamental va se constituer dans le fait qu’il va s’agir de prendre des bouts de récit « appartenant » à l’une et à l’autre et, finalement, d’en faire un récit transcendé.
Dés les premières images notre statut de regardant est sollicité. Une jeune femme, sans doute une technicienne, fini de construire le décor, pendant qu’un homme, en devant de scène, (est-ce le metteur en scène ?) nous explique ses intentions. Réel et figuratif s’affrontent, mais quel est le statut de l’un et celui de l’autre ?
Et tandis que Wanda va être plongée dans les prolégomènes de cette histoire jaillie de Barbara Loden (à se demander si M. Dennis, voleur de piètre ampleur, n’est pas une figure d’Elia Kazan), Barbara Loden, elle, est plongée dans les prolégomènes du tournage de L’arrangement (Elia Kazan, 1969), dont la distribution semble relever justement d’un arrangement avec la tyrannie hollywoodienne. L’année suivante, Barbara Loden tourne Wanda, qui est peut-être une fin de non recevoir avec le système hollywoodien.
About Wanda, Marguerite Duras écrit : « Je considère qu’il y a un miracle dans Wanda. D’habitude il y a une distance entre la représentation et le texte, et le sujet et l’action. Ici cette distance est complètement annulée, il y a une coïncidence immédiate et définitive entre Barbara Loden et Wanda. »
Une romancière a toute son importance dans l’écriture de Vers Wanda, c’est Nathalie Leger avec Supplément à la vie de Barbara Loden, (P.O.L 2012) Ce roman s’attache à entremêler des éléments de la vie de Barbara Loden, de Wanda, et des romans autobiographique de la romancière.

Vers Wanda est un projet de la comédienne Marie Rémond. « Ce sont les comédiens Clément Bresson, Marie Rémond et David Clavel qui ont « convoqués sur le plateau les personnages –réels ou fictifs- qui ont façonnés ou traversés la vie de Barbara et de Wanda et ceux qui, aujourd’hui, tentent de décrire ce qu’il leur reste de Wanda » (Marie Rémond)
J’avoue que Barbara Loden que je ne connaissais pas, m’a souvent fait penser –comparaison n’est pas raison- à ce personnage magnifique qu’est Gena Rowlands, et que Gloria était peut-être une parente éloignée de Wanda. Mais John Cassavetes est tout de même d’une autre trempe qu’Elia Kazan.
Il reste deux représentations, profitez-en.
Pauvres journalistes ! Ils n’ont pas eu droit à leur conf’ de presse ! Pour savoir ce qu’il va y avoir la saison prochaine ! Oh là là ! Mais qu’est-ce qu’on va écrire début juin ! Et en septembre il va falloir écrire un article alors que, un bon copié-collé et plouf !
Prenez votre temps, Irina. segui il tuo corso e lascia dir le genti.
Jacques Barbarin
Vers Wanda, TNN 04 93 13 90 90 salle Michel Simon
Samedi 6 à 20h30
Dimanche 7 à 15h30
*Je réclame le droit inaliénable au solécisme