Cinéma / LES TERRASSES de Merzak Allouache.

Après, Le Repenti sur un maquisard Islamiste repenti qui recherchait sa place dans la société Algérienne, le nouveau film du cinéaste explore, le miroir des contradictions , des intolérances et des violences que renvoie de cette société la multitude, qui , du matin au soir grouille sur les terrasses d’Alger…

l'Affiche du Film.
l’Affiche du Film.

C’est au rythme des appels à la prière ,qui, de l’aube au soir , rythment la vie et le quotidien des habitants d’Alger que le cinéaste construit, et ponctue, son récit qui nous entraîne dans les quartiers de la ville, du centre -ville à la Casbah ,en passant par Bab El Oued et d’autres terrasses des quartiers populaires où les populations des immeubles ont l’habitude d’investir ces terrasses pour admirer tout simplement le panorama de la ville, y étendre le linge , s’y isoler ou s’y rencontrer … pour des fêtes improvisées. Au cœur de ce mouvement, il y a aussi des hommes et des femmes qui s’y retrouvent pour des rendez-vous amoureux …mais aussi pour des règlements de comptes familiaux ou des conflits de voisinage ou de propriété . Au cœur de cette vie quotidienne qui s’y déroule le cinéaste a choisi de nous fairre suivre quelques -unes de ces histoires emblématiques qui se font révélatrices d’une société malade et minée par les conflits et les violences de toutes sortes . Un tableau sombre qui s’inscrit dans la contuité du cinéma d’un réalisteur , qui , depuis ses débuts ( Omar Gatlato / 1976) ) ne cesse d’ausculter la société de son pays et ce qui la gangrène, alternant les comédies grinçantes et les récits plus sombres qui semblent marquer un peu plus son récent parcours . Le cinéaste qui vit en France et y a également écrit un parcours de réalisateur , où , au delà des comédies à succès
( Chou-Chou/ 2003 ) , il s’est penché aussi sur la société Française ( Salut Cousin ! ,Tata Bakhta, L’autre Monde,  …) et son rapport à l’immigration. Les Terrasses qui fait suite au Repenti (2012), s’inscrit dans les préoccupations du réalisateur qui a choisi de poser,  aujourd’hui , son regard que la société Algérienne au sortir des années noires marquées par le terrorisme et les séquelles de violences qui persistent , dont Le Repenti , se faisait l’écho avec son interrogation sur l’amnésie Politique et la manipulation…

La  femme  sur la terrasse d'en face...
La femme sur la terrasse d’en face…

Sur les terrasses d’Alger donc, où tout semble commencer en ce début de matinée rythmé par un spelndide lever de soleil,  par l’appel à la prière, et par une certaine quiétude sur les terrases des cinq quartiers de la Capitale ( Bab El Oued , Notre Dame d’Afrique , la Casbah , Belcourt et Telemly ) où il nous convie. Très vite, la légèreté ( la jeune fille qui y joue de la guitare , le trio de cinéastes venu y tourner une séquence de leur nouveau film…) qui semble s’y installer , laisse petit à petit la place à la gravité et à un entrelas de rapports de forces et de pouvoirs qui y inscrivent les compromisssions, les pressions et les violences qui les accompagnent. On se retrouve projettés donc au cœur de cette vie foisonnante qui va se faire , dans sa progréssion , révélatrice des secrets et des violences qui s’y attachent . Ainsi , la jeune fille qui joue de la guitare et attend ses amis musiciens qui doivent la rejoindre pour répéter, pourquoi est-elle intriguée par cette femme sur la terrasse voisine qui semble l’observer ?. On y voit aussi des jeunes qui cachent sur les terrasses le butin de leur vol , une Vespa, pour la dépecer et la vendre en pièces détachées. Sur cette autre terrasse un jeune homme qui rentre à la maison après trois jours de vagabondage y retrouve une vielle dame qui lui reproche de rendre sa mère dépréssive. Sur une autre, un ivrogne occupe un local qu’il prète à un Cheik exorciseur… sur cette autre encore , un viel homme enfermé dans une sorte de cage à lapins atteint de démence ne cesse de se remémorer les événements de la guerre d’Algérie . Et en contrebas d’une terrasse , dans une maison en cours de réfection des hommes sous les ordres d’un « boss » , en torturent un autre afin de le contraindre à signer un document…

La mère dépressive et  son fils
La mère dépressive et son fils

la violence qui vient s’introduire dans cette scène , va éclater -aussi – en plein jour sur les toits des immeubles où les événements et les personnages cités ci-dessus , finissent par révéler les multiples soumissions dont ils subissent les effets, et parfois les violences. Ainsi le groupe de musiciens qui ne trouve pas de lieu pour répéter et où se produire, devient le miroir d’une société où la culture est laissée pour compte…et, peut même se retrouver hors-circuit ( à l’image du sort réservé à l’équipe de cinéma!) .
Au delà de ces « piques » sur le sort réservé à la culture ou , encore cette allusion amusante commentant la visite de François Hollande en Algérie «  on a repeint pour l’occasion les façades des maisons sur le parcours, mais chez nous dans notre quartier pas de passage du cortège , et rien n’a été fait ! », c’est surtout le sort réservé aux populations soumises à la violence des rapports de pouvoirs et de forces , auquel le cinéaste s’attache . Comme le révélent les séquences de ce propriétaire qui use de ses connexions et appuis pour faire expluser les locataires . Et cet autre que l’on a vu user de la préssion et du recours à la torture pour mener en toute impunité ,ses affaires de spéculations immobilières … mais , au delà il y a aussi ce repli sur soi que les violences finissent par installer, cette peur qui fait se fermer les yeux lorsque le voisin frappe sa femme et qu’on laisse faire. Il y a aussi l’insupportable qu’elles entraînent , comme les suicides ou la dégradation des rapports familiaux et sociétaux qu’elles génèrent. Au cœur de cette apathie craintive et de peur muette , des groupes intégristes en profitent , qui se réunissent dans la nuit pour prier …mais aussi , pour se répartir les futurs térritoires d’influences .

le contre- jour de la noirceur ...
le contre- jour de la noirceur …

Au cœur de la nuit qui tombe , la noirceur qui s’y inscrit et les cadavres des réglements de comptes obscurs qui  se fondent dans l’oubli    «  pas de cadavre , pas de crime… » , dira le policier qui a choisi de fermer les yeux . C’est le tableau  d’un constat implacable que fait le cinéaste , dont le but est d’interpeller et d’intérroger sur les séquelles d’un « trauma » ( celui  des années noires du terrorisme)  qui persiste et semble se diluer comme un cancer dans la société . Le choix d’une progréssion dramatique de recits imbriqués , scandés par le rythme de la journée et des cinq appels à la prière , offre habilement,  à la mise en scène sa dynamique implacable vers la noirceur . Sur ces magnifiques térrasses ouvrant sur la baie d’Alger et son superbe panorama ensoleillé, les nuages semblent vouloir venir y obscursir , le bel horizon…

LES TERRASSES de Merzak Allouache -2015-
Avec : Adila Bendemerad, Nassima Belmihoub, Mourad Khen, Aïssa Chouhat..

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