C’est non seulement d’un superbe livre mais d’un personnage exceptionnel, une « personne rare », dont je voudrais vous entretenir. Ce livre s’intitule « Là-bas, c’est dehors ». Cette personne rare, c’est Richard Peduzzi

Richard Peduzzi, né en 1943, est un scénographe, peintre, designer et créateur de mobilier. Il a été directeur de l’Ecole Nationale des Arts Figuratifs et de l’Académie de France à Rome. Mais c’est surtout comme scénographe de Patrice Chéreau qu’il est connu.

En effet, En 1965, il éprouve le besoin de sortir de la peinture de chevalet. Comme Stendhal en 1824, il pense que le siècle de la peinture est passé. Il choisit le décor de théâtre comme moyen de peindre. En 1968, il rencontre Patrice Chéreau et travaille avec lui pour la mise en scène du Dom Juan de Molière. Chéreau était lui-même fils d’un couple de peintres. Peduzzi réalisait depuis 1969 les décors de la plupart des mises en scène et des films de Chéreau.
Il y a eu plusieurs créations de Bernard Marie Koltès au Théâtre des Amandiers à Nanterre entre 1982 et 1989. Au Festival de Bayreuth sous la direction Pierre Boulez entre 1976 et 1980 L’anneau du Libelung *(en allemand Der Ring des Nibelungen, ou simplement le Ring). Au cinéma, La chair de l’orchidée (1974), L’homme blessé (1983), La reine Margot (1994), Ceux qui m’aiment prendront le train (1998).
En quelques lignes, on situe donc l’importance du bonhomme, si vous me passez l’expression. Et le livre, alors ? Je dirais qu’à la fois il se lit et il se regarde. Ce qui est du domaine de la lecture est une autobiographie : Richard Peduzzi raconte son enfance, les rencontres qui l’ont marqué, son métier (architecte, peintre, scénographe), son rapport avec son activité, comment ses scénographies lui sont arrivées, je devrais dire advenues.
Certainement l’une de ses plus belles rencontres, les plus miraculeuses est celle qu’il a faite à la suite d’une représentation de « La dispute », où à la fin, une petite fille de 8 ans, avec cette gravité que peuvent seule avoir les jeunes enfants, ce sens de l’immanence, à propos du décor lui pose timidement la question : « Ça, c’est une prison ? »
Richard Peduzzi raconte : « Puis, en m’indiquant la forêt du doigt, elle m’a fait le plus beau compliment qu’on ne m’ait jamais fait sur mon travail :
– Là-bas, c’est dehors ? »
J’ai dit aussi que ce livre se regardait, il se regarde même de multiple manière. Il y a d’abord les études pour les scénographies, des maquettes. Il y a les photos des scénographies une fois finies, avec les acteurs. Il y a aussi des photos de lieux qui on inspirés des scénographies, comme les quais du Havre pour « Quai Ouest ». Bien entendu, ces illustrations sont en corrélation avec le texte. Et l’œuvre se termine avec un extraordinaire carnet de dessins.

Et évoqué bien sûr, avec photos à l’appui, son activité d’architecte, de désigner et son passage à la Villa Médicis, l’Académie de France à Rome.
Attention : lorsque je dis que les illustrations sont en corrélation avec le texte, il faudrait plus exactement parler d’un livre dont le langage serait double – de fait unique- de la textualité et de la parole par l’image. En fait, « Là-bas c’est dehors » est « écrit » d’une seule plume.
Richard Peduzzi mêle intiment sa vie, sa factualité événementielle, et son œuvre. Il y a unicité, les exemples foisonnent. Il y a bi-univocité entre les deux regards, celui sur l’humain et celui sur l’art. La bi-univocité est, au sens mathématique, lac correspondance entre deux ensembles, qui relie un élément de l’un de ces ensembles à un élément et un seul de l’autre ensemble.
« Là-bas c’est dehors » est ce que l’on appelle un « beau livre ». Il est plus que ça : il est nécessaire pour tous ceux, qui pensent, comme le dit Richard Peduzzi, que« Toute œuvre artistique nous confronte à l’unique et à l’inexpliqué. Elle nous dévoile quelques-uns des mystères de l’existence, nous apprend à confondre le quotidien avec l’infini. »
Jacques Barbarin
« Là-bas, c’est dehors » Richard Peduzzi Editions Actes Sud
* Je renvoie sur ce « Ring » à l’excellent petit opuscule de Patrice Chéreau « Lorsque cinq ans seront passés » aux éditions Ombres. A lire aussi ici, notre hommage à Patrice Chéreau.
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