Premier pas en compétition officielle pour le Français Stéphane Brizé avec La Loi du Marché où Vincent Lindon est confronté au chômage . Le Norvégien Joachim Trier qui avait présenté Oslo 31 Août à Un Certain regard se retrouve également en compétition avec Plus Fort que les Bombes qui scrute les arcanes d’un secret de familles. Palme d’or pour Oncle Boonmee en 2010 le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul retrouve la section Un certain regard avec Cemetery of Splendor dans un récit fantastique où il est question de « soldats endormis» ,d’envoûtement et de réflexion sur le sens la vie …

La loi du marché de Stéphane Brizé ( Compétition) .
Le cinéaste sensible de Mademoiselle Chambon (2009) et de Quelques jours de Printemps ( 2012 ) se retrouve pour la première fois en Compétition et aborde autour du personnage de Thierry( Vincent Lindon), 51 ans et qui après 20 mois de Chômage , va retrouver enfin un travail d’agent de sécurité et de surveillance dans un grand magasin . Au travers de son parcours c’est celui des millions de gens qui sont confrontés à des situations semblables qui vivent des parcours d’humiliations, et s’ils ont la chance de pouvoir rebondir, c’est en payant le prix d’une baisse de salaire et d’accepter des conditions de travail qui parfois selon le cinéaste posent la question du « peut-on tout accepter ? » et du dilemme moral qui s’y rattache . Et dans cette perspective il nous fait témoin du cheminement de Thierry ,de son parcours de chômage ( Rendez-vous à Pole Emploi, stage sans débouchés , entretiens d’embauche , difficultés financières , rendez-vous à la banque qui met la pression , nécessité de se séparer d’un mobile -home et changer de voiture qui a rendu l’âme…) et jusqu’à son nouvel emploi . Portrait sans voulu concessions et , en même temps , nuancé « Personne n’est vraiment méchant , mais chacun à sa place , sans vraiment le vouloir ( ou sans trop oser le voir ) participe à la violence du monde . Ce monde là c’est le nôtre . Et la duré de cette observation nous permet de comprendre que Thierry n’a absolument plus le choix lorsqu’il accepte son nouveau travail » , explique le cinéaste. Thierry qui s’accroche et ne baisse pas les bras , devant faire face aux besoins familiaux ( il a un enfant handicapé ) et un appartement dont il faut pouvoir continuer à payer les mensualités au risque de le perdre . Dans on nouveau travail il assiste il se retrouve confronté aux logiques de la rentabilité d’une entreprise qui pour assurer son chiffre d’affaire , au delà de la chasse aux clients fraudeurs , dit le cinéaste « multiplie celle des personnels et vire des personnels pour la moindre faute afin de ne pas les remplacer et augmenter son chiffre d’affaire » .
Il reprend l’exemple qui a fait l’actualité il y a peu de cette caissière sanctionnée pour avoir utilisé de bons de réduction récupérés des clients, il évoque aussi dans un séquence forte, le type d’humiliation qui peut conduire au suicide … tourné avec des moyens réduits, des acteurs non professionnels en dehors de Vincent Lindon , un choix naturaliste et réaliste qui se retrouve dans celui d’une lumière naturelle et d’un dispositif de mise en scène laissant la liberté s’inscrire au cœur des séquences sans la manipuler par des coupures qui nuisent à la spontanéité , laissant aux ciseaux du montage de garder la cohérence. Au bout du compte un film fort qui interpelle sur la dignité au travail « qu’une entreprise gagne de l’argent c’est une chose , qu’elle maltraite physiquement ou moralement ses employés c’est autre chose . Le travail devient une denrée rare . Comme l’eau (…) si une entreprise se comporte comme une dictature (…) alors l’employé ne devient ni plus ni moins que de la chair à Canon . Que lui reste-t-il alors de sa dignité ?. C’est ce que j’avais envie de regarder » , conclut le cinéaste .

Plus fort que les Bombes de Joachim Trier ( Compétition)
Avec son scénariste habituel Eskil Vogt ( qui a réalisé Blind , sorti récemment en salles ) le cinéaste de Oslo 31 Août , se retrouve cette fois-ci à représenter la Norvège en compétition officielle ( elle ne l’avait pas été depuis 1979 ) avec son nouveau film tourné à l’étranger avec en tête d’affiche Isabelle Huppert , Gabriel Byrne et Jesse Eisenberg. Et pour un nouveau sujet en questionnement sur les relations humaines construit comme une sorte de Puzzle qui petit à petit au cœur des séquences laisse entrevoir une part du mystère qui va finir par bouleverser une certaine harmonie familiale entretenu par un secret gardé sur les raisons et questionnements qui entourent la mort accidentelle ( ou suicide?) d’une photographe de guerre qui a été au cœur de ses reportages souvent en situation de danger , mais qui trouvera la mort dans un accident de la route , juste après avoir arrêté ses expéditions sur les terrains de guerre . Le Cinéaste a fait le choix de la construction d’un récit où les indice s sont délivrés à petite dose, entretenant le suspense jusqu’au final. Le secret en question qui risque d’être éventé par l’article d’un journal sur la Photographe décédée, va contraindre le père de famille ( Gabriel Byrne ) à le dévoiler à son fils cadet et trop jeune qu’il avait voulu protéger alors après l’accident d’un mère qu’il vénérait. On ne vous éventera pas le secret …mais on vous dira que le cinéaste construit habilement le mécanisme qui va déclencher le bouleversement des relations familiales. Des relations déjà quelque contaminées et qui vont se tendre encore plus entre le fils cadet qui se réfugie dans le mutisme , la rébellion et le rejet du père , des résultats scolaires catastrophiques et une addiction aux violences des jeux vidéos ou des image s sur internet « je ne les aime que quand elles mettent les gens face à un danger réel » , dit-il à son frère aîné, jeune père de famille à qui il se confie ( belles scènes ) , frère aîné à qui le père resté hors-jeu va , alors , confier la tâche d’expliquer au cadet le secret en question… le parti-pris qui est habilement tenu jusqu’au bout , laisse sourdre tous les non-dits et attitudes qui ont finit par dégrader les rapports et l’harmonie familiale. L’avoir gardé comme moyen de protection envers le cadet , ou peut-être par une certaine forme de lâcheté , était-il le bon choix ?…

Cimitary of Splendor d’Apichatpong Weerasetakhul ( Un Certain Regard )
L’univers du plasticien et Cinéaste Thaïlandais est parcouru par les références aux traditions et à la culture et son regard symboliste et visionnaire qui se décline souvent sous la veine fantastique , et c’est encore le cas ici avec son nouveau film qui nous plonge dans un hôpital provisoire installé dans une école abandonnée où sont recueillis et soignés des soldats atteints d’un mystérieuse maladie qui le a plongés dans un sommeil profond. Dans ce lieu rendu étrange une femme , Jenjira une vielle dame dont une jambe est plus courte que l’autre se porte volontaire pour donner gratuitement des soins aux soldats « il n’y a pas grand chose à faire dans cet endroit », dit-elle …alors autant se rendre utile . Et elle va s’attacher particulièrement à un soldat auquel personne ne rend visite . Ce dernier qui a tenu un journal intime rempli de signes et de dessins qui attire également l’attention de Jenjira dont la curiosité va la porter à s’approcher également de cette jeune « médium » qui a mis son talent au service des familles qui souhaitent communiquer avec les leurs et chercher à savoir ce qui leur est arrivé. Keng est une experte dans la catégorie « médium » et il se murmure que le FBI lui aurait proposé un pont d’or qu’elle aurait refusé ,préférant rester au service de sa patrie !. Voilà la cadre posé et le mystère qui reste à pénétrer de cette étrange maladie et aussi des Mystères qui l’entourent ( est-elle liée à un ancien site Mythique et historique qui a jadis existé à l’endroit où est érigé l’hôpital provisoire ?) . le mystère s’amplifie lorsque des déesses viennent rendre visite , en chair et en os ; à Jenjira . Le fantastique et le mystère interpellent la vielle dame, tout comme cette « magie » qui s’en mêle , dans son approche et sa quête du monde qui l’entoure .
Le cinéaste traduit habilement dans les cadres travaillés de ses plans et de l’image, toutes ces intrusions du fantastique dans le réel , et il ajoute à la plastique et au symbolisme qui s’y s’y attache , des notations d’humour qui offrent un écho assez étonnant à cette plongée dans cette sorte de rêvé éveillé. Ainsi aux questionnements sur « le corps et l’esprit sont-elles des entités distinctes ? » et le rêve ( le sommeil) est-il une façon d’échapper aux violences du quotidien de la société ? , le cinéaste introduit dans les séquences et les dialogues de purs moments de comédie, comme lorsque les femmes autour d’un soldat s’exclament tout à coup en pointant le drap soulevé par une érection « il s’est réveillé ! », ou encore lorsque cette mère qui , plutôt que de se soucier de la santé de son fils préfère via le au médium le questionner sur la liaison avec sa maîtresse et avoir l’adresse de celle-ci lui ! Le film y gagne en légèreté et facilite l’approche du spectateur , comme le font ces interférences lumineuses pour apaiser et soigner les soldats dont le cinéaste dit « elle ne sont pas là pour seulement pour soigner els soldats , mais aussi pour le spectateur…
(Etienne Ballérini)
Le Programme de la journée :
Sicario de Denis Villeneuve ( compétition)
Marguerite et Julien de Valérie Donzelli ( Compétition)
Alias Maria de José Luis Regeles Garcia ( Un Certain Regard )
Taklub de Brillante Mendoza ( Un Certain Regard )
Masaan de Neeraj Ghaywan ( Un Certain Regard )
[…] échappée. » (Première, mai 2020)Christophe Rossignon (Producteur depuis 1993 : La Haine, La Loi du marché, Dilili à Paris, Au nom de la terre) : « Le cinéma fait partie pour certains d’un loisir […]