Retour en compétition hier, de Maïwen après son succès de Polisse avec son nouveau film Mon Roi et Vincent Cassel en tête de distribution. Todd Haynes, y revient aussi avec Kate Blanchett en Carol femme Libre dans l’Amérique profonde et moraliste des années 1950 . Le Croate Dalibor Mantanic présentait Soleil de plomb sur les séquelles du conflit Serbo-Croate , et le Japonais Kyoshi Kurosawa une nouvelle approche du monde des revenants et fantômes avec L’autre Rive . Tandis que l’écran du cinéma de la plage était illuminé par le grand classique Ivan le Terrible de Sergueï M. Eisenstein .

Mon Roi de Maïwen ( Compétition )
Après son Polisse (2011) la comédienne -cinéaste revient avec un sujet plus intimiste ou toutefois le « choral » s’invite à plusieurs reprise au cœur de l’histoire d’amour tumultueuse entre ces deux êtres si loin, si proches que vont devenir Tony ( Emmanuelle Bercot) et Giorgio ( Vincent Cassel ) , tous deux remarquables . C’est un accident de ski ( rupture totale des ligaments ) qui rend Tony dépendante des soins et de la longue rééducation qu’elle va devoir effectuer, qui va déclencher chez elle le retour et la réflexion sur une liaison qui va prendre des allures d’une passion irrépressible qui va les entraîner dans la haine destructrice , qui lui fait écho avec ses rabibochages et ses déchirements qui finissent par éteindre la flamme et ouvrir le chemin d’une répulsion définitive . Pourquoi le couple en est-il arrivé là ? .L’accident de Tony est-il un simple accident où le révélateur d’une envie d’en finir pour elle , ou est-il, via le passage de la longue rééducation , l’opportunité de retrouver en même temps que son intégrité physique , le chemin d’une intégrité personnelle définitivement libératrice de la dépendance subie ?. Toutes ces questions s’inscrivent au long du récit et de ses péripéties . De la rencontre dans la boîte de nuit avec ce « roi » séducteur et calculateur , parfois imprévisible , fêtard et porté sur les femmes et quelques addictions ,un macho qui sait être tendre et multiplie aussi les affaires dont certaines « floues » qui lui valent des saisies. Mais en affaires comme en amour , il a le don de rebondir . Il a ses blessures secrètes, il aime garder une certaine indépendance . Il fait tout pour avoir ce qu’il veut ( se marier, un enfant ) et pour le garder, comme l’illustrent les rapports de forces dont il joue avec comme otage cet enfant qui va déchirer le couple pour la garde. Maïwen filme ces « joutes » amoureuses ou destructrices au plus près de ses comédiens avec virtuosité des mouvements de caméra et des dialogues. Les tensions et les moments de tendresse ou de bonheur qui distillent l’intimité se retrouvent aussi dans les séquences collectives où la « choralité » toujours gardée dans le cadre ou laissant la place aux a-partés , offre au récit un écho dynamique et enrichi par ses apports, l’intimisme du couple dans lequel ils interfèrent. Mais ils ouvrent aussi la voie à la double guérison évoquée ci-dessus de Tony , via le relationnel qui s’installe entr’elle et le groupe de jeunes du centre de rééducation , des jeunes des cités avec qui , encore , la belle dynamique chorale de partage s’installe « ils sont aussi blessés qu’elle », relève Maïwen . Ils lui permettent de voir la vie autrement , de s’investir totalement dans sa dure rééducation physique . Tony se sent bien avec eux et voit la vie d’une autre manière , que complète, le rapport solaire avec son frère ( Louis Garrel ) qui va lui aussi lui ouvrir la route pour la conquête de son indépendance .. .

Carol de Todd Haynes ( Compétition).
Todd Haynes a ravi nos paupières notre passion du cinéma avec un style inégalable et reconnaissable désormais dont il a tracé les lignes d’une mise en scène élégante qui dissèque au delà des ornements sociétaux qui les cachent, les hypocrisies et le moralisme bigot de la société Américaine et bourgeoise des années 1950 dont il fustige les tabous et les lois répressives qui réduisent ceux qui les transgressent à devenir des parias . Souvenez-vous de son Loin du Paradis (>2002 ) racontant le déclenchement de haine que suscite une relation amoureuse entre une femme blanche et un noir . Il revient avec Carol sur cette période noire de l’Amérique Mac Carthy de la Chasse aux sorcières , qui traquait toutes les oppositions et reléguait les choix de vie différents au rang de crimes contre la société.C’est ce qui va arriver dans le New-York de l’année 1952 à une jeune employée d’un magasin , Thérese (Rooney Mara ) qui fait la connaissance d’une cliente chic et distinguée, Carol ( Cate Blanchett) entrée dans la magasin pour y acheter un train électrique. Une paire de gants oubliés et un colis que Carol se fait livrer à son adresse . Les remerciements téléphoniques de cette dernière à la jeune femme fille qui lui a retourné les gants avec le colis . Carol qui vit une rupture difficile avec un mari macho et intransigeant qui lui refuse de lui laisser la garde de leur enfant dont elle n’a qu’un droit de visite, est une femme blessée qui veut se défaire de la dépendance masculine. Carol qui a été éblouie par la beauté et la fragilité de cette jeune fille , veut la revoir pour la remercier et l’invite dans un luxueux restaurant . Les confidences et les rencontres se succèdent laissant entrevoir une complicité de jeu et de confidences complétée par un sentiment profond qui semble lier leurs deux natures féminines en quête d’un bonheur où le poids du conventionnel serait absent .
Lors du rendez-vous pour la conciliation de séparation d’avec son mari , voilà que Carol se voit opposer à la demande de garde de l’enfant une « réserve de moralité ». son riche et puissant mari qui la traque depuis longtemps et refuse de ressortir du conflit qui les oppose comme le mauvais mari a tout mis en œuvre pour utiliser la rumeur des rencontres entre les deux femmes comme argument qui pourrait retourner l’opinion en sa faveur !. Carole furieuse décide de prendre de recul et décide de partir loin pour se changer les idées et demande à son amie de l’accompagner dans son voyage , Thérèse qui ne sait comment se débarrasser de ce jeune homme qui la colle et veut la marier , se joint à l’aventure. Celle-ci ne fait qu’amplifier le soupçons d’immoralité … la chape de plomb s’abat sur les deux amies qui vont devoir se séparer sous le poids de la traque dont elles ont fait secrètement l’objet et des témoignages approximatifs de la paranoïa en route , que la fameuse loi de moralité va pouvoir accréditer.
Todd Haynes décrit magnifiquement ces moments là, et pointe doublement son portrait au vitriol de l’Amérique puritaine en le doublant d’un regard sur une histoire d’amour entre deux femmes qui sont issues de milieux sociaux différents. Il laisse entrevoir par toute une série d’indications et de notations furtives, les premiers pas d’un refus des interdits laissent entrevoir les futures éclosions de l’éclosion d’une révolte féminine qui se libère des frustrations et de la tyrannie du modèle masculin en défiant les tabous et la norme. La scène finale en forme de réquisitoire contre celle-ci qui se prononce dans son cas contre l’intérêt de l’enfant, est exceptionnelle . De la même manière que le sont les scènes où Todd Haynes capte le trouble qui s’installe dans une liaison qui défie les codes et finit par libérer leurs réserves , les laissant aller à leurs émotions. « Elles trouvent le courage d’être elles-mêmes en s’aventurant dans des territoires inconnus » relève dans la productrice du film dont le scénariste Phillis Nagy a fait en compagnie de Todd Haynes, un magnifique scénario d’adaptation .

Soleil de Plomb de Dalibor Matanic ( Un Certain Regard)
Le cinéaste Croate ( 40 ans ) n’en est pas a sa première réalisation et il s’est distingué à plusieurs reprises dans son pays ( prix de la critique en 2002 ) et aux festivals de Montpellier et Biarritz entr’autres . Le cinéaste qui a vécu le conflit inter ethnique qui est au cœur de la réflexion de son film en forme de pamphlet contre le racisme et la haine nationaliste qu’il veut « comme une célébration de l’altruisme et de l’amour qui peine ) prendre se droits chez nous ( …) mais je suis sûr d’une chose : à la fin les politiques et le nationalisme extrême ne gagneront jamais . Seul l’amour vaincra » , dit-il dans le dossier de presse . Et pour illustrer cette aversion de la haine et de la guerre , il construit un récit de trois histoires d’amour emblématique de chacune des périodes et révélatrices à la fois des horreurs qui ont été commises et puis des séquelles qui s’y attachent et des tensions qui ont perduré durant les années qui ont Suivi . La première qui se déroule en 1991 et au début de la guerre nous raconte la tragédie vécue par un jeune couple d’amoureux qui vivent une amour interdit puisqu’ils est celui d’un liaison entre deux jeunes de camps opposés. Le second qui se situe à la fin de la guerre et évoque les cicatrices qui restent vivaces dans les cœurs et rendent impossible la concrétisation d’une relation amoureuse . la troisième , plus optimiste se déroule en 2011 et nous montrent l’ parcours de deux amants qui finissent réussir à « ouvrir la porte » ( belle séquence ) qui finit par laisser les cicatrices et les blessures de la haine enfouies dans le passé . Le film restitue magnifiquement au long de ces trois histoires l’atmosphère des « tensions » et de l’intolérance à laquelle le cinéaste oppose les nécessités de l’acceptation , du pardon et de l’espoir qui s’y attache . Le chemin de l’amour contre la haine qui permet de s’opposer aux certitudes dangereuses qui contaminent les esprits et dérivent vers confusions suscitant des actions humaines dangereuses qui peuvent conduire aux pires excès. Servi par une cohérence d e point de vue et de récit ( les mêmes comédiens- excellents- jouent les trois couples des trois histoires , ainsi que ceux des rôels secondaires , offrant dès lors une cohérence renforcée au propos qui se distille sur le répétitif évoquant à la fois la mutation des mentalités et cette persistance des dangers qui peuvent être réveillés par les fantômes du passé….

Vers l’Autre Rive de Kiyoshi Kurosawa ( Un Certain Reagrd)
Le cinéaste Japonais de Tokyo Sonata (2008 ) et de Shokuzai (2012 ) Poursuit l’exploration de l’un de ses thèmes favoris le monde des fantômes des revenants qui hantent le quotidiens des vivants qui les ont aimés . La scène d’introduction qui présente le personnage féminin principal donnant des leçons de piano à une jeune fille dont la mère lui fera le reproche d’être peu efficace comme si elle était préoccupée et quelque peu en dehors du monde réel . De fait rentrée dans son appartement où elle vit en solitaire depuis la mort de accidentelle de son mari dont elle a gardé intact son bureau ainsi que les souvenirs qui ne cessent de lui rappeler sa présence . Dans la pénombre du salon celui-ci apparaît et s’installe et comme si le quotidien d’hier se réinstallait voilà que la vie quotidienne se réinstalle pour un nouveau départ. Et un jour Yusuka va convier sa compagne Mizuki à un voyage à la rencontre de lieux du japon et de ceux qu’il a croisés dans sa vie , pour les lui faire connaître. Au long des rencontres et des retrouvailles Mizuki découvre des épisodes du passé de son mari et de gens qu’il a rencontrés et avec qui il a travaillé dont il n’avait jamais parlé . La confession et les rencontrent installent un climat inattendu lorsque Le mari lui révèle que certains d’entr’eux sont comme lui des revenants et des fantômes qui par leur présence viennent rassurer le quotidien de leurs proches . La surprise passée et le naturel de ces « vies » qui font perdurer leur présence et continuent comme si de rien n’était leurs vie d’hier tentant même pour certains de l’adapter à l’évolution ( le vieux vendeurs de brochures dont le vieil ordinateur a rendu l’âme fera un cérémonie d’adieu en son hommage et accepte d’en acheter un nouveau. Tandis que Yusaka refait le parcours et revient animer par exemple le petit village de sa présence en reprenant les leçons collectives de science , d’astronomie et sur la création du monde . Mizuki qui joue se prend au jeu finira aussi par confier les secrets qu’elle avait gardés pour elle , à son mari . Servi par une mise en scène toute en nuances et en approches de subtils mouvements , le film qui joue sur le naturalisme de l’acceptation de la présence comme une forme de double thérapie pour le vivant et le disparu, est prenant de bout en bout par la manière dont il finit par rendre acceptable ce « dialogue » de deux univers, comme une quête nécessaire pour faire le deuil et en même temps réactiver la présence des disparus .
(Etienne Ballérini)
Le programme de la journée :
–La loi du Marché de Stéphane Brisé ( Compétition)
–Louder Than Bombs de Joachin Trier . ( Compétition)
–Las Eligidas de David Pablos ( Un Certain Regard)
–Cimitary of Splendor de Apichatpong Wheerasetakul ( Un Certain Regard )