Cinéma / Journal de Cannes 2015 ( No. 3 )

Le Festival a désormais pris son rythme de croisière avec la multiplication des projections et des choix à faire. On a choisi de privilégier, ici, les films en compétition et de nous attarder sur la section Un certain Regard. Hier l’événement hors compétition a été créé par le retour sur la croisette de Woody Allen  avec Irrational Man sur lequel nous reviendrons lors de sa sortie en salles. La deuxième journée de la compétition a été marquée par la projection de deux œuvres de qualité de jeunes cinéastes aux tempéraments originaux . Le premier film du cinéaste hongrois Lazlo Nemes Le fils de Saul ,aborde un épisode mal connu de la Shoah avec un regard original , et , le grec Yorgos Lanthimos avec The Lobster nous a plongé dans un surprenant univers Kafkaïen. Tandis qu’avec Béliers  de Grimür Hakonarson, signait le retour du cinéma Islandais absent du Festival depuis près de Vingt ans .

Une cène de  Le Fils de  Saul de  Lazlo Nemes
Une scène de Le Fils de Saul de Lazlo Nemes

LE FILS DE SAUL de Lazlo Nemes ( Compétition)
C’est au cœur de la shoah à Aushwitz -Birkenau en Octobre 1944 que se l’action du film adapté des récits et témoignages de membres des Sonderkommando du camp q chargés des tâches quotidiennes auxquels étaient destinés des prisonniers Juifs isolés du reste du camp et forcés d’assister les Nazis dans leurs œuvres d’extermination . Le héros du film Saul ( Géza Röhrig , exceptionnel ) est un de ceux- là , dévolu à ces tâches sordides consistant à accompagner les déportés des convois jusqu’aux chambres à gaz , puis extraire les cadavres et les brûler tout en nettoyant les lieux . Les membres de ces commandos bénéficiant d’un certain traitement de faveur  et d’un liberté en forme de rémission avant d’être ..éliminés régulièrement par les SS et être remplacés par d’autres destinés au même sort, car il s’agissait de ne pas laisse de traces ni de possibilités de témoignages de ce qu’il avaient vu . Pourtant il y eut, au sein de ces commados des formes de résistance et rébellion dont une qui eut lieu en Octobre 1944 . Le film évoque dans une séquence d ‘une force inouïe , également l’épisode des témoignages visuels que certains des résistants d’un groupe ont réussi à enregistrer à l’aide d’un appareil photo entré clandestinement dans le camp qui a permis de photographier «  le processus d’extermination avant la fermeture des portes et les femmes qui s’approchent nues , et juste après l’ouverture , leurs cadavres entassés sortis dehors qu’on brûle à même le sol » explique le cinéaste . Ces images ont été d’ailleurs montrées lors de l’exposition de 2001 «  Mémoires des camps » .
Par le bais de son héros Saul , qui y travaille et qui va découvrir le cadavre d’un garçon dont il pense qu’il est son fils et dont il tente de faire conserver le corps par le médecin Hongrois qui travaille dans la salle d’autopsie, afin de lui offrir une « digne » sépulture et lui éviter celle des flammes . Le cinéaste a choisi le parti-pris d’une mise en scène qui privilégie le regard de Saul et s’en tient à son point de vue et nous fait spectateurs complices de qu’il vit et voit , en même temps que le but personnel qu’il s’est fixé vis à vis de son fils . Refusant tout parti-pris d’effets et d’esthétisme le film au travers du regard de Saul nous fait assister à tout ce qu’il vit au quotidien , croisant d’autres regards d’autres actions et assistant a tous les rituels dans cet enfer . Le travail est à tous points de vue remarquable tant sur l’arrière-plan qui permet de distancier ( le flou ) les horreurs de l’enfer qui entourent Saul et dont la bande-son amplifie la force évocatrice . A l’image de   la première séquence insoutenable des déportés que l’on fait renter dans la chambre à gaz et dont les cris de douleur et les coups frappés sur la porte qui font frémir les hommes  du  Sonderkommando qui se tiennent debout contr’elle pour qu’elle reste bien fermée et ne cède pas à la force des  poings   qui tentent de l’ouvrir  pour échapper  à la  mort  . Laisant volontairement l’horreur hors-champ , le cinéaste a voulu aussi par son parti-pris , laisser volontairement «  ces images manquantes qui sont des images de mort , on ne peut pas toucher à cela , le restituer , le manipuler », dit-il . Il signe ainsi un grand film  intègre et bouleversant…

Une scène de  The  Lobster  de  Yorgos  Lanthimos
Une scène de The Lobster de Yorgos Lanthimos

The Lobster de Yorgos Lanthimos ( compétition)
Après Canine (2009) présenté à la section un Certain regard et Alps (2012 ) à la Mostra de Venise , le cinéaste grec qui a fait preuve d’originalité de regard dans ses premiers films où l’obsession d’une société qui dérive dans le désordre kafkaïen, et où la violence et l’animalité humaine sont au cœur d’une réflexion et d’un récit qui ne cesse d’explorer les arcanes d’un mécanisme et d’un rouage de régression qui , même si on réussi à y échapper , finit par se perpétuer dans une sorte de spirale sans fin …
Dans The Lobster qui se situe dans une sorte de futur  proche dont la modernité des lieux laisse supposer qu’il pourrait être plus proche qu’on ne pense, il est question d’un société où tout est organisé et ordonnancé dans un cadre et des lois précises à respecter qui conduisent les individus à franchir des paliers et à choisir leur destinée … ou les châtiments dont ils son prévenus, s’ils détournent la loi . Celle d’un système dirigiste et totalitaire auquel il est impossible de se soustraire. Dans ce futur proche il est question donc d’ordonnancer la société en couples qui se choisissent afin qu’il y ait l’harmonie nécessaire au bon fonctionnement de celle-ci . Désormais donc, tous les célibataires sont arrêtés et transférés dans un hôtel luxueux où ils sont totalement pris en charge et disposeront de 45 jours pour y trouver l’âme sœur parmi les créatures féminines qui leur sont proposées. Le délai passé , le célibataire qui n’aura pas trouvé chaussure à son pied sera transformé…en animal de son choix. L’homme , David ( Colin Farrell ) que nous allons entr’autres , suivre dans le parcours à choisi, si celà lui arrivait d’être changé en Lobster ( Homard) !. Yorgos Lanthimos se délecte et construit autour de ce parcours un récit kafkaïen saupoudré de gags et de situations absurdes qui alternent le comique débridé et le tragique par la violence qui parfois s’inscrit au cœur des châtiments choisis par les maîtres de cérémonie et les personnels chargés de veiller à l’ordre des choses. D’ailleurs cet Univers renvie le miroir de la Secte à laquelle il est impossible d’échapper comme le laisse percevoir ces « chasses » aus solitaires , ces résistants  qui se  cachent dans les  bois  et qui ont réussi à d’échapper . C’est dans ce monde là, que David qui a réussi a fuir pour rejoindre les résistants,  va voir s’évanouir ses espoirs s’évanouir … et la fable satirique et emblématique déploie son mécanisme pour faire sourdre cette animalité  destructrice  de laquelle, l’homme ne semble pas réussir à se défaire .

Une scène de  Les Béleirs  de  Grimur Hakonarson
Une scène de Les Béleirs de Grimur Hakonarson

LES BELIERS de Grimur Hakonarson ( Un certain Regard )
D’animaux il en  fut question aussi dans le film du Cinéaste Islandais Béliers qui se déroule dans une superbe vallée de la terre Islandaise où la population autochtone et son économie est liée à l’élevage d’une race de Moutons spécifique à la région depuis des décennies et qui a fait sa renommée par la qualité de ses produits . D’ailleurs une fête annuelle a lieu pour décerner le prix du plus beau Bélier et du meilleur  l’éleveur. La rivalité et la mésentente de deux frères qui depuis 40 années qui ne se parlent plus , resurgit d’ailleurs à cette occasion dont l’un se retrouve vainqueur de l’autre . Et elle va se stigmatiser lorsque le Bélier vainqueur se révèle d’être porteur de la maladie «  la tremblante » qui porte sur le cerveau des bêtes et qui est incurable et risque de contaminer tout le cheptel des éleveurs de la vallée. Il va donc falloir abattre toutes les bêtes . Le drame social pour les familles privées de leur gagne-pain provoque les réactions et certains refus de se plier aux nécessités d’hygiène pour l’éradication de la maladie. Le cinéaste trouve l’habile dimension d’un récit qui inscrit au cœur de la tragédie collective dans laquelle se retrouvent plongées les éleveurs , le conflit individuel qui se joue entre les deux frères qui vont  devoir faire taire leur animosité, face à la nécessité commune qui va les réunir , celle qui consiste à sauver de la destruction définitive la race précieuse de ces Béliers. La peinture de la communauté et celle de la rivalité fratricide est bien servie par le réalisme d’une réalisation qui s’inscrit au cœur de superbes paysages magnifiquement photographiée au long des saisons et du travail qui fait le quotidien d’un population paysanne qui vit une tragédie dont le cinéaste nous fait mesurer l’ampleur .

(Etienne Ballerini)

Progarmme de la journée :
Mia Madre de Nanni Moretti ( Compétition)
The sea Of Trees de Gus Van Sant ( Compétition )*
A tale of Love abd Darkness de Nathalie Portman ( Hors coméptition)
Nahid de Ida Panahandeh ( Un Ceratin Regard)
Maryland d’Alice Winocour ( Un Certain Regard )

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