Après l’ouverture en grande pompe , place à la compétition avec l’entrée en lice de l’ Italien Matteo Garrone habitué de Cannes et déjà primé qui présentait Le Conte des Contes où il surprend et aborde un registre différent de ses œuvres précédentes . C’était aussi l’ouverture de la section Un Certain Regard avec le film An de la cinéaste Japonaise Noami Kawase confrontant deux personnages blessés et solitaires . Dans un tout autre registre ce fut aussi la présentation très attendue en Hors compétition de la nouvelle mouture du Mad Max de Georges Miller.
Ce fut donc une journée éclectique qui a brassé les genres ,avec hors compétition le Blockbuster très attendu Mad Max , Fury Board de George Miller qui a beaucoup alimenté la chronique avant le Festival sur une « possible » sélection officielle. La projection a animé la salle Lumière remplie en partie d’un jeun public friand et crépitant d’applaudissement à l’issue des nombreuses séquences d’opposition musclée et violentes où le bruit et la fureur portés par une rythmique visuel efficace, faisaient leur effet et offraient les sensations attendues. Si celles -ci étaient au rendez-vous , la multiplication des séquences d’affrontement souffrent d’un scénario à minima qui ne prend même pas, parfois , la peine de justifier certaines d’entr’elles et la surenchère de violence qu’elle suscite . C’est dommage car la début du film est prometteur qui laisse penser à une suite du Mad Max 2, avec sa toile de fond de crise pétrolière bien exploitée , ici la crise énergétique élargie donnant lieu a des guerres de pouvoirs, sert seulement de prétexte aux affrontements , sans jamais tenter une quelconque réflexion . Et le Héros hanté , ici , par son passé qui a décidé de continuer sa route en solitaire ; finira par croiser la bande le l’Impérator Furiosa sur les machines de guerre ,tentant de récupérer ce qui leur a été volé dans leur citadelle …

Le Conte des Contes de Matteo Garrone. ( Compétition officielle )
Le cinéaste Italien a déjà été célébré sur la croisette avec Gomorra (2008 ) et Réality (2012 ) , y revient cette année dans un registre très différent des deux œuvres citées dont il se détache de la forme et des tonalités de la mise en scène où le réalisme et la critique sociale , voir politique , était au cœur . Même si la tonalité de la fable qui a quelque chose à voir avec le conte , n’était pas totalement absente de ces deux œuvres, rien à voir dans ce nouveau film avec la dénonciation de la Camorra ou de la télé-réalité . Le cinéaste qui, par ailleurs avant de se lancer dans la réalisation cinématographique , a acquis un formation artistique picturale dont on retrouve dans Le Conte des Contes des références aux grands peintres , dans sa mise en scène et en lumière , la touche et la sensibilité dans les images et leur composition. Et, à ce sujet le cinéaste a d’ailleurs déclaré que « le mélange entre réel et fantastique a toujours été au centre de ma recherche artistique » . Et le cadre des trois royaumes voisins où Rois et Reines, Princes ou Princesses, laissent libre court à leurs désirs où s’invite le fantastique , le féerique et le libertinage , font évidement référence à toute une littérature du genre , y compris Italienne . Qui pourrait prendre source du côté de Pétrone et du Boccace , pour déborder du côté du fantastique des Frères Grimm …et bien d’autres déclinaisons dans le genre du fantastique. Alors nous voilà entraînés dans le sillage de personnage dont on va suivre les aventures avec la belle subtilité d’un récit qui commencerait par une histoire pour nous entraîner dans une autre ,avant de revenir à la première et nous emporter , avec lui dans le jeu … on y retrouve donc de merveilleux châteaux , mais surtout de superbes paysages naturels ( où les a-t-ils trouvés ? ) superbement filmés ( comme des tableaux ) et utilisés . On y retrouve également des monstres des mers avec des pouvoirs magiques , des ogres maléfiques , des saltimbanques , des courtisans , Un roi fornicateur et Libertain , une reine obsédée par son désir d’enfant , un autre roi obsédé par une puce , une princesse mal mariée… toute la panoplie des contes réunie , Matteo Garrone la distille avec un plaisir communicatif servi par une mise en scène très travaillée qui inscrit ses références pour s’en libérer; et inventer sa propre énergie dans l’adaptation des contes de Gianbattista Basile . Du beau travail …
AN de Noami Kawase ( Un certain Regard , Ouverture ) .

La jeune ( née en 1969) cinéaste Japonaise dont- si vous l’avez vu -vous ne pouvez qu’avoir aimé le superbe Still The Water (2014, sélectionné en compétition et qui avait obtenu le Prix du Jury ) , revient sur la croisette et dans la section un certain Regard avec AN , un beau et émouvant récit dans lequel on retrouve ses thèmes favoris et notamment celui du rapport de l’homme avec la nature , mais aussi celui des rapports de l’individu avec la société et de sa place dans celle-ci . C’est le cas pour les deux héros de son film , une vielle dame de 76 ans Tokue, qui va tenter de convaincre un jeune vendeur de desserts traditionnels Japonais ( les Dorayakis ) de l’embaucher . Aussi têtue que persuasive elle finit par y arriver …en offrant au jeune vendeur des Dorayakis fourrés de la pâte confite de haricots rouges qu’elle a fabriquée elle- même . ! Les nouveau desserts traditionnels fabriqués par le « duo » vont faire un tabac . La cinéaste ouvre son film par cette approche ( superbes séquences de la fabrication « amoureuse » des haricots confits ,commentée par la vielle dame ) tendre et enjouée qui va avoir son revers et révéler en toile de fond, puis au grand jour les secrets des deux souffrances dont le partage ne suffira pas à faire taire , pour l’une « la rumeur » , et pour l’autre , effacer un passé lui faisant porter un fardeau douloureux . Tout en non-dits et en suggestions, , Naomi Kawase, nous donne à voir et à comprendre la lente approche qui va réunir ces deux êtres si opposés, réunis dans la compréhension de la souffrance de l’autre « j’ai vu dans vos yeux lors de ma première visite à l’échoppe , toute la douleur rentrée que je gardais aussi dans mon coeur », confiera-t-elle . Des formes d’exclusion et de rejet portées par le regard des autres, sur la maladie ou la réinsertion … de cette non-harmonie que les relations humaines n’ont pas su perpétuer, que la nature leur a transmis au long des siècles . Le beau refuge que la vielle dame a réussi à se construire pour se protéger …et qu’elle va avoir envie de transmettre à cet autre « blessé » dont elle avait vu la douleur dans les yeux , comme celle d’un canari dans la cage dont elle a senti le chant lui dire « libère-moi ». Un beau film , sensible et émouvant.. ;
( Etienne Ballérini)
Le programme d’aujourd’hui :
–The Lobster de Yorgos Lanthimos ( en compétition)
–Saul Fia ( Le Fils de saul ) de Lazlo Nems. ( Compétiion)
–La Quatrième voie de Gurvinder Sing , et, Béliers de Grimur Hakonarson( Un Certain Regard )
-Hors Compétiton : Irrational Men de Woody Allen.