
Fort beau titre pour un livre, n’est-ce pas ? C’est le titre du dernier recueil de nouvelles de Simonetta Greggio. Voyons, voyons, Simonetta Greggio… N’est-ce pas cet écrivain à laquelle nous devons ces deux « sommes » sur l’Italie contemporaine,
« Dolce Vita » et « Les nouveaux monstres » ?
« Femmes de rêves, bananes et framboises », ça ne fait pas très sérieux, comme titre. Rassurez-vous, Simonetta Greggio n’est pas sérieuse. Rappelez-vous sa photo dans « Passegiata con Simonetta », une interview qu’elle m’avait accordée, début mars. Son sourire généreux, son regard pétillant de malice. Voilà, elle est toute là.
La tradition veut que le titre de la première nouvelle donne son titre au recueil. Mais la tradition, Simonetta s’en soucie comme d’une guigne. Et le titre du dernier texte est « Donne de sogno banane e lamponi ». Pas besoin de vous traduire.
Dans les trois premières nouvelles, nous sommes dans trois « climats » apparemment dissemblables, mais le « goût » qu’elles dégagent nous prouvent à loisir que l’auteur tient de main de maître les arcanes de son récit. La première semble emprunter les méandres de la légèreté, mais soudain, par un parallèle entre l’acte de mourir et l’acte de naître, nous recentre vers ces questions fondamentales : qu’est-ce que naître, qu’est-ce que la mort? Qu’est-ce que la distance entre les deux ? Aimer ?
Le deuxième emprunte un chemin amer, la narration par un vieil homme à un homme jeune de souvenirs douloureux de la seconde guerre mondiale puis bifurque à l’histoire de compagnonnage entre ce vieil homme qui, à l’occasion de l’évacuation d’un camp, a pu s’échapper en compagnie d’un chien, un molosse qui appartenait à ses persécuteurs. Mais l’affection, l’empathie, l’amour, n’ont pas besoin de papiers d’identité.
Dans la troisième c’est la journaliste qui tient la plume de l’auteur : dans cette fiction où un juge doit être exécuté par un membre de « Cosa Nostra » on retrouve les juges Falcone, Borsellino et Scarpineto, figures qui hantent le livre « Les nouveaux monstres ». Toute cette longue nouvelle est le récit-confession que fait au juge celui qui doit l’exécuter. Cette fiction nourrie au lait amer du réel est bouleversante
L a quatrième commence par une rythmique haletante, une phrase d’une vingtaine de lignes, d’une syncope vertigineuse, comme le solo de batterie du batteur de Santana pendant Soul Sacrifice, à Woodstock. S’ensuit une plongée chez Romain Gary et le monde de l’édition. Et s’achève avec la parade nuptiale des mésanges.
Si « Femmes de rêves, bananes et framboises » était un concerto, la cinquième nouvelle en serait l’adagio, le mouvement lent où le compositeur se dévoile. C’est l’intime de Simonetta Greggio qui se révèle, pudique et impudique tout à la fois. Et s’étale l’importance pour l’auteur de la notion d’odeur, presque comme un sentiment, une ligne de vie : l’odeur d’un corps, des fleurs, d’un vin, un abécédaire de la sensualité.
Et dans son dernier texte, Donne de sogno banane e lamponi (Femmes de rêves, bananes et framboises), comme dans une chanson de Paolo Conte, Simonetta raconte son enterrement et comment il va se dérouler. Et, quand elle digresse un peu, elle y revient. «A mon enterrement j’aurai des cheveux blancs /Des dingues et des Pop aux sabots de guitare /Des cheveux pleins de fleurs des champs dedans leurs yeux ». Non, c’est celui que rêvait Léo Ferré. Mais, finalement, c’est peut-être un peu le même, non e véro ? Ce texte se termine par un catalogue époustouflant, auprès duquel l’aria du catalogue de Don Giovanni est de la roupie de sansonnet. Un catalogue qui commence ainsi : « J’ai passionnément aimé…. » S’ensuit deux pages d’odeurs, de couleurs, de fragrances, de sensations…. Cela commence par « les papillons, surtout les bleus… » et s’achève ainsi « Penser à la mort. Penser à la vie ».
Les mots de Simonetta Greggio, sont joie, sont vie, sont offrandes, sont bonheur. Dans son dernier texte, elle écrit : « Est-ce que cela s’entend au simple son de ma voix que je suis une fille qui aime le rock’ n roll ? Pour l’avoir écouté pendant une heure d’interview il y a deux mois, je peux dire : « Oui ».
Jacques Barbarin
« Femmes de rêve, bananes et framboises » Simonetta Greggio
Editions Flammarion 17€
« N’est-ce pas cet écrivain à laquelle »
Une bien curieuse expression. N’eût-il fallu écrire :
« N’est-ce pas cet écrivain auquel » ou « N’est-ce pas cette écrivaine à laquelle »
« Les femmes cherchent un féminin à auteur : il y a bas-bleu. C’est joli, et ça dit tout. À moins qu’elles n’aiment mieux plagiaire ou écrivaine. » Je ne serais pas aussi catégorique que Jules Renard, mais il me semble que le « grammaticalement correct » écrivaine, outre l’horreur euphonique qu’il suppose, ne correspond en rien en une réalité lexicale, le terme écrivain désignant la fonction de quelqu’un qui écrit (pour aller vite) et n’est par rattaché au sexe de l’écrivain. La phrase « N’est-ce pas cet écrivain à laquelle » ne comporte donc pas l’hérésie linguistique que Noann suppose.
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