La journaliste et Cinéaste nous invite au cœur de l’actualité en train de se faire dans la sillage des contacts puis rendez-vous et entretiens avec le Lanceur d’Alerte Edward Snowden qui va révéler au monde la surveillance de masse des citoyens par la NSA. Immersion au cœur de l’actualité en train de se faire, magnifique travail journalistique et cinématographique, qui nous fait découvrir les coulisses, et de nombreuses séquences inédites de l’affaire. A voir absolument. Le film a obtenu l’oscar du meilleur documentaire 2015.

La journaliste, photographe, productrice et réalisatrice Laura Poitras s’est révélée par son travail et par son documentaire My Country My Country (2006 ), consacré à la situation en Irak en 2004/2005 , qui fit grand bruit et qui lui valut d’être surveillée par le Département de la sécurité intérieure des Etats-Unis et d’ être arrêtée à plusieurs reprises-elle ( plus de 80 fois dans les aéroports ) et se voir confisquer , matériel et documents . Mais, loin de se laisser intimider, elle continuera ses investigations qui la conduiront dès 2011 à initier un travail sur le sujet de la mise en place des programmes de « surveillance » des citoyens. Rencontres avec certains activistes dont Julien Assange de Wikileak..Et puis, un jour sur son ordinateur un mystérieux message venant d’un certain « Citizenfour » qui dit vouloir la rencontrer et détenir des éléments importants concernant le sujet. Surprise et excitation, pendant plusieurs mois des courriels seront échangés avec l’inconnu … qui dit vouloir divulguer ses secrets, et accepter une rencontre. Le rendez-vous secret aura lieu à Hong- Kong en Juin et le signe de reconnaissance de l’inconnu, sera un « Rubik ‘s Cube » . De la rue à la chambre de l’hôtel proche en compagnie du Journaliste Glen Greenwald de Guardian, par lequel Laura Poitras s’était fait accompagner.Et l’identité de l’inconnu, Edward Snowden enfin dévoilée à leurs yeux. Cet informaticien , salarié de la Socité Booz Allen Hamilton en sous-traitance avec la NSA ( National Sécurity Agency) et la CIA ( Central Intelligence Agency) , qui travaille à Hawaï et au fait de programmes de surveillance de masse utilisant les données de la, plupart des moteurs de recherche des mails et de la vie privée des citoyens.
C’est l’histoire d’un enquête en marche à laquelle on va assister, au cœur d’un huis-clos dans une chambre d’hôtel, qui va déboucher sur les révélations qui vont déclencher une sorte de « tsunami » international, par l’ampleur et les conséquences révélées de ces écoutes de Masse qui menacent à la fois les libertés individuelles, mais au delà, celles des états par l’ampleur de l’espionnage politique et industriel.

Voilà donc le cadre mis en place par les premières séquences du documentaire dont le huis-clos qui s’installe dans la chambre d’hôtel entre Edward Snowden , est totalement hallucinant . Extraordinaire moment capté par la cinéaste d’un rendez-vous et d’entretiens dont les confidences et révélations filmés au jour le jour , où se révèlent à la fois les individus en même temps que l’ampleur d’une information dont on découvre , ici , les coulisses au cœur desquelles elle est confiée avant qu’elle ne soit portée à la connaissance du public . La mise en place de la stratégie de divulgation en même temps que celle de la protection de la source et des conséquences encourues possibles, et la manière dont il va falloir pour les uns et les autres, se protéger, et les protéger . La nécessité pour les journalistes de garder la maitrise de leur travail et leur indépendance …et pour Edward Snowden cette détermination dont il fait preuve au long des entretiens à vouloir porter à la connaissance de tous, ce qu’il considère comme une atteinte aux libertés individuelles,, en même temps, qu’un déni de démocratie .
Dans la conduite de la « captation » de ces moments, la caméra de la réalisatrice se fait complice et scrutatrice du face à face entre Snowden et les journalistes, laissant s’installer les confidence et la confiance , les doutes et les interrogations , et surtout , au fur et à mesure des explications de Snowden , le sentiment naissant chez ses interlocuteurs de l’importance des informations qui leur sont dévoilées.

C’est un grand moment de journalisme et de cinéma auquel on assiste ,interloqués, de la même manière que le sont les journalistes face à Snowden qui , eux , découvrent un individu prêt à sacrifier sa vie pour un combat qui est devenu son obsession. Celui de faire éclater la vérité au mépris des conséquences pour ses proches ,et pour lui même . Mais qui a pris toutes les précautions , pour assurer , la protection de ses documents, dont il est conscient des
conséquences , lorsqu’il les aura divulgués , en même temps son identité . Etonnant portrait qui donne à voir un homme lucide et calme, à la détermination sans failles . Se voulant avant tout lanceur d’alerte pouvant susciter d’autres vocations, refusant de se mettre en avant. Sa déclaration, face caméra , qui va faire la « une » des télévision du monde entier est à cet égard , révélatrice. Comme l’est également, au cœur de ces scènes la tension psychologique , palpable dans cette chambre d’hôtel où tout à coup une sonnerie d’alerte incendie, déclenche dans l’esprit de tous la « parano » révélatrice d’un possible danger de « surveillance » qui pourrait réduire à néant, toute la stratégie qu’ils sont en train de mettre en place.

Et celle-ci sera portée à la connaissance du public. Le 5 Juin 2013, le Guardian dévoîle le premier article mettant en cause Vérizon, une entreprise de télécommunication actionnaire majoritaire de Vodafon, Snowden déclare « les gens sont surveillés, ce qu’ils tapent dans les moteurs de recherche laisse des traces et ils peuvent se retrouver sur « une liste » de suspects en donnant à une cause politique ou en intervenant sur un forum (…) je préfère risquer l’emprisonnement ou toute autre conséquence négative plutôt que de risquer qu’on limite ma liberté intellectuelle et celle des gens autour de moi dont je me soucie autant que de moi- même » . Le 6 juin , le Guardian et Le Washington Post
dénoncent PRISM, le programme secret qui donne au gouvernement accès aux informations sur les utilisateurs de Google, Yahoo, Apple, Facebook, AOL, Youtube et d’autres . Le 7 juin , c’est la directive signée par Barak Obama qui ordonne au pentagone et à d’autres agences de cibler des listes de Cyber-attaques. Le 8 Juin, ce seront les révélation sur le « Boundless informant » le programme de collecte de données à grande échelle.Le 9 juin, la vidéo de l’interview d’Edward Snowden est Postée sur le site du Guardian … et , l’affaire éclate au niveau mondial.

Laura Poitras s’attache à montrer , en miroir de l’impact produit et de l’effet média, celui des protagonistes qui en sont à l’origine. Snowden préparant fébrilement son départ de l’hôtel , et son « exfiltration », en rendez-vous avec un avocat. Les journalistes invités dans les médias qui refusent de mettre en danger leur source, et qui désormais doivent poursuivre les contacte avec la plus grande prudence de l’anonymat protégé par les codes filtrant les données et les mails…jeux de fausses pistes , jeux du chat et de la souris pour semer le « pistage » des services secrets . La cinéaste qui s’exile à Berlin et multiple les « copies » de ses documents et leur codage, afin de ne pas les perdre et éviter une possible saisie . Et tous, cherchant à garder le contact avec leur source devenu « persona non grata » et inculpé le 22 juin 2013 par le gouvernement Américain « d’Espionnage, de vol et de détention illégale de biens gouvernementaux » Et qui va demander le statut de réfugié et obtiendra le droit d’Asile temporaire ne Russie ne 2013, prolongé en Droit à résidence pour 3 ans, en Août 2014.
Les dernières séquences montrent la reprise des contacts par la cinéaste et le journaliste Greenwald à Moscou, où la compagne de Snowden lui rendra également visite. On y assiste aux échanges prudents qui s’y déroulent à mots couverts ou codés, ou par échanges écrits sur des bouts de papier que l’on détruit aussitôt. On y découvre également que des lanceurs d’alertes, continuent le travail ( un important anonyme prêt à s ejeter à l’eau ) , et que de nouvelles révélations pourraient encore venir enrichir le dossier …Edward Snowden, comme il le souhaitait, n’est plus seul dans le combat. Le 14 Avril 2014 , Le Guardian et le Washington Post le « Prix Pulitzer de service public » pour leurs publications et leurs révélations sur le Système de surveillance de la NSA.
(Etienne Ballérini)
CITIZENFOUR de Laura Poitras -2015-
Avec : Edward Snowden , Glen Greewald , Ewen Maskill, Kevin Bakston, Julian Assange…