
L’acteur Roger Hanin s’est éteint ce 11 février 2015. S’il était célèbre pour ses rôles à la télévision. Il avait auparavant croisé la route de grands cinéastes.
Il ne faudrait pas le réduire à son seul palmarès télévisuel. Avant d’incarner le commissaire Navarro à la télévision française – Derrick parisien qui aurait pris sa vitamine le matin, ou encore Raymond Bettoun, parrain à la sauce orientale, sous la caméra d’Alexandre Arcady, Roger Hanin a tourné pour beaucoup de réalisateurs et plutôt bien.
Après une jeunesse dans la basse-casbah d’Alger, il part poursuivre ses études à Paris en 1944. Alors qu’il se destinait à une carrière de pharmacien, c’est un peu par hasard qu’il se retrouve à faire de la figuration sur une pièce de théâtre. L’expérience lui plaît. Il décide donc de prendre des cours d’art dramatique et d’embrasser définitivement la carrière d’acteur.

Dans les années 1950 et 1960, il travaillera beaucoup et va croiser la route de réalisateurs tels qu’André Cayatte pour son premier film en 1952 (Nous sommes tous des assassins), de Jules Dassin (Celui qui doit mourir, 1957), de Marc Allégret (Sois belle et tais-toi, 1958), de Michel Deville (Une balle dans le canon, 1958), d’Henri Decoin (La Chatte, 1958), de Pierre Shoendoerffer (Ramuntcho, 1959), d’Edouard Molinaro (Les Ennemis, 1962), de Dino Risi (La Marche sur Rome, 1962), de Claude Chabrol pour deux films parodiques où il est le Tigre, le rôle titre (Le Tigre aime la chair fraîche, 1964 ; Le Tigre se parfume à la dynamite, 1965)… Il jouera même dans un des films les plus emblématiques de la Nouvelle Vague A Bout de souffle de Jean-Luc Godard où il est Cal Zombach.
Il va pourtant s’éloigner de cette modernité pour représenter plutôt une production populaire française grand public. Avec son accent juif pied-noir très prononcé, il attire la sympathie par sa gouaille, son franc parler tout en représentant aussi cette part culturelle française immigrée d’Algérie. Ce particularisme, il le symbolisera encore plus avec son rôle principal dans Le Coup de Sirocco d’Alexandre Arcady en 1978 où il est un épicier obligé de quitter l’Algérie en 1962 après la guerre.

En 1981, ce même réalisateur le fera jouer un mafieux pied-noir, Raymond Bettoun dans Le Grand Pardon, qui, en dehors de Navarro, sera son plus emblématique personnage. Ils récidiveront en 1992. Malheureusement, Roger Hanin va se laisser enfermer dans ce rôle archétypale de la figure paternaliste pied-noir.
C’est à cette période qu’il abandonne peu à peu le cinéma pour se concentrer sur la télévision et des productions de piètres qualités. On se souviendra encore longtemps de son César à l’accent pied-noir dans La Trilogie Marseillaise en 2000 ! Mais pas pour les bonnes raisons.
Pourtant au regard de ses débuts cinématographiques ou de sa longue carrière théâtrale qu’il mena en parallèle en interprétant du classique (Molière, Beckett, Shakespeare, Hugo) ou moderne (Veber, Decoin, Worms), il détenait un charisme bon enfant particulier, une expérience certaine et un sacré savoir-faire dans le jeu. C’est aussi tout cela qui en a fait un des acteurs les plus populaires de France. Sans doute, la série Navarro, sans Roger Hanin n’aurait pas tenu les 18 ans qu’elle a tenu. C’est un petit exploit.
Roger Hanin est décédé à l’âge de 89 ans mais le commissaire Navarro, lui, n’est pas prêt d’arrêter d’être diffusé. Double mauvaise nouvelle donc…
Renaud Chastel