Disparition / Avec Francesco Rosi, le cinéma Italien perd un de ses grands maitres

Avec Francesco Rosi, le cinéma Italien perd un de ses grands maîtres ….

le Cinéma Italien encore en deuil , le cinéaste de Salvatore Giuliano , Main Basse sur la ville , Lucky Luciano ou Le Christ s’est arrêté à Eboli, s’est éteint à Rome.  Il avait  92  Ans . Il a été à partir  des années 1960 l’un des cinéastes ( avec Elio Petri, et quelques autres) qui a fait  avec  ses « fils -dossiers » du cinéma  de dénonciation  ( politique , sociale , économique… et Mafieuse ), un des fleurons du grand cinéma Italien qui eut un retentissement international ( et influença de nombreux cinéastes dans le monde  ) et fut couronnée dans les grands Festivals : Venise , Cannes , Berlin …

Francesco Rosi   au Festival de  cannes  en
Francesco Rosi

Né à Naples en 1922, Francesco Rosi qui fit des études de droit, puis  se dirigea dans une toute autre direction en optant au début des années 1940 pour des collaborations artistiques ( effectuant par exemples des interventions sur une Radio Locale Napolitaine) , ou encore, en illustrant des contes pour enfants, puis se dirigeant vers le cinéma où il fera une rencontre décisive , celle de Luchino Visconti dont il devient l’assistant sur le tournage de l’un des films -Phare du cinéma néo-réaliste  Italien de l’après-guerre , La terre Tremble        ( 1948 ) . Désormais , c’est le cinéma qui lui ouvre les bras et il s’y formera , aussi , à l’écriture de scénarii, tout en continuant à participer à quelques tournages pendant plusieurs années  ( dont Un Dimanche d’Aôut de Luciano Emmer en 1950 ou encore  en co-réalisant Kean ( 1956 ), avec le Comédien Vittorio Gassman ) , avant de se lancer dans le bain de la réalisation avec un premier film , Le défi ( 1956 ) une plongée au cœur de la Mafia Napolitaine par le biais d’un jeune homme  ambitieux adoubé par  le milieu  Mafieux . Le  film , tout de suite le fait remarquer ( Prix du Jury au Festival de Venise ) par le monde du cinéma.  En abordant  le  sujet sensible de  la  Mafia  et de  la corruption Politique , le   film pose  la  première pierre  de  ce  qui sera  le  thème central de l’oeuvre  du cinéaste  qui ne cessera  de  faire  le  constat  critique  de  l’évolution  de la  société  italienne de  l’après-guerre ,  compromise  dans  les  affaires de corruption multiples.

Une scène de  Salvatore  giuliano
Une scène de Salvatore giuliano

Dès lors la grande carrière du cinéaste est lancée qui ne cessera d’avoir l’exigence d’y inscrire et d’y perfectionner à la fois  le fond ( la dénonciation ) et la forme d’un cinéma d’investigation ( dossier ) qui scrute et démonte l’état d’une société gangrénée par la corruption dont il veut donner à comprendre au spectateur de manière délibérément pédagogique , le véritable visage . Informer sur les dérives de toutes sortes     en même temps  qu’en chercher les  germes , était sa priorité,  et son regard jamais ne se détournait pour en pointer les conséquences désastreuses sur les individus et sur la société . On pourrait dire que presque rien  n’échappa  à son investigation sur les maladies du monde moderne et son second film  ( Profession Magliari / 1959 ) qui traite de l’immigration des italiens en Allemagne en est la preuve .  Le film qui aborde un sujet crucial sur l’état de l’économie Italienne de l’époque qui voit se développer l’émigration vers l’étranger,  au delà de la dénonciation du phénomène,  soulève le problème plus global de l’état de la société Européenne dominée par une certaine forme d’économie politique qui conduit à la précarité et au chômage , ouvrant la place aux dérives dont les héros de son films, qui,  perdant le travail se reconvertissent en malfrats, se font le témoins . Trois ans plus tard,  c’est directement aux agissements Mafieux que le cinéaste pointe son doigt avec une détermination sans faille. Salvatore Giuliano (1962 ) marque une date dans le cinéma Italien dont désormais pendant plusieurs années , le poids de la politique et des influences est scruté au plus près. L’ Assassinat du bandit Sicilien Salvatore Giuliano en 1950,  est le prétexte pour le cinéaste de faire un véritable récit ( à la construction originale en flash-backs qui ne cessent de chercher à compléter ou interpeller, les failles de l’enquête policière ) d’investigation cherchant à mettre en évidence les raisons qui ont conduit à son meurtre ( Trahison ? ) et dont l’origine est liée aux tensions politiques sociales et économiques qui avaient conduit ce dernier et ses hommes , trois ans plus tôt , le 1er Mai 1947 à tirer sur une manifestation socialiste. Agissements Politiques et Mafieux , collusions et intérêts économiques en question , avec Le célèbre Main Basse sur la ville ( 1963 , Lion d’or  au Festival de  Venise ), et la corruption liée à l’industrie de la construction qui n’hésite pas à transformer les terrains agricoles en terrains à construction,  pour servir les intérêts de quelques – uns . Le débat est lancé et le face- à- face entre partis politiques  fera  rage mené par l’opposition communiste.

affiche  du  film  Les  hommes contre
affiche du film Les hommes contre

Après un détour ( remarquable ) avec Les Hommes contre ( 1970 ) sur le conflit Italo-Autrichien lors de la première guerre mondiale dont il fait un pamphlet superbe  contre la guerre et , surtout , les dirigeants   et  militaires qui la décident,  conduisant au massacre de millions d’hommes et de femmes innocents . Le film aborde, aussi,  le sujet de la désertion et des mutineries de 1917  suivies  d’exécutions sommaires. Il  fit grand bruit  en Italie et fut l’objet d’une procès pour « injures envers l’armée » que le  cinéaste  finit par  remporter contre les  défenseurs de l’armée . Avec l’Affaire Matteï     ( 1972, Palme d’or  du Festival de  Cannes,  Ex-aequo  avec  La  Classe Ouvrière va au  Paradis de  Elio Petri  ) Francesco Rosi revient à l’actualité avec une interrogation – investigation,  sur le cas d’un fonctionnaire , celui du titre en question , patron de l’industrie des hydrocarbures , dont la mort accidentelle (?) en 1962 , va interpeller . Plusieurs commanditaires de ce qui semble avoir été maquillé en accident , dont le récit  va tenter de  dénouer les raisons  économiques  qui  semblent au  être coeur  d’une trouble  affaire. Avec Lucky Luciano ( 1974) , c’est une certaine Mafia Italo-Américaine dont il va mettre les agissements sur la sellette avec la figure du célèbre et puissant Gangster qui sera expulsé  des Usa en 1946  mais qui n’en continuera pas moins se trafics ( héroïne ).

lino Ventura danbs Cadavres  exquis
lino Ventura danbs Cadavres exquis
Gian -Maria  Volontè dans une scène de  Lucky Luciano
Gian -Maria Volontè dans une scène de Lucky Luciano

Cadaves exquis  ( 1975) adapté du roman du grand écrivain Italien Leonardo Sciascia aborde lui, le sujet de l’impossibilité à laquelle se retrouve confrontée la justice pour éradiquer le crime dans une Italie confrontée aux enjeux politiques ( les années de plomb , stratégie de la tension ), une justice qui va se retrouver visée par une série de meurtres. Certains aspects rappelant un forme de terreur et d’oppression  d’hier  ( le fascisme ) qui ne sont pas loin… et c’est avec l’adaptation du livre de Carlo Levi Le Christ s’est arrêté à Eboli ( 1979 ) que Francesco Rosi, fait le rapprochement. Le vécu de l’exil , donc de l’exclusion, de Carlo Lévi contraint à résidence surveillée dans un village de Lucanie . Une impuissance et un exil qui laisse pourtant poindre l’espoir,  avec ce dernier qui sera « adopté » par les paysans  de la région….Une belle réflexion poursuivie par Trois Frères ( 1981 ) dont les destins se sont séparés et qui se retrouvant pour le décès de leur mère et  les obsèques ,  vont tenter de  « se reconstruire »,  un (possible?) futur commun faisant écho  à celui d’une Italie divisée par les années de plomb qui va devoir, elle aussi  se construire un avenir plus serein .

Une scène de  Le Christ s'est arrêté  à  Eboli
Une scène de Le Christ s’est arrêté à Eboli

Pour Francesco Rosi , il le sera moins professionnellement avec l’assassinat en règle ( et injuste ) par une partie de la critique de son film Chronique d’une mort annoncée (1986) adapté de Gabriel Garcia Marquez, lors de  sa  présentation  au  Festival de  Cannes ,  dont il aura du mal à se remettre et qui le marqua profondément. Heureusement il saura réagir avec Oublier Palerme ( 1990 ) revenant sur le thème de l’émigration italienne ( sicilienne ) aux Usa au travers du parcours d’un émigré qui va se porter à la candidature  pour briguer la mairie de New-York . Et surtout,  pour ce qui sera son dernier et magnifique film La Trève (1997)  d’après  Carlo Lévi , dont il adapte le roman autobiographique de son retour à la vie            ( d’Auchwitz ) avec  ses compagnons survivants de l’holocauste. Le film , comme le livre est bouleversant et  prouve que Francesco Rosi  n’avait  pas perdu , en la circonstance,  une seule note  de  qualité d’écriture et de mise en scène , il  en a fait son film d’adieu au cinéma et au public.    Un cinéma  engagé  d’un cinéaste  qui ne  l’était pas  moins qui croyait  en  la valeur et aux  vertus  d’un cinéma  » témoin  de  la réalité  et dénonciateur » .  Un cinéaste   majeur, non seulement du cinéma Italien , mais  aussi  du cinéma mondial .  Les plus  grands  comédiens  italiens  ( Gian- Maria  Volontè,  Alberto Sordi,  Renato Salvatori,  Salvo Randone, Léa  Massari, Michele Placido , Placido Domingo, Ornella  Muti…), mais  aussi internationaux  ( Rod  Steiger, Alain Cuny , Lino Ventura , Marcel Bozuffi,  Mark Frechette , Vincent Gardénia, Irène  Papas, Philippe  Noiret, Charles Vanel , Julia  Migenes-Johnson,  Rupert  Everett , James  Belushi,  Mimi Rogers, John Turturro … )  on tourné  avec , et  pour  lui.  Lui, qui  a  signé  aussi  comme  des  « pauses  »  plus légères de  beaux  divertissements:  Le  moment de  la  vérité ( 1961, sur les  coulisses de la  Tauromachie),   la belle  et le cavalier  (1966),  et   en  1984, la  belle adaptation  du Carmen de l’opéra de Bizet.
Arivederci, Francesco …

(Etienne Ballerini )

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