CAPTIVES d’ Atom Egoyan
Présenté en compétition au Festival de Cannes 2014 , le dernier film du Cinéaste de Ararat , Adoration ou de Beaux lendemains, nous propose autour de la dispartition d’une pétite fille restée introuvable pendant huit ans – et dont certains indices laissent à penser qu’elle est encore vivante- une palpitante enquête policière doublée d’une exploration des bléssures intimes d’une famille confrontée à la tragédie , en même temps qu’une réflexion sur les dangers des moyens et méthodes employés par les ravisseurs …

Le cinéaste Canadien d’origine Arménienne nous propose , avec Captives une nouvelle exploration de ses thèmes favoris et notamment celui des blessures intimes liés a des tragédies comme c’était par exemple le cas dans De Beaux lendemains ( 1997, Grand prix du jury à Cannes ) où un accident de car plongeait les familles des victimes ( des enfants ) confrontés au drame de la perte et à l’acceptation du deuil . Ici, c’est la tragédie d’une famille dont la petite fille a été enlevée par de dangereux malfaiteurs opérant sur Internet et y recrutant leurs futures victimes, des enfants, pour les entraîner ans des nébuleuses affaires de Pédo-pornographie.
Autour de la tragédie vécue par les parents et les recherches faites par la police , le cinéaste construit un récit passionnant, qui, dans le sillage des investigations menées par la cellule de Police spécialisée, s’inscrit dans la thématique du polar et de la traque .
Mais le cinéaste, dont on connaît la subtilité d’écriture et de mise en scène, déconstruit totalement le thème du polar pour nous entraîner, par le biais d’unesuperbe bande sonore musicale ( signée Mychaël Danna ) qui ne lâche pas le spectateur un seul instant, installant un climat inquiétant et oppressant. Et celui-ci est encore rendu plus opaque par un récit dont les tonalités changent en même temps que l’enquête évolue dont il traduit les incertitudes des fausses pistes que les manipulateurs du réseau, inscrivent comme leurres pour échapper à la traque polici..

Et c’est dans l’exploration de ces « espaces » mystérieux que la mise en scène du cinéaste inscrit la multiplicité des « liens » qui lui permettent d’installer une véritable atmopshère qui prend au piège le spectateur pour le rendre à son tour « captif » de son récit qui va le hanter bien longtemps après la projection . » j’aime raconter des histoires qui impliquent le public dans la cosntruction du récit , qui le dont s’intérroger sur le pourquoi et le comment ( …) j’attends beaucoup du spectateur . A mon sens un film doit être ubne expérience totalement immersive » , explique Atom Egoyan dans le Dossier de presse du film. Et c’est là le véritable enjeu, voulu, de son récit qui ( nous ) interpelle au plus profond sur la douleur de la perte, de cette disparition dont l’écho rejaillit sur toutes les personnaes concernées , les rendant « captives » , à leur tour, de cet événement tragique qui va changer leur vies . A cet égard le pluriel du titre du film est significatif qui renvoie , au delà de la captivité de Cassandra ( Alexia Fast) par son ravisseur , aussi , à celle de sa famille devenue « captive » des événements , à l’image de Matthew ( Ryan Reynolds ) hanté et prisonnier à jamais de la culpabilité d’avoir laissé, pour faire une course, sa fille dans la voiture et devenir, une proie. Matthew devenu désormais un fantôme qui hante les routes de la contrée à la recherche de sa fille. A l’image auusi , de la mère Tina ( Mireille Enos) captive à jamais du chagrin, hantée par la perte de son enfant et par des objets précis, et qui a rompu avec son mari . A l’image , également , des Policiers chargés de l’enquête dont les méandes des investigations font sourdre les zones d’ombres , comme celles, par exemple de Nicole (Rosario Dawson ) qui s’est investie dans son métier pour ne plus être captive de son passé.

Le cinéaste installe au cœur de son récit le rapport au temps, au deuil, à la perte, à la culpabilité, et à la mélancolie du manque …qui sont des thémes récurrents de son œuvre. C’est dans l’étude des personnages ; les policiers chargés de démêler la secrets de la toile , et, dans la lente descente aux enfers vécue par le couple durant les huit années de souffrances endurées , qu’Atom Egoyan inscrit, autour d’une mise en scène en forme de mise en abîme , le suspense fragmenté par des ruptures de temps et d’espace dans lequel s’introduit une voif -off qui , parfois , semble anticiper sur le déroulement des faits .
Il y inscrit également les rituels et les indices . Les rituels de Matthew ( arpentant inlassablement la route , collant les affiches de recherche dans la région , hantant la patinoire où s’entraînait sa fille ) , et , ceux pervers, de Mika (Kévin Durand) le voyeur qui se divertit du dispositif des images retransmises par les écrans de surveillance espionnant ses victimes . Des images de voyeurisme qui font écho à celles que le cinéma offre au yeux du spectateur, et dont le cinéaste en fait un thème de réflexion sur le pouvoir de l’image , thème que l’on retrouve également au centre de son œuvre depuis le début .
Et il y a les indices, dont celui laissé par Cassandra qui va permettre à l’enquête de reprendre et à ses parents d’espérer. Indices , en forme de référence voulue par le cinéaste à la Mytholoqie Grecque ( Cassandre la fille de Priam et d’Hécube qui a le pouvoir de prédire l’avenir ) qui va permettre à Cassandra de « déjouer » le(s) pièges de ses ravisseurs.

Le mystère et l’insoutenable sont prolongés par une réflexion qui; au delà de la dénonciation de ces criminels qui se cachent derrière la toile, vient pointer les dangers d’une manipulation à grande échelle des esprits, à laquelle elle peut conduire . Le « Big Brother » sur la toile pouvant désormais s’introduire aujourd’hui dans n’importe quel foyer et manipuler les esprits… comment faire face à ces dangers ?, c’est le débat que soulève le film en toile de fond d’une tragédie familiale.
A ce sujet Atom Egoyan complète notre réflexion par de très belles phrases, dans le dossier de presse du film , sur le pouvoir de l’image et des technologies modernes :
« nous sommes définis par les technologies auxquelles nous avons accès. Pas seulement internet ou les caméras de surveillance , mais aussi par des technologies plus anciennes : voitures , téléphones , medias etc. Cet aspect doit être inclus dans le récit car il contribue à notre construction en tant qu’individus . La technologie sublime, banalise ou déforme notre vécu. Mais il s’agit toujours de notre vécu. Entre la fin des années 1980 et le début des années 1990 , il y a eu un grand débat en France entre un courant qui soutenait « l’image est une imitation de la réalité », et une autre école qui affirmait « l’image est la réalité ». Je me range à ce denrier avis . L’image n’est pas seulement une imitation , elle est ce que nous sommes . Dans « Captives », les images issues des caméras de surveillance et des « médias » ne sont pas traitées comme extérieures . Il y a par exemple des images de chambre d’hôtel prises du point de vue d’une caméra de surveillance , et ces images se mêlent aisément avec ce que j’ai filmé de la même action. Les images sont complètement brouillées car les deux sources d’images sont la même facette de la même expérience. Naturellement en tant qu’homme d’images je suis largement complice. Je tente d’incorporer toutes les façons de voir dans mon histoire , en réalisant des images aussi irrésistibles que possible. Le spectateur doit être diverti , envoûté, séduit et plongé dans l’histoire , sans quoi celà n’a pas d’intérêt. Le plaisir doit faire partie du voyage ; le cinéma c’est ça, avant toute chose . C’est un art qui procure du plasir, qui donne à voir d’autres vies que la sienne » .
Et question de cinéma et de plaisir, croyez-nous avec Captives , vous serez gâtés . Du grand art…
(Etienne Ballérini)
CAPTIVES d’Atom Egoyan -2014-
Avec : Ryan Reynolds, Rosario Dawson,Scott Speedman, Mireille Enos, Kévin Durand, Alexia Fast.