Nice, le quartier des Musiciens

Le quartier des Musiciens fait partie du centre de Nice, à quelques minutes à pied de la Promenade des Anglais. Il est délimité par  l’avenue l’avenue Durante à l’est et l’avenue Gambetta à l’ouest, l’avenue Thiers au Nord et le boulevard Victor Hugo au Sud. Peut-être est-ce le pouvoir de la musique d’unir celui qui a écrasé la commune et l’un des plus grands écrivains français. Mystères de la toponymie…

49 rue Rossini

50 avenue Georges-Clemenceau (coin rue Berlioz)La plupart de ses rues portent le nom de musiciens célèbres : certains ne sont jamais venus à Nice, tels que Mozart, dont une place au centre du quartier porte le nom ; de nombreux autres au contraire ont visité la ville, fréquentée par la grande noblesse et la bourgeoisie du temps, et y ont séjourné. En tous cas aucun n’a habité le quartier. On citera Verdi, Berlioz, Gounod, Meyerbeer, Rossini, Auber…
Son urbanisation correspond à l’annexion  de Nice à la France en 1860. L’explosion touristique entraîna la construction de nouveaux immeubles dans ce quartier jadis riche en jardins potagers. On dénombre de nombreux Palais et de nombreux hôtels. Ils datent en général du début du xxe siècle. Ce quartier des Musiciens est le plus emblématique de l’architecture Belle Epoque à Nice (1860-1914).
Cette architecture, dite  « Belle Epoque » est le nom donné à un style architectural entre 1850 et 1925. Pour certains la période cette période va de 1870 à 1914, mais pour Nice il est plus commode de l’étendre (comme le fait l’historien Michel Steeve) de 1860 à 1914. Ainsi définie, c’est une période où l’on construit de nombreux bâtiments remarquables souvent qualifiés de « palais». Ces palais vont utiliser les techniques de décoration de l’architecture nouvelle : parmi elles, le traitement des façades et des toitures.
Mais, au fait, pourquoi ces immeubles, certes splendides, portent le nom de « palais » ? Ce terme de palais correspond à l’usage commun de la langue niçoise où l’on dit palai et de la langue italienne, où l’on dit palazzo, termes qui désignent tout immeuble d’habitation, qu’il soit noble ou de simple facture (et qui dès avant le rattachement de Nice à la France en 1860 auront tout simplement été repris en français).
Parmi les architectes, on peut citer Honoré Aubert (1885-1974) auquel on doit trois immeubles de la rue Rossini, aux 4, 6 et 8. Diplômé de l’École Nationale des Arts Décoratifs de Paris, l’architecte Honoré Aubert s’installe à Nice en 1919. Inventeur d’un style « Art Déco niçois » à part entière – où les façades mêlent les opus de pierre et les bétons colorés, Honoré Aubert devient rapidement l’un des architectes les plus prolifiques de cette période.
Un hôtel mérite l’attention par sa clientèle passée : L’Hôtel Oasis, 23, rue Gounod. Membres de la famille impériale, aristocrates, écrivains, artistes, révolutionnaires…Tous venaient sur la Côte d’Azur. Lénine, en 1911. Il était déjà venu à Nice en 1909 : « C’est splendide ici, un air sec et chaud, la mer du midi… », écrivait-il à sa sœur. Tchékhov a séjourné lui aussi à la pension Oasis, durant les hivers 1897-1898, 1900, 1901 et 1903. C’est là qu’il a écrit une partie de sa pièce « Les Trois Sœurs ».
3 rue GounodJuste en face dudit hôtel, il y a une –assez courte- rue Anton Tchekhov. Je lui aurai bien donné une avenue, mais bon, c’est toujours ça. Par contre, pour Vladimir Oulianov, c’est niet. Même pas une impasse. Mystères de la toponymie…
Allez ! Envisageons une promenade architecturale, et tenons nous en au « rue de musiciens ». A la rue Berlioz, levez le nez devant le 7 : Palais Fausta, le 18 : Palais Bouteilly  le 19: Palais Mirafiori , le 21 : Palais de l’Harmonie, le 25 :Villa harmonie , le 26 : Palais Cellini.
A la rue Auber 1 au 3, Joseph Kessel y habita. Ce Palais Second Laguzzi est dû à Albert Bérenger. Au 9, le Palais Saint- Saëns², au 30 : le Palais Gismonde, au 34 : Palais de Navarre, au 38 le Palais Hispania.
. A la rue Gounod, au 22, le Palais Gounod, 25 : Palais Faust, au 34 : le Palais Sapho (Faust et Sapho sont deux opéras de Charles Gounod). Rue Halévy 3 au n° 5, le  Savoy Palace : entrée principale 3 promenade des Anglais. Rue Kosma 4, au 6, le Palais du Soleil.
Il y a d’autres rues « musiciennes », mais quand vous vous serez tordu le cou pour admirer toutes celles-ci, avec celles de la rue Rossini, vous attraperez un brave torticolis. Et comptez pas sur moi pour venir vous masser. L’architecture est encore l’un des seuls arts où il ne faut pas payer pour en profiter. Il suffit de regarder, et surtout savoir regarder.
Puisque nous en sommes à l’architecture, restons-y et ne ous déplaçons pas trop loin, juste à la rue Alphonse Karr. Celle-ci est parallele à la rue Durante. Il y a un ensemble architectural digne d’intérêt au numéro 23, le Palais l’Escurial. Cet imposant immeuble Art Déco se distingue par sa façade en partie circulaire, ses fortes lignes verticales contrastant avec son long développé de façade, et la « tour-lanterne » qui le couronne.
Il fut pendant des décennies un haut lieu de divertissement. En effet, outre les logements de sa partie supérieure, le bâtiment a tout d’abord accueilli une importante salle de spectacles dès 1935 (L’Escurial), exploitée par Madame Camille Kahn-Amaudry. Plus tard, elle fut transformée en salle de cinéma, devenant ainsi la plus grande de Nice avec quelques 1 400 places..
Dans les années 1980, le cinéma L’Escurial ferma ses portes, puis fut à nouveau reconverti, mais cette fois-ci en boîte de nuit, l’une des plus importantes de la ville.

Palais L'Escurial
Palais L’Escurial

C’est au milieu des années 2000 que la boîte de nuit ferma définitivement, laissant les locaux vides pendant plusieurs années. Après une tentative de rachat par la ville en 2009, finalement sans résultat, le Grand Escurial sera finalement reconverti en supermarché : l’enseigne Casino s’est ainsi s’installée sur deux niveaux (rez-de-chaussée et 1er étage) et environ 800 m² ; l’ouverture du magasin a eu lieu le 5 décembre 2012.
Et puisque nous sommes en périphérie du quartier des musiciens, restons-y et retrouvons nous pas très loin dans la rue Paganini. Il n’y a pas grand-chose d’architectural si ce n’est l’hôtel Scribe, dont je vous propose une photo pas ordinaire. Mais ce qui m’intéresse dans cette rue (que, si  vous le voulez bien, nous assimilerons au quartier des musiciens) c’est sa mixité culturelle, voire cultuelle.

Maquisards posant devant l'hôtel Scribe en juillet 1933
Maquisards posant devant l’hôtel Scribe en juillet 1933

Y cohabite une communauté asiatique, avec restaurants chinois, japonais, vietnamien ; israëlite, qui continue de fréquenter le théâtre de la Cité, fondé il y a une vingtaine d’année par Meyer Cohen , un restaurant casher,un complexe scolaire ; musulmane, avec commerces, restaurant… Il y a même un barbier, qui n’est pas de Sévile, mais In Penny Lane there is a barber showing photographs /Of every head he’s had the pleasure to know /And all the people that come and go stop to say hello. Inutile de vous dire que cette rue Paganini, avec sa vie, c’est mon « Penny Lane » 5 à moi.

Jacques Barbarin

 

1  Daniel-François-Esprit Auber, (1782 -1872), compositeur.  Il avait coutume de dire : « Si j’assistais à un de mes ouvrages, je n’écrirais de ma vie une note de musique »
² Camille Saint-Saëns, (1835-1921) pianiste, organiste et compositeur  (Le carnaval des animaux). Il est, en 1908, le tout premier compositeur de renom à composer une musique spécialement pour un film, L’assassinat du duc de Guise.
3 Halévy (1799-1862) compositeur.
4 Joseph Kosma (1905-1969). Il a composé plus de 70 musiques de films, dont, Partie de campagne, La grande illusion, La bête humaine, Le testament du docteur  Cordelier, Le caporal épinglé (Renoir), Les visiteurs du soir, Les Portes de la nuit (Carné), Cela s’appelle l’aurore (Bunuel)
5  Penny Lane est une chanson des Beatles  de 1967. La chanson est construite comme une visite guidée autour de Penny Lane, à Liverpool, mettant en scène plusieurs personnages. Celle-ci commence avec un coiffeur qui montre les photos des têtes qu’il a connues, les passants s’arrêtant pour dire bonjour.

 

 

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